Dans les cas de zoophilie, le risque associé de pédophilie ne peut être écarté - La Semaine Vétérinaire n° 1265 du 07/04/2007
La Semaine Vétérinaire n° 1265 du 07/04/2007

Abus sexuels sur les animaux. Quel est le rôle du vétérinaire ?

Actualité

Auteur(s) : Dominique Autier-Dérian*, Philippe Raymondet**

Fonctions :
*Vétérinaire comportementaliste
**Psychiatre au CHU de Toulon

Bien que passibles de sanctions pénales, les cas de zoophilie arrivent rarement devant les tribunaux.

La question des relations entre l’homme et l’animal a bel et bien investi les médias et les congrès scientifiques. Curieusement, les interactions physiques entre eux sont systématiquement occultées, particulièrement les contacts de nature sexuelle. Bien que parfois confronté au problème, le vétérinaire semble rester indifférent. Est-ce par manque de connaissance ou parce que le sujet est encore trop tabou ? Il est temps de faire le point sur la question, alors que les psychiatres et certains de nos confrères anglo-saxons s’y intéressent depuis plusieurs années.

Les actes de nature sexuelle sur les animaux sont poursuivis pénalement

Le statut juridique de l’animal est fixé par la loi du 10 juillet 1976, qui le définit comme un « être sensible », et par le Code rural (article L214-1). Même si l’animal reste un objet et non un sujet, et qu’il n’a pas de personnalité juridique, il bénéficie ainsi du droit intangible d’être respecté dans son corps (Rinck, 2003).

Jusqu’en 2004, les pratiques zoophiles n’étaient pas inscrites explicitement dans le Code pénal. Elles pouvaient cependant être considérées par le tribunal comme des « mauvais traitements » envers un animal, ou comme des « actes de cruauté ». Depuis le 11 février 2004, une modification du Code pénal permet de réprimer les actes sexuels envers les animaux. L’article 521-1 affirme que « le fait, publiquement ou non, d’exercer des sévices graves ou de nature sexuelle, ou de commettre un acte de cruauté envers un animal domestique, ou apprivoisé, ou tenu en captivité, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende ». Cependant, la nature cachée de la plupart des actes zoophiles, les faibles possibilités de contestation des animaux, le regard amusé de la société face à ces abus qui semblent anecdotiques font qu’ils sont rarement portés à la connaissance des tribunaux.

Entre le secret professionnel et la dénonciation d’actes condamnables

En Grande-Bretagne, 404 praticiens vétérinaires ont répondu à une vaste étude concernant les blessures non accidentelles infligées aux animaux de compagnie (H.M.C. Munro et coll., 2001) : 6 % des 448 cas répertoriés ont été reliés à des pratiques zoophiles. En médecine vétérinaire, bien peu de données existent sur ces agissements, et sur leurs conséquences chez l’animal. Aucun manuel d’obstétrique n’en fait état dans les diagnostics différentiels des lésions vaginales et utérines. Seuls deux articles récents de 2001 et 2006 décrivent de telles lésions. Des vétérinaires slovaques (A. Hvozdik et coll., 2006) analysent les abus sexuels sur cinq veaux âgés de trois mois, morts des suites hémorragiques de blessures rectales et vaginales. Pour sa part, H.M.C. Munro présente 28 cas de chiens et de chats suspectés d’avoir subi des abus sexuels.

La volonté d’intervention du vétérinaire dépend de sa propre perception de la zoophilie. Il peut être confronté à deux motivations contradictoires : celle du secret professionnel et celle de dénoncer des actes condamnables, portant atteinte à l’intégrité physique et psychique de l’animal. Lors de lésions constatées chez ce dernier, mais surtout en cas de présence d’enfant ou de personnes vulnérables au sein du foyer, il paraît nécessaire d’alerter en premier lieu le procureur de la République (éventuellement aussi les services de la Direction de l’action sanitaire et sociale). En cas de trouble comportemental décelé chez l’animal, l’intervention thérapeutique est rarement possible, puisque la demande réelle du propriétaire n’est généralement pas à ce niveau-là. Il faut alors pouvoir déceler ces demandes cachées, afin de l’orienter vers les interlocuteurs appropriés (psychiatres, psychologues, etc.). Dans tous les cas, les risques pour l’animal (anxiété, dépression, comportements agressifs ou sociopathie) et pour celui qui se livre aux actes zoophiles (morsures, griffures, déchirures, infections, etc., condamnation au titre de l’article 521-1 du Code pénal) peuvent être mis en avant.

Aux Etats-Unis, les associations de protection animale ont brisé le tabou

L’utilisation des animaux pour des pratiques sexuelles semble avoir toujours existé. Jusqu’à récemment, les dommages physiques et psychiques que les pratiques zoophiles entraînent chez l’animal n’avaient jamais fait partie du débat (H.M.C. Munro, 2006). Aux Etats-Unis, les sociétés de protection animale ont rompu le silence ces dernières années, notamment la Vermont Animal Cruelty Task Forcequi consacre un chapitre spécial de son manuel en ligne aux abus sexuels envers les animaux (Anon, 2005). Ceux-ci peuvent être associés à des abus sexuels sur des enfants ou sur des femmes (Kowal, 1998). H.M.C. Munro met en évidence les nombreuses similitudes entre les abus sexuels commis envers les enfants et ceux qui portent sur les animaux, qu’il s’agisse des facteurs de présomption, du genre de lésions ou, à l’inverse, de la normalité de l’examen clinique, du type de violence associé aux actes sexuels, des arguments avancés par les auteurs, etc. Il rapproche aussi la pauvreté des informations qui existaient il y a encore une vingtaine d’années dans les manuels de pédiatrie et celle d’aujourd’hui dans ceux d’obstétrique ou d’éthologie vétérinaires.

Dans cette perspective, la responsabilité du praticien est donc bien actuellement d’apprendre à identifier les lésions physiques et psychiques causées par de telles pratiques, et de les considérer comme de véritables maltraitances. Pour cela, les recherches doivent nécessairement intégrer les aspects éthologiques et législatifs, éthiques et psychiatriques de cette paraphilie.

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