LE MANAGEMENT SYSTÉMATISÉ PERMET PLUS D’EFFICACITÉ

Un ensemble d’idées, de méthodes et d’outils qui visent à améliorer les performances actuelles et à venir de l’entreprise vétérinaire. » Telle est la définition du management selon le groupe d’étude et de recherche dédié à cette discipline (Germ) au sein de l’Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie (Afvac). Le practice management, lui, comprend à la fois les ressources humaines, le marketing, les finances, l’aménagement des locaux, ainsi que les aspects fiscal, juridique et social. L’objectif est d’optimiser le fonctionnement de l’entreprise en satisfaisant au mieux les attentes des clients, des employés et des associés. Encore marginale voici quelques années au sein des structures vétérinaires, la discipline suscite curiosité et interrogations. Beaucoup se demandent quel est son intérêt pour le praticien qui travaille seul avec une auxiliaire ou encore pour les établissements plus importants qui regroupent plusieurs associés, confrères salariés et auxiliaires. Sa pratique relève-t-elle du simple bon sens ou nécessite-t-elle un apprentissage ? Quel est son avenir dans l’entreprise vétérinaire ?

Le manque de formation au management dans les écoles est pointé du doigt

L’image du vétérinaire qui travaille seul, à son domicile, aidé par son épouse qui assure l’accueil et la réception des appels, est aujourd’hui surannée. En effet, au cours des trente dernières années, le mode d’exercice a évolué. Les associations se sont développées, pour que le praticien puisse s’octroyer quelques moments de repos et améliorer sa qualité de vie, mais également pour rentabiliser ses investissements. Le travail se fait désormais en équipe au sein d’une entreprise libérale.

« Toutefois, si la formation de vétérinaire […] procure de grandes qualités d’analyse, elle façonne des praticiens plutôt individualistes, peu prédisposés au travail d’équipe », estime notre confrère Jean-Claude Tiraby⁽¹⁾. Il rappelle que le praticien seul avec une auxiliaire constitue déjà une équipe. Le fonctionnement de celle-ci implique un certain nombre de tâches managériales. « Véritable homme-orchestre, le vétérinaire est à la fois comptable, gestionnaire, spécialiste des ressources humaines tout en restant un praticien de qualité qui maintient à jour ses connaissances ! »

S’il n’est pas inexact de dire qu’il existe des managers “nés”, dotés d’un sens inné de meneur d’hommes, la maîtrise de certains outils de communication s’apprend. Quant aux qualités d’écoute et de prise de décision, il est possible de les développer. Mais les préoccupations du manager responsable ne se limitent pas à la gestion des hommes, aussi complexe soit-elle. Sa responsabilité porte également sur des aspects plus prosaïques, mais tout aussi essentiels comme la gestion financière et organisationnelle. Or cette dernière n’est que peu abordée dans le cadre de l’enseignement général dispensé dans les écoles vétérinaires. Ainsi, interrogés via Planete-vet.com sur les formations dans ce domaine, 77 % des confrères pointent du doigt les lacunes existantes, alors que le management fait partie intégrante de la profession selon plus des trois quarts de ceux qui se sont exprimés dans une autre enquête réalisée sur le site. Si 25,3 % des praticiens ont déjà suivi une formation en management, ils sont 51,7 % à être intéressés par un tel enseignement.

Les outils se développent pour aider les praticiens dans leur apprentissage

Depuis quelques années déjà, certains laboratoires proposent des formations : le Practice Health Program (PHP) de Hill’s, le Vet Manager de Virbac, le Pfizer Entrepreneur, le Cap Développement de Merial ou encore les symposiums management de Royal Canin. Le Germ organise des séminaires chaque année et a géré le contenu scientifique du congrès de Belle-Ile consacré à cette discipline en 2005. Les formations professionnelles continues (Formavéto) proposées par le Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral (SNVEL) forment aussi des vétérinaires au métier de chef d’entreprise. En outre, l’an passé, sous l’impulsion de Dominique Béchu, responsable de la communication et du marketing à l’école de Toulouse, et de nos confrères Pierre Sans, maître de conférences, et Yannick Poubanne, vétérinaire consultant en practice management, l’ENVT a innové en proposant la première formation diplômante, le diplôme d’école en management vétérinaire (DEMV), destiné aux praticiens libéraux. Trois modules (ressources humaines et développement personnel, marketing et communication, finances et juridique) sont dispensés pendant trois semaines. Un quatrième module (développement personnel et réalisation entrepreneuriale) permet au participant d’être accompagné pendant trois à six mois par un tuteur dans la résolution d’une problématique propre à son infrastructure et relevant du management. Ce travail, résumé dans un mémoire soutenu devant un jury de professionnels, clôt l’ensemble de la formation. L’idée est de pouvoir intégrer une partie de cette dernière au sein du cursus général d’ici à un an ou deux.

Pour aller plus loin, Yannick Poubanne a lancé l’étude Econovet. 498 confrères ont répondu au questionnaire « monitoring économique vétérinaire » dont « l’objectif est d’expliquer ce qui caractérise les structures qui réussissent le mieux ». Les questions, précises, concernent un descriptif de la clinique, ses équipements, son activité, ses hommes, ses services et ses outils de communication clients, sa rentabilité (illustrée par des critères économiques), ainsi que les stratégies de développement. Les réponses font apparaître des différences statistiquement significatives concernant le fonctionnement d’une clinique au sein de laquelle exerce un praticien ayant suivi un enseignement en management par rapport à une autre où personne n’est formé à cette discipline. Dans les premières, la formation des praticiens et des auxiliaires est mise en avant. Le prix de la consultation de base est plus élevé (28,38 € au lieu de 27,71 €). En outre, des répercussions importantes en matière de revenus et de chiffre d’affaires sont enregistrées (^{voir tableau}). « Il existe donc une relation significative entre la présence au sein de la clinique d’au moins un vétérinaire formé au management et les niveaux de chiffre d’affaires et de revenus des libéraux. Ce résultat inédit milite en faveur du rôle du management dans la performance de la structure vétérinaire », avance Yannick Poubanne.

Les praticiens ont quelques clés, mais ne les utilisent pas de façon optimale

Pour notre confrère, les principaux problèmes des praticiens sont aujourd’hui le manque d’organisation de leur temps et l’insuffisance d’aide pour appliquer de façon durable les démarches d’entreprise que presque tous connaissent. « Actuellement, dans les structures vétérinaires, quelle que soit leur taille, l’effort à fournir porte sur l’exécution systématique et durable de techniques de management faciles à mettre en œuvre. Cela évite de se disperser et permet de récolter plus rapidement les fruits de ses efforts. »

Quelques outils simples, qui ont montré leur efficacité, ne sont pas toujours utilisés. Par exemple, 45 % des praticiens n’emploient pas systématiquement la facturation détaillée⁽²⁾. Par ailleurs, 26,7 % des confrères n’augmentent pas leurs prix annuellement⁽²⁾. Quant aux techniques de vente, elles ne sont pas systématiquement appliquées par les auxiliaires lors des demandes de prix par téléphone. Elles apparaissent parfois comme des menaces, alors que ce sont des opportunités d’après Yannick Poubanne. Par exemple, les études de satisfaction clients réalisées dans les cliniques montrent que ces derniers aimeraient mieux connaître les services disponibles pour leur animal au sein de la structure qu’ils fréquentent. Mais peu de cabinets ont à ce jour réalisé de telles enquêtes. « L’intérêt des nouveaux services comme les visites pubertaires, gériatriques ou encore les bilans de santé annuels est connu, mais combien de confrères les proposent systématiquement ? Certains essayent de temps en temps, mais la démarche n’est pas assez “protocolisée” », estime notre confrère. Selon lui, le consentement éclairé est également un point important à améliorer.

« Il existe d’autres moyens pour systématiser l’exécution des techniques de management afin d’en profiter rapidement au sein de sa structure, petite ou grande. Parmi eux, citons la professionnalisation de la fonction de management par mutualisation ou par délégation à un practice manager. »

• (1) « L’équipe de vétérinaire libéral : définition, forces, faiblesses, tendances actuelles », Jean-Claude Tiraby, mémoire de diplôme d’école en management vétérinaire (DEMV), 2007.

• (2) Source Econovet 2007.