Aller ou pas vers les génériques : ce qu’il faut savoir avant de se décider - La Semaine Vétérinaire n° 1270 du 19/05/2007
La Semaine Vétérinaire n° 1270 du 19/05/2007

Marché des génériques canins

Gestion

ENTREPRENDRE

Auteur(s) : Yannick Poubanne

Quelle attitude adopter envers les génériques en clientèle canine ? Le vétérinaire peut être guidé par les arguments de ses confrères.

En médecine humaine, le marché du médicament générique est passé de 5 à 15 % des ventes en volume de produits prescrits entre 1992 et 2005. Le taux de substitution, qui dépasse maintenant 70 % des médicaments substituables, laisse entrevoir de fortes parts de marché dans les dix années à venir. Ce succès n’était pas évident a priori, sur un marché où les prix contrôlés étaient déjà bas. Les leviers de cette réussite ont été l’incitation des pharmaciens délivreurs (rémunération de la substitution et sanction pour non-substitution), la négociation avec les médecins pour réduire la non-prescription (prix de la consultation augmenté) et une communication grand public soutenue. Mais ces leviers auraient été inopérants si, comme les études l’ont montré, les génériques n’avaient pas été globalement bien acceptés par les patients, qui ne les demandaient pas étant donné qu’ils ne déboursaient rien, le plus souvent, pour leurs achats de médicaments.

Les relations du praticien avec son client, le laboratoire et lui-même sont déterminées

Cependant, la situation en médecine humaine ne permet pas de comparaison prédictive en médecine vétérinaire. Les leviers décrits y sont absents et, comme le souligne notre confrère Claude Andrillon(1), chez les vétérinaires, le marché et la concurrence exercent leurs vertus régulatrices sur l’offre, sur la demande et sur le niveau de prix des génériques vétérinaires qui, en moyenne, sont de 20 à 30 % moins chers que leurs concurrents princeps.

La situation en clientèle rurale n’est pas non plus comparable à celle de la canine. L’éleveur formé, informé et impliqué dans la réduction de son coût de revient n’est pas assimilable au propriétaire de chien ou de chat attaché affectivement à son animal. Du coup, les avis sont partagés, voire opposés. Pour certains confrères, il faudrait vendre le générique au prix du princeps et augmenter ainsi la marge ; pour les autres, il faudrait promouvoir les génériques pour baisser les prix des prescriptions et donc favoriser l’observance et les actes. Sans vouloir donner une réponse unique à cette problématique, il est intéressant de rassembler des éléments de réflexion, issus de discussions avec des praticiens canins, pour aider le vétérinaire dans sa décision de positionnement du générique dans sa clientèle.

Ces éléments ont été appréhendés selon trois points de vue : l’angle de la relation du praticien avec son client et l’animal, l’angle de la relation du praticien avec le laboratoire, et l’angle de la relation du praticien avec lui-même.

La présentation, l’appétence et le prix sont les atouts clés du générique

Selon certains confrères, les clients réguliers d’un médicament princeps sont partagés quant à sa substitution par un générique. D’un côté, ils aimeraient profiter d’une économie ; de l’autre, ils craignent une moindre acceptation par leur animal et restent attachés à un produit qui a fait ses preuves. La présentation et l’appétence du générique sont, à ce niveau, les deux variables clés pour espérer réduire le risque perçu à changer de médicament.

Chez les clients irréguliers ou les nouveaux, et pour les affections aiguës, l’approche est d’un autre ordre : la première impression doit être la bonne pour rassurer. Un risque perçu minimal et un choix simplifié sont alors les deux principaux composants de la qualité ressentie par le client. La variable clé déterminante de la valeur perçue est alors la sensibilité au prix, élément difficile à déterminer pour le praticien.

Dans les deux cas, une même règle de décision reste applicable : le praticien propose toujours au propriétaire, dans un premier temps, l’option qu’il considère comme étant la meilleure pour l’animal, sans contrainte de prix. Ensuite, une ou plusieurs alternatives sont présentées, pour répondre aux différences de niveau d’implication ou de revenu du client. Mais il convient de ne pas retourner l’équation, comme c’est souvent le cas ! C’est au client et à lui seul de juger du niveau de prix acceptable. Le rôle du praticien consiste à l’éclairer avant d’obtenir son consentement.

Plusieurs solutions existent pour refacturer au mieux en maintenant sa marge

Une solution proposée par certains vétérinaires est de vendre le générique, acheté 20 à 30 % moins cher, au même prix que le princeps. C’est le cas dans le scénario GNR 1(voir tableaux) qui montre que si un produit est acheté 25 % moins cher et refacturé au même prix que l’original vendu avec 45 % de marge, alors cette dernière augmente de 30,56 % avec le générique pour passer à 58,75 %.Serait-cealorsle jackpot ? Probablement pas pour les produits vendus directement aux clients et surtout pas pour ceux qui n’ont pas l’exclusivité vétérinaire, en raison des forces du marché. Plus simplement, il y aura toujours un concurrent (vétérinaire ou pharmacien) pour réajuster le prix à la baisse et, à ce moment-là, le vétérinaire business man perdra une grande partie de la confiance de son client.

Une autre solution s’offre alors au praticien : conserver sa marge en valeur en l’ajoutant au prix d’achat du générique. C’est le scénario GNR 2. Le client bénéficie alors d’une réduction de prix de 13,75 % (au lieu de 25 %), tout en respectant la marge du praticien.

La dernière solution est la plus immédiate et la plus fréquemment rencontrée. Il s’agit du scénario GNR 3 où le produit est vendu 25 % moins cher en réduisant la marge en valeur du vétérinaire de 25 %. Pour la retrouver, le praticien devra augmenter le nombre d’unités vendues, par exemple en améliorant l’observance des traitements chroniques. Il lui faudra alors augmenter son volume de vente de 33,33 %. En revanche, les produits consommés par le vétérinaire dans la fabrication de son service, par exemple les injectables, ne répondent pas à la même logique de marketing. Ils peuvent être refacturés selon l’une ou l’autre des solutions.

Le marché médical humain est vingt-cinq fois plus important que le marché vétérinaire

Dans leur relation avec les laboratoires, certains praticiens estiment que le générique est un moyen de devenir plus importants chez ceux qui les ajoutent à leur offre de produits, et donc de profiter de remises plus élevées. La réaction des laboratoires concurrencés sur leurs princeps serait en outre une autre source de remises supplémentaires. Cela est a priori une bonne nouvelle pour le praticien… à moins que des effets secondaires apparaissent !

Les stratégies des laboratoires princeps pour lutter contre les génériques sont de différents ordres. Neuf sont recensées (voir encadré). Si les sept premières stratégies semblent plutôt favorables pour les vétérinaires, les deux dernières constituent des menaces sérieuses : elles signifient que l’innovation se réduirait, que l’argumentaire technique laisserait la place à l’argumentation commerciale et que les partenariats s’étioleraient par réduction des moyens. Un contre-argument pourrait être que ce scénario catastrophe ne s’est pas produit en médecine humaine. En effet, l’expérience montre, au contraire, que les innovations sont plus importantes dans les pays où il existe le plus grand nombre de génériques(2). Toutefois, la taille du marché humain favorise les économies d’échelle et donc la rentabilisation des années de protection. Ce n’est pas le cas du marché vétérinaire, vingt-cinq fois moins important.

Les produits consommables génériques pourraient offrir une meilleure rentabilité

Les génériques offrent un avantage de prix, mais qui n’est finalement pas si important (de l’ordre de - 20 à - 30 %). Cependant, il s’agit d’une nouvelle alternative de traitement qui peut enrichir la palette du praticien, en particulier pour les clients sensibles au coût des produits.

Mais les génériques peuvent aussi appauvrir l’offre. Si le princeps n’est plus proposé, certains clients déçus rechercheront ailleurs la marque à laquelle ils sont attachés, pendant que les autres se familiariseront à un niveau de prix plus bas, freinant ainsi l’introduction de nouveaux produits.

L’amélioration de la marge du praticien ne paraît pas viable, dans l’univers concurrentiel, pour les médicaments vendus directement au public. En revanche, les produits consommables génériques, qui ne répondent pas à cette logique, pourraient lui offrir une meilleure rentabilité. Bien entendu, en préalable à toute décision de référencement, le praticien fait d’abord un choix technique, qui reste déterminant. Le générique est essentiellement similaire, ce qui ne signifie pas identique.

Le vétérinaire restera toujours, pour le client, la seule personne de référence capable d’expliquer de façon indépendante la différence entre un princeps et sa copie. L’avantage concurrentiel du confrère résidera toujours dans l’approche technique, car les autres atouts (prix, disponibilité), bien qu’importants, ne sont pas une source de différenciation vis-à-vis des autres ayants droit.

  • (1) La Dépêche vétérinaire du 25/12/2004.

  • (2) C. Bridoux et F. Privat, Projet industriel UV.I 53, 2004.

Neuf stratégies des laboratoires contre le générique

1 - Argumenter techniquement.

2 - Innover.

3 - Baisser les prix durablement.

4 - Augmenter les remises et/ou les services de fidélisation.

5 - Transformer le produit menacé.

6 - Gagner du temps, par exemple en rachetant le concurrent générique ou en lançant une guerre des prix surprise.

7 - Devenir producteur de génériques de façon partielle (fourniture de matières premières) ou totale (créer sa propre filiale).

8 - Capitaliser sur sa marque-produit en dehors du circuit vétérinaire (équivalent du “switch OTC” en médecine humaine), ce qui convient aux produits à faible innocuité comme les antiparasitaires externes.

9 - Abandonner le marché de la prescription vétérinaire, jugé non rentable.

Y. P.
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