L’anatomo-physiologie du cheval engendre des conséquences anesthésiques - La Semaine Vétérinaire n° 1271 du 26/05/2007
La Semaine Vétérinaire n° 1271 du 26/05/2007

Fonction respiratoire du cheval et anesthésie

Formation continue

ÉQUIDÉS

Auteur(s) : Gwenola Touzot-Jourde

Malgré un système respiratoire performant, les complications respiratoires durant l’anesthésie générale sont plus fréquentes chez le cheval que chez les autres espèces.

Le cheval est un remarquable athlète, doté d’une capacité pulmonaire impressionnante et d’un excellent système cardiovasculaire. Son mécanisme d’extraction de l’oxygène est particulièrement efficace et il tolère bien, à l’exercice, de courtes périodes d’hypercapnie et d’hypoxémie. Pendant l’exercice maximal, le volume courant ainsi que la fréquence respiratoire augmentent fortement, pouvant multiplier la ventilation totale par trente. Toutefois, l’anesthésie générale, qui s’accompagne d’une dépression respiratoire, entraîne chez le cheval davantage de problèmes que chez d’autres espèces domestiques. Les raisons de ces complications fréquentes ne sont pas entièrement connues et comprises, mais de nombreuses études réalisées sur des aspects complémentaires de ce phénomène fournissent des réponses partielles qui commencent à former un puzzle d’explications.

Une détérioration de l’échange gazeux pulmonaire et de l’oxygénation artérielle

Des études montrent ainsi la présence d’atélectasie du poumon associée à un certain degré de déséquilibre du rapport ventilation/perfusion lors de l’anesthésie générale du cheval. Ces dysfonctionnements sont dus en partie à la taille de l’animal. L’anesthésie générale accompagnée du décubitus provoque un déplacement cranial du diaphragme qui réduit les volumes pulmonaires, dont la capacité résiduelle fonctionnelle qui peut perdre jusqu’à la moitié de sa valeur normale. Ce déplacement cranial est corrélé positivement avec le poids du cheval, mais aussi avec sa conformation : plus le sujet est lourd et plus l’abdomen est rond, plus le diaphragme est déplacé vers l’avant. Ce phénomène a une conséquence immédiate sur la préparation de l’anesthésie, puisque la mise à jeun de tout cheval et la décompression de l’estomac lors de colique auront un effet direct sur la position du diaphragme au moment de l’anesthésie.

L’atélectasie pulmonaire des lobes en position déclive est une conséquence de la pression exercée par les viscères thoraciques et abdominaux sur le tissu pulmonaire. La persistance d’un débit sanguin passant par les zones de poumon collabé (shunt droit-gauche) aboutit à un mélange de sang non oxygéné avec du sang normalement oxygéné dans le lobe gauche et une baisse du contenu total en oxygène du sang artériel systémique. Le shunt droit-gauche, de 5 % environ chez le cheval sain en position debout, peut croître jusqu’à une valeur de 20 à 50 % selon la position du décubitus à la suite de l’anesthésie. La valeur la plus haute est notée lors de décubitus dorsal (de 33 à 50 %). La pression partielle en oxygène du sang artériel systémique (PaO2) diminue proportionnellement avec l’augmentation du pourcentage de shunt, en dépit de l’apport d’une fraction inspirée haute en oxygène (supérieure à 90 %). L’hypoxémie (PaO2 ≤ 60 mmHg) est possible et souvent notée. Elle peut avoir des conséquences dramatiques sur le réveil et la survie du cheval. L’anesthésie modifie les mécanismes physiologiques qui contribuent au maintien d’un bon équilibre entre la ventilation et la perfusion du poumon. Elle inhibe, d’une façon plus ou moins marquée selon les molécules utilisées, la vasoconstriction pulmonaire hypoxique, réflexe qui permet de diriger le débit sanguin pulmonaire artériel vers les zones bien ventilées du poumon pour une oxygénation optimale. Les protocoles d’anesthésie intraveineuse ont tendance à altérer faiblement ce réflexe par rapport à l’anesthésie volatile qui le dérègle complètement. L’utilisation de molécules anesthésiques injectables pour le maintien de l’anesthésie permet de garder un bon rapport ventilation/perfusion et de limiter la survenue de l’hypoxémie en anesthésie équine.

Les méthodes de réexpansion pulmonaire sont limitées ou difficilement utilisables

Différentes techniques de ventilation artificielle ont été testées. L’utilisation de la ventilation en pression positive permet de normaliser l’excrétion du CO2 chez le cheval sous anesthésie générale, mais cela n’est pas toujours efficace pour améliorer l’oxygénation de l’animal. En outre, l’application d’une pression positive intrathoracique a un impact négatif sur le système cardio-vasculaire (diminution du retour veineux) et peut aboutir à un débit cardiaque faible, équivalent à la moitié de la valeur du débit mesuré chez un cheval debout au repos, et par conséquent à une hypoperfusion tissulaire.

Néanmoins, la mise en œuvre de la ventilation contrôlée dans les dix minutes de l’induction de l’anesthésie augmente les chances d’améliorer l’oxygénation (93 % de chances d’avoir une PaO2 supérieure à 90 mmHg au lieu de 69 % lors d’une instauration tardive). Le type de respirateur (volumétrique ou à pression contrôlée) ne semble pas influer sur le résultat. L’utilisation de la pression expiratoire positive (positive end-expiratory pressure, PEEP), performante chez l’homme, est controversée chez le cheval. Un haut niveau de PEEP est nécessaire dans l’espèce équine pour une réexpansion significative des aires pulmonaires d’atélectasie et a un sévère impact négatif sur le débit cardiaque. De nouvelles manœuvres, dites de recrutement, testées en médecine humaine et adaptées au cheval, ont rencontré davantage de succès et n’ont eu aucune conséquence majeure sur l’équilibre hémodynamique. Elles consistent à appliquer une pression inspiratoire haute pendant quinze secondes, suivie du maintien d’une PEEP optimale pour regonfler les zones pulmonaires collabées. Ces techniques exigent toutefois l’ajout d’une fonction PEEP modulable au respirateur classique.

Un mélange air-oxygène pour les gaz inspirés réduit le collapsus pulmonaire

L’oxygène est vite absorbé de l’alvéole dans le capillaire sanguin, ce qui vide rapidement l’alvéole lorsqu’elle n’est remplie que d’oxygène et lui confère une tendance au collapsus (atélectasie par résorption). Ce phénomène est constaté chez l’homme et le cheval, chez lequel une fraction inspiratoire en oxygène supérieure à 95 % multiplie le shunt pulmonaire par trois par rapport à la fraction de 21 % de l’air. L’utilisation d’une mixture air/oxygène en quantité égale, qui aboutit à une fraction inspirée en oxygène de 60 %, serait donc favorable au maintien d’une meilleure oxygénation du cheval anesthésié.

Le maintien d’une oxygénation adéquate pendant l’anesthésie peut se révéler difficile dans l’espèce équine, en raison de la taille de l’animal, de sa conformation thoraco-abdominale, du décubitus et des molécules utilisées. L’anesthésie intraveineuse altère moins le rapport ventilation/perfusion et participe au maintien d’une meilleure oxygénation de l’animal. La ventilation mécanique a une efficacité limitée sur l’oxygénation, surtout lorsqu’elle est instaurée précocement, juste après l’induction. Les manœuvres de réexpansion pulmonaire, qui sont encore à l’étude, et l’emploi d’un mélange air/oxygène montrent des résultats encourageants, mais leur emploi en clinique est pour le moment entravé par des limites techniques.

CONFÉRENCIER

Frank Gasthuys, faculté de médecine vétérinaire de l’université de Gand (Belgique).

Article rédigé d’après la conférence « The physiology and anatomy of the horse lung in relation to the arterial oxygenation problems encountered during general anesthesia », présentée lors de la journée européenne de Roissy de l’Association vétérinaire équine française (Avef), le 10 mars 2007.

VOIR AUSSI

• Pratique vétérinaire équine, 2003, vol. 35, numéro spécial “Anesthésie et analgésie du cheval”.

• G. Touzot-Jourde : « Suivi des vieux animaux : l’anesthésie chez le cheval âgé se fonde sur une suveillance attentive de tous les instants », La Semaine Vétérinaire n° 1244 du 11/11/2007, pp. 54-55.

• I. Desjardins-Pesson : « Anesthésiologie chez les chevaux : le monitoring clinique de l’anesthésie et à l’aide d’appareils permet de limiter les complications », La Semaine Vétérinaire n° 1225 du 13/5/2006, pp. 50-51.

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