Des rainettes singes sont capturées en Guyane pour l’étude de leurs sécrétions cutanées - La Semaine Vétérinaire n° 1276 du 30/06/2007
La Semaine Vétérinaire n° 1276 du 30/06/2007

Gestion d’amphibiens sauvages

Formation continue

FAUNE SAUVAGE ET NAC

Auteur(s) : Norin Chai*, François Lemoine**, Jacques Rigoulet***, Cécile Galanth****, Mohamed Amiche*****, Odile Bain******

Fonctions :
*ménagerie du jardin des Plantes, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)
**ménagerie du jardin des Plantes, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN).
***ménagerie du jardin des Plantes, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN).
****FRE 2852 CNRS/université Paris VI, équipe “peptidome de la peau des amphibiens”
*****FRE 2852 CNRS/université Paris VI, équipe “peptidome de la peau des amphibiens”.
******unité “parasitologie comparée et modèles expérimentaux”, MNHN.
Article rédigé d’après une conférence présentée au 43rd International symposium on disease of zoo and wild animals, organisé du 16 au 20 mai 2007 au zoo d’Edimbourg (Ecosse) par l’Institute for Zoo and Wildlife Research (IZW) de Berlin (Allemagne)

Outre un mauvais état général, tous les animaux présentent une charge parasitaire particulièrement élevée. Le traitement est à la fois médical et chirurgical.

Les amphibiens ont développé une intéressante stratégie pour lutter contre les attaques microbiennes extérieures. Leurs secrétions cutanées ne comprennent pas seulement une grande variété de peptides biologiquement actifs, proches des neuropeptides et des hormones des mammifères, mais aussi et surtout des peptides antimicrobiens à large spectre dont l’action est majoritairement cytolytique.

L’espèce Phyllomedusa bicolor est à l’origine de la définition du prototype d’une famille de peptides antimicrobiens, les dermaseptines. Les secrétions, obtenues par pressions des glandes paratoïdes dorso-latérales, sont utilisées par les populations locales pour stimuler le système sensoriel, augmenter la résistance à la douleur, à la faim et à la soif et, d’une façon générale, pour accroître la force physique.

Dans le cadre d’un projet d’étude sur les peptides des Phyllomedusa bicolor, neuf spécimens sont récoltés dans la nature, en Amérique Centrale. Les animaux sont localisés grâce à leurs vocalises (seuls les mâles peuvent donc être capturés).

Un protocole rigoureux est appliqué pendant la quarantaine

Dès leur arrivée à la ménagerie du jardin des Plantes, les animaux sont placés en quarantaine dans des conditions optimales : température comprise entre 20 et 25 °C, 76 % d’hygrométrie, respect de leur rythme nycthéméral (éclairage pendant douze heures, puis obscurité pendant la même durée). Des criquets et des grillons supplémentés en vitamines leur sont proposés ad libitum les premiers jours, ainsi que quelques souriceaux.

La quarantaine inclut un examen clinique, des coproscopies (examens direct et par flottaison), des prises de sang réalisées par cardiocentèse (le prélèvement s’effectue avec une aiguille de 25 G insérée sous le xiphoïde à 15° par rapport à la surface ventrale du corps), une endoscopie de la cavité pleuropéritonéale, sous anesthésie par bain de tricaïne méthanesulfonate (MS222®, à la dose de 500 mg/l de bain). Le matériel employé comprend une optique rigide de 2,7 mm de diamètre, une chemise à double valve, un système d’insufflation automatique de CO2 médical et une pince à préhension (endoscopie Storz). En outre, une autopsie est immédiatement réalisée lors de décès.

L’examen clinique révèle un mauvais état général de tous les individus

L’examen clinique montre, chez tous les spécimens, une cachexie (poids oscillant entre 60 et 70 g) et une déshydratation, ainsi que des traumatismes récents sur le rostre (survenus lors du transport) et la présence de nombreuses filaires sous-cutanées réparties sur l’ensemble du corps.

Les plaies sur le rostre sont traitées avec une application biquotidienne de solution de chlorexidine à 10 % à l’aide d’un coton-tige, jusqu’à guérison. La déshydratation, quant à elle, se traduit notamment par des paupières collées. Le traitement est mécanique, via le retrait du mucus sec qui adhère aux paupières, suivi d’une application quotidienne d’un gel oculaire (Ocry-Gel®).

Les examens complémentaires montrent une polyparasitose digestive, sanguine et cutanée

Les coproscopies révèlent une forte charge d’œufs de nématodes (Ascaridida, Cosmocercoidea). Des cosmocercidés adultes sont également observés lors de l’examen direct des selles. Ces mêmes adultes sont décelés dans le rectum d’un spécimen mort le deuxième jour (mise en évidence lors de la dissection). Les frottis sanguins, après coloration, ne montrent aucune inclusion intra-érythrocytaire ou extra-érythrocytaire, ce qui écarte a priori une virémie. En revanche, l’examen d’une goutte de sang frais met en évidence une grande densité de microfilaires d’environ 100 µm de longueur. La présence d’une gaine sur ces parasites caractérise le premier stade larvaire (L1). Par une approche paramédiane, la laparoscopie permet d’infirmer la présence de filaires dans la cavité pleuropéritonéale. Par ailleurs, les parasites sous-cutanés peuvent être observés par transparence, à travers la membrane cœlomique. Mais leur retrait par endoscopie est exclu, car il faudrait percer la membrane à plusieurs endroits. La fermeture du site opératoire s’effectue en deux plans avec du fil résorbable et des points en U.

Les parasites digestifs sont éliminés grâce à l’application d’ivermectine (1 mg/kg) sous forme de pour on, à raison de deux applications à quinze jours d’intervalle. Une coproscopie de contrôle un an après montre encore quelques œufs. Un second traitement est conduit avec le même protocole.

Les filaires sous-cutanées sont retirées chirurgicalement sous anesthésie. Des incisions franches sont effectuées près des “grappes” parasitaires. Après les retraits à l’aide d’une pince hémostatique ophtalmique, la peau est simplement fermée avec des points en U à l’aide de fil résorbable. Neuf mois plus tard, aucun animal ne présente de filaires.

Les nématodes sous-cutanés appartiennent à la famille des Onchocercidés et à la sous-famille des Waltonellinés, parasites des anoures de l’Ancien et du Nouveau Monde. Ils possèdent un cycle indirect. Des insectes hématophages servent d’hôtes intermédiaires, où la microfilaire, une fois ingérée, mue deux fois avant de devenir infectante et prête à être inoculée à un autre amphibien par piqûre. Ensuite, dans l’hôte définitif, les parasites muent encore deux fois avant de migrer vers les tissus sous-cutanés par voie lymphatique. Les spécimens sous-cutanés observés représentent le stade adulte.

Ce cas constitue la première observation d’une infestation de Phyllomedusinés par des Waltonellinés.

L’anorexie est traitée par gavage avec un gel hyperénergétique

Dès le troisième jour, en raison de l’absence de prise alimentaire, un gavage avec un complément nutritionnel hyperénergétique pour carnivores domestiques (Nutri-plus gel®) est initié. En parallèle, des insectes divers sont proposés ad libitum. Le protocole consiste en un premier gavage avec 0,3 ml matin et soir à partir du troisième jour, puis l’administration de 0,7 ml en une seule fois à partir du trente-troisième jour et jusqu’au soixante-quatrième jour, le gavage étant alors arrêté à la suite de la reprise alimentaire spontanée.

Actuellement, les animaux ont un comportement alimentaire normal. Ils sont nourris avec l’équivalent de dix criquets et de dix grillons supplémentés par semaine.

Parmi les neufs animaux arrivés en France, deux sont morts durant l’étude, dans les premiers jours. Les six autres présentent un état clinique normal et pèsent maintenant entre 98 et 134 g. Deux sont présentés au public dans un terrarium végétalisé (100 cm de longueur sur 50 cm de profondeur et 60 cm de hauteur, avec une température de 26 °C, un taux d’hygrométrie de 75 % et un cycle d’éclairage 12 h/12 h). Ils font l’objet de vaporisations deux fois par jour. L’eau de leur bac est changée quotidiennement. Les quatre autres sont installés dans un plus grand terrarium, avec des paramètres environnementaux similaires.

BIBLIOGRAPHIE

  • • M. Amiche, A.A. Seon, T.N. Pierre et P. Nicolas : « The dermaseptin precursors : a protein family with a common preproregion and a variable C-terminal antimicrobial domain », FEBS Letters, 1999, n° 456, pp. 352-356.
  • • O. Bain, J. Prod’hon : « Homogénéité des filaires de batraciens des genres Waltonella, Ochoterenella et Madochotera ; création des Waltonellinae n. subfam. », Annales de parasitologie (Paris), 1974, vol. 49, n° 6, pp. 721-739.
  • • V. Erspamer, G.F. Erspamer, C. Severini, R.L. Potenza, D. Barra, G. Mignogna, A. Bianchi : « Pharmacological studies of “sapo” from the frog Phyllomedusa bicolor skin : a drug used by the Peruvian Matses Indians in shamanic hunting practices », Toxicon, 1993, vol. 31, n° 9, pp. 1099-1111.
  • • J.H. Esslinger : « Ochoterenella chiapensis n. sp. (Nematoda : Filariooidea) from the toad Bufo marinus in Mexico and Guatemala », Trans. Am. Microsc. Soc., 1988, vol. 107, n° 2, pp. 203-208.
  • • P. Nicolas et M. Amiche : « The dermaseptins », Handbook of biologically active peptides, Ed. AJ. Kastin, Elsevier, 2006, pp. 295-304.
  • • S.L. Poynton et B.R. Whitaker : « Protozoa and metazoa infecting amphibians », dans Amphibian medicine and captive husbandry, K. Wright et B.R. Whitaker (eds.), 2001, Krieger Publishing Company, pp. 193-221.
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