PRÈS D’UN PRATICIEN SUR TROIS A CHOISI D’ÊTRE SALARIÉ - La Semaine Vétérinaire n° 1269 du 12/05/2007
La Semaine Vétérinaire n° 1269 du 12/05/2007

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Auteur(s) : Agnès Faessel

Peut-on être salarié d’une profession libérale ? C’est le cas pour de nombreux vétérinaires, en proportion croissante.

Passé l’objectif de « se faire la main », certains s’installent dans le salariat. Ce statut dispose d’atouts en termes de sécurité, de couverture sociale et de temps de travail. Mais les confrères y perdent en liberté, en responsabilité… et en revenus.

Vétérinaire est une profession libérale. Elle se caractérise, d’après le dictionnaire, comme « une profession civile non salariée, qui a pour objet un travail intellectuel effectué dans le respect de règles déontologiques ». Cette définition est toutefois devenue moins vraie. Aujourd’hui, en secteur libéral, quasiment 30 % des praticiens sont des salariés. Ils n’étaient que 16 % en 1997 (voir tableau 1). Désormais, nombreux sont ceux qui font le grand écart entre indépendance et subordination. Car le salarié conserve son indépendance, au moins professionnelle.

La lecture du Code de déontologie pourrait d’abord laisser croire qu’exercer comme salarié est impossible. L’un des premiers articles stipule en effet que « l’exercice de l’art vétérinaire est personnel. Chaque vétérinaire est responsable de ses décisions et de ses actes. Le vétérinaire ne peut aliéner son indépendance professionnelle sous quelque forme que ce soit » (article R. 242-33). Pourtant, le salariat est bel et bien autorisé. Il est simplement limité : « Chaque vétérinaire exerçant seul ou en société ne peut avoir plus de deux vétérinaires salariés ou collaborateurs à temps plein » (article R. 242-64).

Pour Christian Rondeau, président du Conseil supérieur de l’Ordre, « le lien de subordination entre le vétérinaire libéral et son salarié est financier, mais pas technique ». Est-ce possible en pratique ? Notre confrère reconnaît qu’il s’agit d’un idéal vers lequel chacun doit tendre. Inconfortable de ce point de vue, cette position du salarié de libéral s’observe d’ailleurs dans d’autres professions, comme les notaires ou les expert-comptables. Les médecins libéraux, en revanche, n’ont pas le droit de salarier l’un de leurs confrères, sauf circonstances particulières.

Le salariat est un passage presque obligé avant l’installation

Le diplôme en poche, il est habituel que les jeunes vétérinaires praticiens exercent comme salariés dans des structures libérales. Ce n’est pas nouveau. Cette première étape permet de par faire ses connaissances et les gestes techniques, mais aussi de mettre en pratique la formation théorique assimilée en plusieurs années scolaires. Installés en clientèle mixte comme en canine, les confrères libéraux admettent le caractère quasi indispensable de cette phase de salariat, et pas seulement pour les compétences “médicales”. Les expériences de salarié permettent ainsi « d’éviter des erreurs », de « prendre le meilleur, à droite et à gauche », voire de « découvrir quelques astuces ».

Salarier un confrère est aussi souvent le choix retenu par les libéraux avant de s’associer ou de céder leur clientèle. Une autre forme de contrat existe désormais, celui de collaborateur libéral, mais il diffère à bien des égards du salariat (voir article en page 40).

Certains vétérinaires choisissent le salariat sur le long terme

Toutefois, la nette augmentation de la proportion de vétérinaires praticiens salariés évoque l’expansion d’un salariat durable. L’une des explications de ce phénomène peut être le développement de la pratique canine en zone rurale, lorsqu’il est confié à un salarié. Outre les différences au niveau de la rentabilité de l’activité et de l’évaluation des parts de clientèle, ces salariés peuvent difficilement s’associer si le partage des gardes est une condition incontournable.

Le salariat durable, dans le temps mais pas forcément dans un même lieu, peut également devenir un choix. En effet, le statut de salarié présente quelques avantages qui peuvent séduire les vétérinaires, même s’ils projètent majoritairement de devenir libéraux à l’issue du concours d’entrée. En premier lieu, le praticien salarié est déchargé des tâches administratives et fiscales qui incombent au vétérinaire chef d’entreprise. TVA, Urssaf, PCR et autres termes barbares peuvent lui rester inconnus ! Ce n’est pas lui qui établit les fiches de paye des employés, qui planifie les absences, rencontre l’expert-comptable ou l’agent du fisc… Les vétérinaires salariés peuvent apprécier de concentrer leur énergie sur l’art vétérinaire exclusivement. Opter pour le salariat peut aussi être le choix de la mobilité.

Moins de risques et d’horaires à rallonge, mais un niveau de revenus inférieur

La prise de risques du salarié est également limitée. Effectivement, il ne doit supporter aucun investissement dans les locaux ni achat de matériel. Il ne souscrit pas personnellement d’assurance en responsabilité civile professionnelle (RCP). Ses revenus sont stables et, le cas échéant, il peut bénéficier d’allocations de la part des Assedic. Sa couverture sociale n’est pas forcément meilleure, mais elle est automatique. Lors de maladie ou de maternité notamment, les indemnités journalières perçues par le libéral sont bien inférieures à celles du salarié, sauf à souscrire des assurances complémentaires qui nécessitent une démarche active.

Le temps de travail est une autre différence notable entre le libéral et son salarié. Ce dernier n’est pas corvéable à merci. Son statut de cadre ne permet pas de déroger aux dispositions du Code du travail. La récente convention collective des vétérinaires salariés le confirme (voir encadré en page 37). Elle assouplit néanmoins l’application des 35 heures hebdomadaires, notamment avec la forfaitisation du temps de travail. Contrairement au libéral, le vétérinaire salarié doit bénéficier d’un repos journalier et ses astreintes sont rémunérées. De plus, le temps de travail du salarié subit peu les aléas dus à la clientèle, ce qui permet sans doute de mieux organiser son temps libre. De son côté, le vétérinaire libéral ne travaille pas non plus nécessairement 15 heures par jour et 365 jours par an. De nombreux libéraux s’octroient autant, voire davantage de congés annuels que les salariés.

Outre la volonté d’être son propre patron, de bénéficier d’une plus grande liberté de travail sans avoir de comptes à rendre à son employeur, l’une des motivations premières du praticien pour franchir le pas de l’installation reste d’améliorer son niveau de revenus.

Davantage de femmes, davantage de salariées

Des horaires moins élastiques, une meilleure couverture maladie-maternité, mais des revenus moins élevés… Il est difficile de ne pas effectuer le parallèle entre l’augmentation des praticiens salariés et la féminisation de la profession ! En effet, si les hommes s’impliquent aussi dans la vie de famille, ce sont toujours les femmes qui, aujourd’hui, assument la majorité les tâches ménagères et la prise en charge des enfants, surtout la nuit. Or le travail à temps partiel, essentiellement féminin, est difficilement compatible avec la pratique libérale. D’une manière générale, les horaires de travail variables et les gardes nocturnes compliquent la vie d’une mère de famille (voir encadré ci-dessous).

Certains vétérinaires libéraux déplorent la décision de leurs confrères d’exercer le métier en tant que salariés. Ils craignent une diminution de l’investissement dans le travail, une perte de l’esprit confraternel, une disparition de la passion qui les anime, eux. C’est sans doute vrai pour certains, notamment pour les intermittents du travail. Mais c’est certainement faux pour tous les autres, qui ont des raisons valables de préférer le statut de salarié, peut-être sur des durées plus longues qu’auparavant, mais sans cesser d’être pour autant de “bons” vétérinaires.

  • (1) Voir La Semaine Vétérinaire n° 1226 du 20/5/2006, pp. 30-33.

  • (2) Voir La Semaine Vétérinaire n° 1237 du 16/9/2006, pp. 58-59.

  • (3) Voir La Semaine Vétérinaire n° 1213 du 11/2/2006, p. 24.

  • Le texte de la convention collective et des contrats types sont téléchargeables sur le site Internet de l’Ordre : http://www.veterinaire.fr/ documents-v2/onv_documentsB.htm

Convention collective

Nouvelle base de négociation entre libéraux et salariés, la convention collective nationale des vétérinaires praticiens salariés est applicable depuis le 20 juin dernier.

Elle reprend les dispositions et les contraintes prévues par le Code du travail, avec quelques adaptations à la pratique vétérinaire.

Elle définit ainsi les gardes et les astreintes(1), de même que leur mode de rémunération. Elle apporte des modulations au temps de travail, notamment la possibilité de raisonner en forfait(2) annuel (en jours, mais aussi en heures, en semaines, en mois) et celle, sous conditions, d’augmenter la durée journalière maximale de travail (jusqu’à 15 heures) et de réduire la durée minimale de repos (jusqu’à 9 heures consécutives). La convention fixe des niveaux minimaux de rémunération(3), en distinguant cinq échelons variant avec l’expérience du vétérinaire salarié et son éventuelle spécialisation. Elle apporte enfin de nouveaux barèmes d’évaluation des avantages en nature et comporte un accord de prévoyance.

A. F.

La praticienne voudrait travailler 32 h

La féminisation de la profession vétérinaire est établie. Actuellement, 70 % des jeunes diplômés sont des filles. Celles-ci s’orientent plus volontiers vers une activité canine : 46 % des praticiens canins sont des femmes, au lieu de 12 % des mixtes ruraux et 9 % des ruraux stricts. Mais, mathématiquement, la féminisation de la rurale s’observe également.

Indépendamment de l’activité, canine ou autre, les praticiennes travaillent bien davantage comme salariées que leurs homologues masculins (voir tableau 2 en page 37). Les chiffres dénombrent cependant les actifs, sans distinguer ceux à temps partiel. En effet, idéalement, les praticiennes aspirent en général à travailler 32 heures par semaine. Cela correspond au souhait pour les libérales de diminuer leurs horaires, et pour les salariées de les augmenter.

A. F.
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