Selon la région, les sanctions sont plus ou moins sévères - La Semaine Vétérinaire n° 1269 du 12/05/2007
La Semaine Vétérinaire n° 1269 du 12/05/2007

Déontologie. Hétérogénéité des jugements disciplinaires

Actualité

Auteur(s) : Cynthia Gautier*, Dominique-Pierre Picavet**, Alain Grépinet***

Lorsqu’un appel est relevé auprès de la Chambre supérieure de discipline, la décision de première instance est infirmée de façon totale ou partielle dans environ 60 % des cas.

Chacun d’entre nous le sait, notre exercice professionnel est régi par certaines règles d’éthique inscrites dans le Code de déontologie vétérinaire. Leur respect doit nous permettre d’exercer notre art dans de bonnes conditions, notamment de confraternité, ainsi que d’assurer un service de qualité auprès de la clientèle.

Lorsqu’une personne considère qu’une infraction au Code de déontologie a été commise, elle peut porter plainte auprès du conseil régional de l’Ordre dont dépend le praticien mis en cause. Une enquête est alors diligentée, et une sanction sera éventuellement prononcée. Celle-ci peut parfois être lourde de conséquences, notamment si elle consiste en une privation du droit d’exercer. Certains membres du Conseil supérieur de l’Ordre, actuels et anciens, se sont interrogés sur l’équité des sanctions infligées par les différentes régions ordinales. Ce questionnement a abouti à la réalisation d’une étude analytique et comparative des jugements rendus par les chambres de discipline.

Il n’existe ni critère, ni jurisprudence, ni barème sur lequel s’appuyer

Cette analyse présente un réel intérêt. En effet, force est de constater que le Code de déontologie encadre la profession pour “ce qu’il faut faire ou ne pas faire”, mais il ne donne aucune indication sur la façon dont devraient être sanctionnées les infractions commises. Ainsi, l’appréciation de la gravité de la faute et l’interprétation des articles du Code de déontologie sont laissées à des confrères qui, bien que consciencieux et objectifs, ne disposent d’aucun critère, d’aucune jurisprudence ou d’un quelconque autre barème sur lequel s’appuyer. Cet état de fait génère des sanctions différentes, ce qui n’a d’ailleurs rien de surprenant puisque les avis tendent déjà à diverger d’un conseiller à l’autre, et cela au sein d’une même chambre de discipline.

L’objectif de l’étude n’est pas d’écrire un J’accuse de la procédure disciplinaire ou de l’équité des sanctions. Elle vise au contraire à mettre en évidence les grandes tendances, ainsi que les variations potentiellement existantes pour remplacer de simples présomptions par des certitudes et essayer d’améliorer la situation. Cette analyse, fondée sur les attendus des audiences qui ont eu lieu de 1998 à 2003 inclus, permet de dégager plusieurs éléments intéressants.

Après les clients, ce sont les confrères qui se plaignent des confrères

Les plaintes émanent essentiellement de clients qui, peut-être à l’instar de ce qui se passe dans d’autres pays, tendent à les déposer plus facilement devant le Conseil de l’Ordre, même si ces dernières sont parfois mal fondées ou ne relèvent pas de la juridiction ordinale. Les plaintes concernent essentiellement des défauts de soins (non conformes aux données actuelles de la science dans plus d’un tiers des cas, refus de soins, défaut de continuité de soins), mais également des problèmes d’information. Les propriétaires veulent désormais être mieux informés, ils souhaitent que les choses leur soient expliquées, ils se posent des questions, sont plus exigeants et n’hésitent pas à remettre en cause la compétence du praticien, même si c’est souvent à tort. Le vétérinaire n’a peut-être plus tout à fait la même aura qu’il y a quelques années, même s’il est toujours respecté. Nous devons tenir compte de cette évolution. A défaut, la tendance à l’augmentation des plaintes qui émanent de clients pourrait se poursuivre.

Les confrères arrivent en seconde position concernant les dépôts de plaintes, avec des motifs beaucoup plus variables, mais qui ont rapport essentiellement à des tentatives de détournement de clientèle, de la publicité, des infractions au Code de la santé publique ou encore à des problèmes de confraternité. Un certain nombre d’infractions ayant conduit à une plainte de la part d’un confrère sont commises par négligence, mégarde ou méconnaissance des dispositions du Code de déontologie. Mieux vaut donc en prendre pleine connaissance et ne pas hésiter à s’adresser aux conseils régionaux de l’Ordre (CRO) en cas de doute. Les fonctions de l’Ordre vétérinaire ne se limitent pas au rôle disciplinaire. Des échanges entre les praticiens et les CRO peuvent en effet permettre d’obtenir des informations, d’adapter les choses pour se mettre en conformité avec le Code de déontologie ou encore de bénéficier de dérogations, selon les situations, plutôt que de tenter un passage en force et, de ce fait, courir à un affrontement nuisible et inutile avec les confrères voisins et l’Ordre.

Les sanctions sont inégales selon les chambres régionales de discipline

Les sanctions infligées par différentes chambres régionales de discipline, consécutives à des motifs de plaintes similaires, varient fortement. Il suffit pour s’en convaincre de prendre quelques exemples concrets (voir encadré).

Le cas de la délivrance de médicaments sans consultation préalable est intéressant, car divers cas de figure sont recensés, notamment des délivrances ayant été effectuées à la suite de pièges tendus par des confrères ou par des médias. Ces chausse-trappes, bien ficelées puisqu’elles ont atteint leur but, ont été réalisées soit avec la complicité d’anciens clients, soit par le biais de demandes effectuées par plusieurs personnes différentes jusqu’à ce que l’une d’elles obtienne les médicaments en question (notamment des traitements intramammaires, Ivomec®, etc.). Ces démarches, bien que discutables et contraires à la confraternité, ont abouti à des sanctions pour les praticiens poursuivis (un peu moins sévères compte tenu des circonstances). Les auteurs et les complices de ces pièges n’ont, quant à eux, pas été inquiétés outre mesure. Pourtant, de tels faits, diffusés par les médias, sont de nature à jeter le discrédit sur la profession et il y aurait certainement matière à réagir.

Les peines infligées peuvent être réparties selon le principe d’une courbe de Gauss dont les extrêmes sont, d’une part, des régions ordinales infligeant des sanctions relativement peu sévères avec une propension à la relaxe par manque de preuves importante et, d’autre part, des régions qui ont tendance à sanctionner plus lourdement les infractions commises avec un taux de relaxe par manque de preuves plutôt faible.

Lorsqu’un appel est relevé auprès de la Chambre supérieure de discipline, la décision de première instance n’est confirmée dans toutes ses dispositions que dans environ 40 % des cas (voir graphique). Cela souligne bien toutes les difficultés rencontrées par les membres des diverses instances disciplinaires, tant dans l’appréciation de la gravité de la faute (cette notion n’étant à aucun moment définie avec clarté) que dans la sanction à appliquer.

Par le passé, et même encore aujourd’hui, les conseillers ordinaux des vétérinaires ne disposaient malheureusement d’aucune jurisprudence ni d’aucun élément objectif de comparaison facilement accessible. Cela devrait prochainement évoluer puisqu’un “observatoire disciplinaire” est en place au sein du Conseil supérieur de l’Ordre et qu’un projet (en cours d’élaboration) devrait permettre de référencer l’ensemble des affaires de première et de seconde instances, ainsi que les décisions finalement rendues par le Conseil d’Etat en cas de recours. Ces données, regroupées selon une codification précise, leur seront accessibles sur le site Internet de l’Ordre des vétérinaires.

Ce travail d’étude analytique et comparative des jugements rendus par les chambres de discipline constitue une première étape vers un meilleur accès aux informations, ainsi qu’une homogénéisation des sanctions entre les différentes régions ordinales.

  • Source : analyse de 616 attendus fournis par le Conseil supérieur de l’Ordre de 1998 à 2003.

Des sanctions inégales

• Cartes de tatouage vierges ou incomplètement remplies, mais signées : les sanctions vont de la simple réprimande à la suspension du droit d’exercer pour une durée de six mois, dont trois avec sursis, sur l’ensemble du territoire national.

• Contrat d’exclusivité imposé par certaines animaleries : les sanctions vont de l’avertissement jusqu’à la suspension temporaire du droit d’exercer pour une durée de quinze jours avec sursis, dans les limites territoriales du CRO.

• Délivrance de médicaments sans consultation préalable : les sanctions vont de la suspension du droit d’exercer pour une durée de huit jours avec sursis dans les limites territoriales du CRO, à une suspension de six mois et huit jours dont six mois avec sursis sur l’ensemble du territoire national.

C. G., D.-P. P et A. G.
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