Les pieds des éléphants n’ont rien à envier aux chaussures de sport modernes - La Semaine Vétérinaire n° 1275 du 23/06/2007
La Semaine Vétérinaire n° 1275 du 23/06/2007

Anatomie

Formation continue

FAUNE SAUVAGE ET NAC

Auteur(s) : Catherine Bertin-Cavarait

Les aptitudes biomécaniques des pieds sont en partie liées à la spécialisation poussée des coussinets.

Il n’a pas de coussinets d’air sous les pieds. Pourtant, Dumbo pourrait sans rougir comparer son équipement avec celui de Roger Federer. En effet, les caractéristiques de leurs coussinets graisseux confèrent aux éléphants des propriétés remarquables qui pallient l’absence d’appareil suspenseur du pied.

Une étude récente des pieds antérieurs et postérieurs de neuf éléphants d’Afrique (Loxodonta africana)(1) a permis de préciser notamment l’anatomie et la biomécanique des coussinets digitaux et métapodiaux. Les pieds provenaient de quatre mâles juvéniles prélevés dans un parc national d’Afrique du Sud et de cinq femelles âgées de six ans et demi à quarante-six ans, issues de parcs zoologiques européens et d’un autre américain.

Véritables réceptacles du métacarpe/métatarse et des doigts, les coussinets graisseux occupent tout l’espace entre le carpe/tarse, le métacarpe/ métatarse, les os du doigt, les muscles, les ligaments et la peau de la sole. Ils sont constitués de tissu amorphe, de tissu graisseux blanc et jaune, ainsi que de petits cordons de tissu fibreux. De fins faisceaux de tissu fibreux gris délimitent un large compartiment métatarsien/métacarpien et trois compartiments digitaux. Le compartiment métatarsien/ métacarpien est entouré d’une épaisse capsule de tissu fibreux. Vers l’extrémité des orteils, les compartiments digitaux des postérieurs deviennent plus fins et plus irréguliers, ceux des antérieurs plus courts. Ces compartiments digitaux ne supportent pas les phalanges distales qui reposent sur des tissus adipeux et fibreux périphériques.

Les compartiments digitaux et métapodiaux jouent des rôles biomécaniques différents

Comme chez les autres mammifères quadrupèdes, la plus grande partie du poids repose sur les membres antérieurs. Les orteils des pieds antérieurs sont probablement plus impliqués dans le soutien que ceux des postérieurs. En effet, l’angle entre l’axe des phalanges et la sole du pied antérieur est plus étroit que celui du postérieur. De plus, le coussinet métacarpien est petit comparé à la taille totale du pied. Au niveau du pied postérieur, compte tenu des positions des os, la majeure partie du poids reposant sur le membre postérieur transite à travers le compartiment métatarsien.

Outre la protection du pied vis-à-vis des chocs, le coussinet a aussi pour rôle de distribuer le poids sur la totalité de la sole. Quand il est compressé, il s’étend médialement, latéralement, et dans le sens plantaire/palmaire. La compression et l’expansion du pied pendant le cycle de locomotion dépendent principalement de l’expansion des coussinets métapodiaux. En effet, les compartiments digitaux sont plus riches en fibres de collagène. Ces dernières, en limitant la visco-élasticité du tissu adipeux, renforcent la rigidité des coussinets. Ainsi, les compartiments digitaux ne sont pas aptes à encaisser les importantes déformations supportées par les compartiments métacarpiens/métatarsiens. Lorsque les pieds sont déchargés du poids du corps, une différence entre les antérieurs et les postérieurs est notée. En effet, la surface de la sole des pieds postérieurs est convexe, alors que celle des pieds antérieurs reste plate. De même, quand la peau de la sole est ôtée, le compartiment métacarpien du coussinet demeure plat, alors que le compartiment métatarsien, bien arrondi, est visible.

Les éléphants possèdent une particularité anatomique, un sixième doigt

A l’intérieur du pied, de légers mouvements des doigts sont possibles. Ils permettent l’ajustement de la distribution du poids sur certaines parties du coussinet grâce aux modifications de la posture du pied et de la position des différents éléments du squelette. En outre, le prépollex (tarse) et le prehallux (carpe, sixième doigt cartilagineux) amélioreraient la rigidité du tarse/ carpe en stabilisant l’effet du coussinet.

Les bovins possèdent des coussinets graisseux dont l’organisation est similaire(2). Il en est de même pour les hommes, chez qui les coussinets sont composés de colonnes de gras confinées dans de petites chambres de tissu conjonctif fibreux et renforcées par un maillage constitué de fibres élastiques diagonales et transverses.

  • (1) G.E. Weissengruber et coll. : « The structure of the cushions in the feet of african elephants (Loxondota Africana) », J. Anat., 2006, n° 209, pp. 781-792.

  • (2) Voir La Semaine Vétérinaire n° 1206 du 17/12/2006 en pages 36 à 38.

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