La diversité des territoires et des systèmes nuance la maîtrise standardisée de la BVD - La Semaine Vétérinaire n° 1269 du 12/05/2007
La Semaine Vétérinaire n° 1269 du 12/05/2007

Maîtrise de la diarrhée virale bovine (BVD)

Formation continue

RURALE

Auteur(s) : Catherine Bertin-Cavarait

La mise en place d’une stratégie de maîtrise mixte nécessite d’évaluer les impacts zootechniques et économiques de la maladie en élevages allaitants, ainsi que l’efficacité épidémiologique de la vaccination.

Cohabitation avec le virus de la diarrhée virale bovine versus éradication, maîtrise clinique de la maladie versus maîtrise épidémiologique, prophylaxie médicale dominante versus prophylaxie sanitaire dominante, élevage allaitant versus élevage laitier : la problématique du choix du niveau de maîtrise de la diarrhée virale bovine (BVD) en élevage bovin laitier et allaitant était au cœur de la table ronde organisée par l’Union bretonne des groupements de défense sanitaire (UBGDS), le 20 mars dernier, dans le cadre de la troisième journée BVD.

Entre confrontation et complémentarité, les quatre stratégies de gestion de la maladie en France ont été croisées, celles de deux régions (la Bourgogne et la Bretagne) et de deux départements (le Cher et le Rhône). Les connaissances épidémiologiques de la maladie spécifiques aux systèmes et aux conduites ne sont pas au même état d’avancement pour chacun d’entre eux. A ce titre, la Bretagne possède l’expérience la plus documentée.

La classification des troupeaux bovins bretons évolue

Le plan breton de maîtrise collective de la BVD a commencé en 2000, après quatre années d’études qui ont permis d’établir et d’affiner les indicateurs, les seuils et la méthodologie(1).

A l’heure du bilan, « les troupeaux A présumés indemnes sont devenus majoritaires en Bretagne, avec un taux égal à 53,71 % en 2006, et affichent pour la période 2005-2006 un taux de survie qui atteint 87,83 % », indique Gilles Roger, vétérinaire à l’UBGDS. Entre 2001 et 2006, le taux de cheptels D, suspects d’être infectés, a diminué de 18 points, passant de 38,54 % à 19,87 %. Ces moyennes masquent les écarts départementaux qui résultent des différents choix politiques quant à la mise en œuvre du plan de maîtrise collectif(1). Compte tenu de l’évolution de la situation épidémiologique régionale, les élevages bovins bretons sont désormais classés au regard de leur statut sérologique, mais également selon l’indicateur présence/ absence d’un animal infecté permanent immunotolérant (IPI) dans un troupeau. Cinq classes, notées de I à V, sont définies (voir tableau).

Le plan mis en place par l’UBGDS est prioritairement sanitaire. La prophylaxie médicale est appliquée dans les situations à risque mises en évidence lors de l’enquête conduite en zone Brocéliande de 1999 à 2001. La présence sur l’exploitation d’un atelier de veaux de boucherie, d’un atelier de taurillons et l’achat de bovins d’engraissement sont retenus. En matière de gestion du risque des contaminations au pâturage, rappelons que la méthodologie du plan de maîtrise collective est construite de façon à éviter la mise en pâture des animaux IPI. La Bretagne compte six fois plus de vaches laitières que d’allaitantes. Ce rapport s’inverse pour la Bourgogne et le Cher qui recensent sept fois plus de vaches allaitantes que de vaches laitières.

La perception de l’infection est moins intense en Bourgogne

En Bourgogne, la Fédération régionale des groupements de défense sanitaire (FRGDS) plébiscite la vaccination avec le slogan « protection égale vaccination sauf exception » ou « BVD : vaccinez ou assumez… », sauf pour les cheptels isolés, ou ceux où il existe des barrières sanitaires strictes. Notre confrère Etienne Petit, de la FRGDS de Bourgogne, justifie ces choix par la non-maîtrise des contaminations de voisinage et de leur importance, le niveau variable de la protection immunitaire des bovins au regard de la maladie, une vaccination moins onéreuse que le coût clinique moyen, une situation régionale contrastée, le renvoi à chaque éleveur du choix de sa prophylaxie et les résultats de séroprévalence contrastés. Les enquêtes menées dans cette région ont montré qu’un jeune bovin viande sur sept rencontre le virus au cours de sa première année, que 70 % des laits de tank de l’Yonne sont séronégatifs, alors que 30 % d’entre eux sont séronégatifs en Côte-d’Or et en Saône-et-Loire. D’autre part, pour cette région, un programme de lutte sanitaire collectif supplémentaire serait économiquement insupportable, compte tenu de l’action contre la rhinotrachéite infectieuse bovine (IBR) actuellement engagée.

D’un point de vue psychologique, « la perception de la réalité de l’infection et de ses conséquences est moins intense qu’en Bretagne », a déclaré notre confrère. En effet, les enquêtes économiques quantifiant l’impact de la maladie en élevage allaitant font défaut. Une étude menée par l’unité mixte de recherche “gestion de la santé animale” de l’Institut national de la recherche agronomique et de l’ENV de Nantes avec la FRGDS de Bourgogne est actuellement en cours.

L’effet du virus BVD en élevage laitier dure plusieurs années successives

Le dépistage systématisé réalisé dans l’ouest de la France a permis de connaître les effets du virus et d’évaluer l’impact économique de l’infection en production laitière. Pour un troupeau laitier ayant un quota de 290 000 l de lait, le coût estimé varie entre 8 et 39 € pour 1 000 l de lait(1). Mais « une infection par le virus BVD induit également un effet prolongé, en particulier l’année suivante, a expliqué notre consœur Christine Fourichon, maître de conférences à l’UMR GSA Inra-ENVN. L’effet sur les cellules du lait dure. Il faudrait donc quantifier les effets induits l’année qui suit l’expression clinique de la BVD ». Les témoignages des éleveurs laitiers, tant en Bretagne que dans le Rhône, attestent de l’impact zootechnique, financier et émotionnel de la maladie : sept années pour retrouver une vitesse de croisière, un coût estimé à 11 500 € la première année, à 1 800 € la quatrième année pour un élevage finistérien produisant 300 000 l de lait. Dans le Rhône, l’estimation des pertes d’un élevage de quarante vaches allaitantes s’élève à 30 000 € l’année qui a suivi l’introduction d’un IPI.

Le plan de maîtrise breton coûte actuellement 1 200 000 € par an à la Bretagne (voir graphique), pour une action qui mobilise, en équivalents temps plein, 6 techniciens, 5 secrétaires et 2,5 encadrants.

Une large circulation asymptomatique est constatée en élevage allaitant

A l’intersection de ces deux stratégies se déclinent les études et les projets des départements du Cher et du Rhône. Dans le Cher, 50 % des bovins sont séropositifs, entre 20 et 40 % des cheptels sont vaccinés, 50 % des cheptels sont peu ou pas immunisés et 30 % des troupeaux bovins sont dans une situation dite à risque quant à une circulation virale potentielle. Tous les six ans, un cheptel bovin du Cher voit passer le virus BVD. L’étude conduite par le GDS 18, en 2005(2), a permis la production de connaissances épidémiologiques. Il est ainsi établi que les génisses âgées de trois ans sont les sentinelles d’une forte circulation virale dans un troupeau allaitant(1) et que la contamination de voisinage y constitue le risque majeur d’introduction du virus BVD, avec une probabilité de génération d’IPI centrée sur le pâturage et une diffusion intra-cheptel qui se produit majoritairement en bâtiment(1). Une maîtrise du risque BVD via la mise en œuvre d’un dépistage à l’introduction serait donc insuffisante dans le Cher. Néanmoins, les conduites d’élevage dans ce département sont loin d’être homogènes. Une importante part des introductions est concentrée chez les emboucheurs du canton de Sancoins. « Certains cheptels voient passer 2 000 bovins par an, a expliqué notre confrère Remy Vermesse, vétérinaire au GDS 18, et il n’y a pas forcément plus de contaminations dans ces élevages que dans les autres cheptels du département. Il n’existe pas de lien simple entre l’infection et la maladie, nous constatons une large circulation asymptomatique en élevage allaitant. »

L’évaluation de l’efficacité épidémiologique de la vaccination manque

Pour notre confrère, l’établissement d’un plan collectif ne pourra pas faire l’économie d’un discours sur la vaccination et du raisonnement des protocoles vaccinaux, voire d’une stratégie de maîtrise mixte. Pour le professeur François Schelcher, de l’ENV de Toulouse, si l’efficacité clinique de la vaccination est observée, l’évaluation de la protection à l’échelle d’un troupeau est plus complexe. Les arguments manquent quant à l’évaluation de l’efficacité épidémiologique de la vaccination. Alain Joly, vétérinaire à l’UBGDS, précise que l’observance des schémas de vaccination est compliquée et difficile et promeut, pour sa part, la poursuite des mêmes schémas de maîtrise en élevage allaitant qu’en élevage laitier.

Valeur ajoutée du plan de maîtrise breton, le Fichier des animaux garantis non IPI (FAG) permet de prévenir, à 99,98 %, l’introduction d’un animal IPI lors des transactions, grâce à l’association des informations issues des analyses de laboratoire et des informations épidémiologiques. « Nous prônons la garantie avant la vente plutôt qu’à l’achat », a insisté notre confrère Loïc Maurin, vétérinaire à l’UBGDS. En effet, la reprise d’animaux découverts IPI après un achat est problématique, même via la mise en place d’un billet de garantie conventionnelle. En conclusion, Jean-François Treguer, président de l’UBGDS, a salué l’efficacité du partenariat scientifique, synergique et financier entre l’UBGDS et, respectivement, l’ENVN, les vétérinaires praticiens et les offices, le conseil régional de Bretagne, les conseils généraux. L’arrêté préfectoral rendant obligatoire la prophylaxie sanitaire de la BVD en Bretagne est toujours attendu.

  • (1) Voir La Semaine Vétérinaire n° 1223 des 22 et 29/4/2006, p. 48 ; n° 1205 du 10/12/2005, pp. 40-41 ; n° 1252 du 13/1/2007, p. 34.

  • (2) « Epidémiologie descriptive de la diarrhée virale bovine dans les cheptels allaitants du département du Cher », thèse de Benjamin Sautereau, téléchargeable à l’adresse http://www.gds18.org/BVD/fichierspdf/theseBVD2005.pdf

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