L’hypovolémie consécutive à une brûlure est préoccupante - La Semaine Vétérinaire n° 1272 du 02/06/2007
La Semaine Vétérinaire n° 1272 du 02/06/2007

Plaies dues au feu, à l’électricité, aux produits chimiques, etc.

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Antoine Dunié-Mérigot*, Cyrill Poncet**

Fonctions :
*Internat de perfectionnement en sciences appliquées vétérinaires (IPSAV), résident de l’European College of Veterinary Surgeons (ECVS)
**Praticien au centre hospitalier vétérinaire Frégis à Arcueil (Val-de-Marne)
***diplômé de l’ECVS
****Praticien au centre hospitalier vétérinaire Frégis à Arcueil (Val-de-Marne)

Les brûlures sont sous-estimées. Leur prise en charge peut se révéler lourde lorsqu’elles sont profondes et étendues. Dans ce cas, une gestion locale et systémique s’impose.

Les plaies par brûlure peuvent être classées selon leur cause ou d’après leur profondeur et leur extension (voir tableau). La classification en 1er, 2e ou 3e degré, peu appropriée, est rarement utilisée en médecine vétérinaire.

Quatre grands types de brûlures sont distingués. Les premières, thermiques, sont dues au feu (voir photo 1), aux liquides chauds (bouillottes), aux métaux (radiateurs, moteur de voiture) ou au froid. Les brûlures radio induites, pour leur part, résultent d’un traitement par radiothérapie. Les brûlures électriques sont consécutives au contact direct avec le courant électrique (à la suite du mâchonnement de câbles ou de l’utilisation d’une plaque de bistouri unipolaire défectueuse, par exemple). Les dernières, chimiques, proviennent du contact avec des bases ou des acides forts (voir photo 2). L’étendue des brûlures (en pourcentage de surface corporelle) est importante d’un point de vue pronostique, en médecine humaine comme en médecine vétérinaire. La distinction s’effectue entre les brûlures minimes (moins de 15 % du corps), modérées (entre 15 et 50 % du corps) et sévères (plus de la moitié du corps).

La physiopathologie est fondée sur la dénaturation des protéines

Une brûlure thermique apparaît lorsque l’énergie libérée par la chaleur dépasse les capacités du tissu à l’absorber et à la dissiper. Par exemple, une nécrose épidermique apparaît après quatre minutes d’exposition à 51 °C, mais après seulement une seconde à 70 °C. Ce type de brûlure résulte d’une rupture des membranes cellulaires et d’une coagulation des protéines, induisant la mort cellulaire.

Une brûlure de nature électrique s’explique par la chaleur que génère le courant au travers du corps de l’animal (effet court-circuit). La brûlure chimique, quant à elle, peut agir selon différentes modalités (corrosion, dessiccation, oxydoréduction, formation de sel).

Le choc hypovolémique est particulièrement préoccupant sur les plaies étendues. En effet, de nombreux mécanismes engendrent un déplacement des fluides sanguins du secteur vasculaire au secteur interstitiel, pouvant conduire à un état critique, voire à la mort de l’individu. Chez le chien, les brûlures d’épaisseur partielle de plus de 20 % de la surface corporelle conduisent à une perte de 28 % du volume plasmatique dans les six premières heures. Par la suite, les pertes hydriques peuvent se produiront par l’évaporation au niveau même des brûlures, et cela jusqu’à la cicatrisation complète.

Les brûlures, notamment thermiques, peuvent causer de l’anémie, des déséquilibres électrolytiques (hyperkaliémie due à l’hémolyse), des dysfonctionnements rénaux et hépatiques (essentiellement dus à l’hypovolémie), des iléus paralytiques, des endotoxémies, une baisse de l’immunité (les infections sont responsables de 75 % des morts par brûlure thermique chez l’homme), ainsi qu’un syndrome de défaillance multiorganique.

Les brûlures dues aux flammes, lors d’un incendie, doivent faire l’objet d’une attention particulière. En effet, l’exposition à la fumée peut provoquer des affections respiratoires consécutives à l’inhalation, ainsi que des brûlures cornéennes.

En cas de brûlure électrique, le risque de développement d’œdème pulmonaire neurogénique est élevé. Il s’explique par une activation massive du système sympathique.

L’évaluation de l’étendue des lésions est essentielle

Evaluer la lésion peut se révéler difficile en raison du pelage qui masque la peau. Une tonte large de la zone atteinte est donc nécessaire. L’apparition de régions en phase de nécrose après plusieurs jours est possible. L’étendue des zones de brûlure se mesure en pourcentage (membre thoracique : 18 %, membre pelvien : 9 %, tête et cou : 9 %, portion ventrale du tronc : 18 %, portion dorsale du tronc : 18 %).

Estimer la profondeur des lésions est également délicat, pour les mêmes raisons, auxquelles s’ajoute le retard d’apparition de certaines brûlures (bouillottes, tapis chauffant). De manière générale, les brûlures d’épaisseur totale ne sont pas douloureuses et les poils s’épilent facilement. A contrario, celles d’épaisseur partielle sont douloureuses et le pelage s’épile difficilement.

Les zones atteintes sont refroidies durant trente à quarante minutes. Les brûlures induites par des produits chimiques sont en outre lavées à l’eau le plus rapidement possible.

Une fluidothérapie est instaurée lors de brûlures étendues sur plus de 15 % du corps. Le choix dépend de l’état clinique. Les colloïdes de synthèse (hydroxyéthylamidon : HEA, dextran) sont utilisés en cas de choc hypovolémique décompensé modéré à sévère, par bolus de 5 ml/kg sur vingt à trente minutes, puis à raison d’une dose d’entretien de 10 ml/kg/j. Les cristalloïdes hypertoniques (NaCl à 7,5 %) sont également réservés à ces cas de figure, à la dose de 2 à 4 ml/kg en bolus sur cinq minutes. Les cristalloïdes isotoniques (NaCl à 0,9 %, Ringer lactate) sont employés lors de choc hypovolémique compensé. Des bolus rapides peuvent être administrés à raison de 30 ml/kg sur dix minutes, puis avec une dose d’entretien de 60 à 90 ml/kg/j pour tout type de choc. La fluidothérapie est poursuivie dans les cas de brûlures profondes pour lesquelles des pertes par évaporation sont possibles. Le suivi électrolytique (Na, K notamment) doit être réalisé une fois par jour au moins.

Une supplémentation en oxygène peut se révéler utile lors d’atteintes respiratoires dues à l’inhalation de fumée. Certains animaux développent des œdèmes laryngés qui nécessitent un traitement diurétique, une intubation, voire une trachéotomie pour les cas réfractaires. Les poumons (œdème, bronchospasme) peuvent être touchés lors d’intoxication par la fumée. Cette situation est particulièrement létale. Des radiographies thoraciques sont fortement recommandées dans ce cas de figure, voire une analyse des gaz sanguins. Des diurétiques, des bronchodilatateurs, des fluidifiants des sécrétions bronchiques, ainsi que des nébulisations peuvent être employés. Pour sa part, l’oxygénothérapie a pour but de lutter contre les intoxications au monoxyde de carbone.

L’analgésie doit faire partie du plan thérapeutique

Les brûlures, en phase aiguë, sont des lésions douloureuses. Une analgésie efficace et ciblée doit être instaurée au plus vite. Des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) sont administrés lorsque l’état d’hydratation de l’animal le permet. Des opioïdes (morphine, butorphanol, hydromorphone, oxymorphone, fentanyl) peuvent se révéler nécessaires au cours des vingt-quatre premières heures. La kétamine (1 à 2 mg/kg par voie intramusculaire, Imalgène®) semble également utile en tant que coanalgésique des opioïdes pour son action musculocutanée. Les opioïdes et la kétamine sont toutefois réservés aux brûlures sévères.

Le soutien nutritionnel constitue une étape thérapeutique à ne pas négliger. Un apport complémentaire de nutriments est essentiel pour des brûlures de plus de 15 à 20 % du corps, en raison de l’hypermétabolisme engendré par les lésions et les pertes protéiques. Un apport alimentaire de base ne suffit pas dans de tels cas. Les brûlures de plus de 30 % du corps nécessitent des apports considérables (deux fois les besoins de base) par voie entérale (voie orale directe, sonde naso-œsophagienne, sonde d’œsophagostomie, tube de gastrostomie) ou parentérale (intraveineuse).

Les tissus nécrosés et les escarres liées aux brûlures favorisent la prolifération bactérienne in situ. Les infections représentent la complication la plus importante en médecine humaine. Ce risque est diminué de moitié depuis l’arrivée des traitements topiques, notamment la sulfadiazine argentique (Flammazine 1 %®, Solvay Pharma). Cette pommade a un spectre large (gram positif, gram négatif) et antifongique (Candida). Le traitement doit être instauré au plus vite, car son efficacité est limitée une fois l’infection installée. Une à deux applications par jour sont nécessaires (voir photo 3). Auparavant, une hydrothérapie locale et une désinfection à la chlorhexidine diluée sont recommandées.

Les brûlures, surtout lorsqu’elles sont circonférentielles (au niveau de membres), peuvent provoquer des strictions (effet garrot) et, par conséquent, un défaut de retour veineux. Une incision de libération de l’escarre (escarrotomie) ou une incision plus profonde au sein du fascia (fasciotomie en cas de syndrome de compartimentation) peuvent être réalisées.

Le débridement se révèle nécessaire lors de brûlures profondes et quand une escarre se forme avec un sillon disjoncteur, ce qui peut prendre quelques jours (voir photo 4) Il existe alors plusieurs façons de procéder. L’épluchage et le débridement enzymatique sont peu utilisés en médecine vétérinaire. Le débridement chirurgical reste le plus approprié chez des animaux dont l’état est stable. L’excision de l’escarre peut être suivie d’une fermeture de la plaie si aucune tension n’existe (voir photos 5 et 6). Si la fermeture est compromise par un déficit cutané trop important, des lambeaux ou des greffes de peau libre sont réalisables, à condition que le site receveur soit granulé, non infecté et dépourvu de tissus nécrotiques. Si aucune fermeture n’est possible ou si le site receveur n’est pas sain, la zone est traitée comme une plaie ouverte jusqu’à la fermeture par seconde intention ou primaire retardée (tulles gras, pansements colloïdes, etc.).

Le pronostic est sombre pour les brûlures de plus de 50 % de la surface corporelle

De manière générale, les brûlures du 1er degré et celles qui atteignent moins de 15 % du corps ont un bon pronostic et ne nécessitent que des soins locaux. Les brûlures du 2e degré qui touchent plus de 15 % de la surface corporelle nécessitent un traitement en urgence et des soins rapprochés (hospitalisation, fluidothérapie, soutien nutritionnel). Leur pronostic est bon à réservé. Mais, étant donné la forte morbidité, la mortalité, la douleur et le coût du traitement, l’euthanasie est malheureusement préconisée lors de brûlures des degrés 2, 3 et 4 de plus de la moitié de la surface corporelle.

La prise en charge des brûlures doit être rapide. Un bilan systématique sur l’étendue et la profondeur est à réaliser au plus vite afin de déterminer l’attitude thérapeutique. Il est fondamental de retenir qu’une brûlure peut provoquer des dysfonctionnements systémiques majeurs (hypovolémie, hypoprotéinémie, infections opportunistes) susceptibles de conduire à la mort de l’animal. Le traitement local n’est donc pas la seule issue, et le contexte épidémiologique est à prendre en considération (incendie et intoxication par la fumée, par exemple).

VOIR AUSSI

• G. Touzot-Jourde : « La douleur due aux brûlures exige plus que la monothérapie », La Semaine Vétérinaire, n° 1246 du 25/11/2006, pp. 30-31.

• G. Payen, B. Clerc, A. Klein : « Brûlures multiples à la soude caustique chez un chien », Le Point Vétérinaire, 2006, vol. 37, n° 262, pp. 54-59.

• V. Meunier : « Les brûlures chimiques de la cornée des carnivores », Le Point Vétérinaire, 2001, vol. 32, n° 212, p. 40.

BIBLIOGRAPHIE

  • • E.R. Pope : « Thermal, electrical and chemical burns and cold injuries », Textbook of small animal surgery, Slatter, WB Saunders, Philadelphia, 3e édition, 2002, pp. 356-372.
  • • C.L. Aragon, S.E. Harvey, S.W. Allen, M.A. Mc Crackin Stevenson : « Partial thickness skin grafting for large thermal skin wounds in dogs », Compend. Contin. Educ. Pract. Vet., 2004, pp. 200-212.
  • • M.M. Pavletic, N.J. Trout : « Bullet, bite and burn wounds in dogs and cats », Vet. Clin. North Am. Small Anim. Pract., 2006, vol. 36, n° 4, pp. 873-93.
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