La toxicité du chocolat est due aux méthylxanthines - La Semaine Vétérinaire n° 1265 du 07/04/2007
La Semaine Vétérinaire n° 1265 du 07/04/2007

Cas clinique de toxicologie canine

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Annabelle Loth*, Alexandre Balzer**

Fonctions :
*titulaire d’un CES d’ophtalmologie, praticienne à Bellerive-sur-Allier (Allier).
**titulaire d’un CEAV de médecine interne, praticien à Bellerive-sur-Allier (Allier).

Une femelle airedale terrier est présentée en consultation en raison d’un état d’anxiété et de nervosité prononcée consécutif à une ingestion massive de chocolat.

L’animal, âgé de sept ans, est hyperactif, et présente une attention versatile. Il semble incapable de fixer son attention, de suivre un ordre, voire de rester assis. Cette attitude est tout à fait inhabituelle chez ce chien parfaitement dressé. L’examen clinique révèle une hyperthermie (40,7 °C). Un ptyalisme important est noté et des vomissements sont observés. L’animal souffre de polypnée (fréquence respiratoire supérieure à 100) et de tachycardie (200 bpm). Les muqueuses sont rouges et le temps de remplissage capillaire est normal. Une douleur importante est observée à la palpation de l’estomac.

Les propriétaires indiquent que le chien a mangé, quatre heures plus tôt, près de 800 g de chocolat noir (soit quatre tablettes entières), ainsi que de nombreux gâteaux chocolatés.

Le diagnostic de l’intoxication au chocolat repose essentiellement sur l’anamnèse

Si l’atteinte neurologique est compatible avec une intoxication par divers éléments (carbamates, organophosphorés, organochlorés, strychnine, métaldéhyde, etc.), une encéphalite (virale, bactérienne, etc.) ou une encéphalose hépatique, les commémoratifs ne laissent aucun doute sur le diagnostic d’intoxication aiguë par ingestion de chocolat. Le chien a consommé l’équivalent de près de 5,2 g de théobromine, soit une dose de 260 mg/kg pour cet airedale. Si la toxicité du chocolat est induite par les méthylxanthines qu’il contient, c’est-à-dire la caféine, la théophylline et la théobromine, cette dernière en est la principale responsable. Ses concentrations ne sont pas identiques dans tous les types de produits. Elle peut atteindre 180 à 220 mg pour 100 g de chocolat au lait, 220 mg pour le cacao en poudre, 650 mg pour le chocolat noir et est négligeable pour le chocolat blanc. La dose toxique est normalement de 300 mg/kg. Cependant, des intoxications mortelles ont été rapportées avec des doses plus faibles, allant de 92 à 208 mg/kg de théobromine. Chez l’animal examiné, la quantité ingérée, proche de la dose létale, assombrit le pronostic. La mort par intoxication aiguë peut survenir à tout moment, de six à vingt-quatre heures après l’ingestion, le plus souvent par collapsus cardiovasculaire.

L’ionogramme, réalisé en raison des risques d’acidose, est parfaitement normal. A l’électrocardiogramme, aucune anomalie n’est constatée. Durant l’hospitalisation, une injection d’Apomorphine® (0,03 mg/kg) est réalisée immédiatement. Parallèlement, l’animal reçoit une perfusion de Ringer-lactate pour prévenir l’acidose métabolique. Après le dernier effort de vomissement, du diazépam est administré au chien (Valium® à la dose de 0,2 mg/kg), ainsi que du charbon activé (par voie orale, dilué dans de l’eau). Un antipyrétique (Tolfedine®) est employé pour faire baisser sa température interne. L’état de l’animal ne s’améliore qu’après vingt-quatre heures d’hospitalisation. Une prise de sang permet de confirmer l’absence de répercussions hépatiques et rénales. A partir de ce moment, le chien s’alimente de nouveau normalement et retrouve son comportement habituel.

Les symptômes s’observent quatre à cinq heures après l’ingestion

La biodisponibilité des méthylxanthines est presque de 100 %. Le pic plasmatique est atteint quatre à cinq heures après l’ingestion et diminue lentement pendant vingt-quatre heures (la demi-vie plasmatique est augmentée chez les nouveau-nés, les animaux âgés, les insuffisants cardiaques et hépatiques). Elles stimulent le système nerveux central et le muscle cardiaque, agissent sur le rein pour induire la diurèse et relâchent la musculature lisse, notamment les fibres bronchiques. De manière générale, elles ont des effets inotropes et chronotropes positifs, ainsi qu’une action vasodilatatrice centrale et périphérique.

Les signes cliniques de l’intoxication apparaissent généralement quatre à cinq heures après l’ingestion.

Les symptômes prédominants, outre le vomissement s’il se produit, semblent liés à des stimulations du système nerveux central qui se traduisent par de la nervosité, de l’excitation, des tremblements, voire des convulsions ou, plus rarement, le coma. Dans la plupart des cas, une atteinte du système cardiovasculaire est notée, avec de la tachycardie et des arythmies sinusales. Des coliques, des diarrhées et de l’hypersalivation sont parfois observées.

En raison des symptômes peu caractéristiques, le diagnostic repose principalement sur les commémoratifs. Le pronostic est généralement réservé et dépend de la quantité ingérée. Une consommation répétée peut entraîner une mort subite après plusieurs jours, probablement par insuffisance cardiaque. Ceci reste possible, même après une seule ingestion.

Le traitement de l’intoxication est avant tout symptomatique

Il est possible de faire vomir le chien lorsque l’ingestion a eu lieu dans les deux heures qui précèdent. L’évacuation du chocolat restant permet de réduire la durée du plateau des concentrations sériques en théobromine et d’envisager un pronostic un peu plus favorable. En outre, cela permet de confirmer la suspicion quand le chien n’a pas été pris sur le fait. Bien entendu, si l’animal est en convulsions ou a perdu connaissance, un lavage gastrique est mis en œuvre plutôt que le vomissement, afin d’éviter toute fausse déglutition. Une anesthésie générale est alors indispensable. L’intubation est recommandée pour ventiler correctement l’animal et prévenir toute possibilité d’inhalation de sécrétions. Le lavage de l’estomac est réalisé avec une sonde gastrique. Une fois terminé, il est intéressant d’administrer une suspension de charbon actif, à raison de 10 ml/kg d’une solution composée de 1 g de charbon pour 5 ml de liquide. Le charbon activé permet de réduire la demi-vie plasmatique de la théophylline et, peut-être, de la théobromine.

Lorsque l’animal convulse, une sédation à l’aide de diazépam (Valium®) ou de phénobarbital (Phenobarbital® à la dose de 3 à 5 mg/kg par voie intraveineuse) est envisageable. Plusieurs administrations peuvent être nécessaires. Toutefois, quelques rares cas d’hyperglycémie secondaire à cette dernière molécule ont été notés.

L’état des animaux qui présentent des symptômes d’empoisonnement par la théobromine est surveillé par un électrocardiogramme, en raison des risques d’arythmies cardiaques, de fibrillation atriale et de tachycardie supraventriculaire. Ces dysfonctionnements peuvent être contrôlées par le propranolol (Avlocardyl® à la dose de 0,02 à 0,06 mg/kg) ou par un inhibiteur calcique, le vérapamil (Isoptine® à raison de 0,01 à 0,04 mg/kg). En cas de bradycardie importante, une injection d’atropine est réalisée (dose de 0,02 ml/kg administré par voie intraveineuse).

Les alcaloïdes étant éliminés par les urines, il peut être intéressant de les acidifier pour accélérer l’excrétion de théobromine en favorisant son captage ionique par de l’éthylène diamine (Lithadog®) à la dose de 1 g/j en trois prises quotidiennes. Une vérification du pH urinaire est toutefois préférable.

Si l’intoxication au chocolat n’est pas fréquente, elle reste une entité grave dont le pronostic est réservé. L’anamnèse demeure le principal élément de suspicion, car les signes cliniques ne sont pas spécifiques. Le traitement est essentiellement symptomatique. Il appartient donc au praticien de bien informer les propriétaires de la dangerosité du chocolat pour les carnivores domestiques, en prise unique ou répétée.

  • La bibliographie de cet article est disponible sur le site Internet Planete-vet.com, rubrique bibliographie (mot clé : SV-1264-42).

Les effets à long terme

L’administration de théobromine à des chiens, à des doses échelonnées de 0 à 300 mg/kg, a fait l'objet de travaux. Des lésions cardiaques (oreillette droite) et vasculaires ont été retrouvées. Les méthylxanthines sont considérées comme vasodilatatrices, ce qui suppose qu’elles génèrent des variations du flux sanguin. La moindre importance du flux myocardique chez les chiens normaux dans l’oreillette droite a été démontrée. Les effets indirects de la théobromine, combinés avec ce flux sanguin relativement bas dans l’oreillette droite, pourraient donc entraîner une dégénérescence myocardique localisée.

A.L. A.B.
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