Une fistule mandibulaire chez un porc vietnamien signe un abcès dentaire péri-apical

Un cochon vietnamien âgé de dix-sept ans, mâle, castré, de 50 kg, est présenté pour une abcédation récurrente en regard de la mandibule gauche, qui n’entrave pas son appétit et ne gêne pas la mastication. Une palpation de cette zone révèle une déformation (cachée par les larges joues recouvertes d’une peau épaisse et lâche). L’examen de la partie craniale de la bouche est normal. Une fistule est présente en partie déclive de la mandibule gauche. La radiographie (^{voir photo 1}) révèle une large lyse qui entoure la racine de la canine inférieure gauche, avec remodelage de la face ventrale de la mandibule, allant de la partie rostrale de la zone lytique jusqu’à la base des incisives. Ces observations sont compatibles avec un abcès péri-apical de la canine et une ostéomyélite localisée de la mandibule.

Une opération est décidée. Une numération formule sanguine montre une leucocytose et une anémie normocytaire hyperchrome marginale, attribuée à la persistance d’un foyer infectieux (il est aussi possible qu’elle soit liée à une déficience en fer, fréquente chez les cochons de compagnie qui ne fouissent pas la terre). Les paramètres rénaux et hépatiques sont normaux. Le cochon est mis à jeun pendant la nuit et reçoit 2 mg/kg de ceftiofur par voie intramusculaire le matin de l’intervention.

Un monitoring complet permet de surveiller l’anesthésie

Un protocole anesthésique est élaboré pour tenir compte des complications potentielles (voir encadré). Une prémédication est administrée (hydromorphone⁽¹⁾ à 0,1 mg/kg, et midazolam⁽¹⁾ à 0,4 mg/kg, par voie intramusculaire, derrière l’oreille) pour minimiser le stress lors des manipulations, assez mal tolérées par les cochons de compagnie, et pour faciliter la pose d’un cathéter. L’abord veineux étant difficile chez ce genre de cochon (voir encadré), un petit cathéter (22 G) est posé sur une veine visible de l’oreille. L’induction est réalisée avec 2 à 3 mg/kg de propofol, par voie intraveineuse lente. L’oxygénation est apportée via un masque qui délivre 100 % d’oxygène, en prévision d’une intubation difficile (^{voir photo 2}). La sonde trachéale (diamètre de 7 mm, ce qui représente la moitié d’une sonde nécessaire pour un chien de même poids) est connectée à un circuit anesthésique délivrant de l’isoflurane dans de l’oxygène. Le matériel de monitoring se compose d’un doppler (sonde placée en regard de l’artère caudale), d’un oscillomètre pour mesurer la pression artérielle (brassard posé sur l’avant-bras), d’un électrocardiogramme, d’un oxymètre de pouls (sur la langue) et d’un capnographe. Aucune complication n’est rencontrée.

L’analgésie est assurée par un opiacé et un bloc du nerf mandibulaire

Pour compléter l’analgésie de l’hydromorphone, un bloc du nerf mandibulaire gauche est effectué au niveau de la face interne de la mandibule, caudalement à la dernière molaire, avec un mélange de lidocaïne (40 mg) et de bupivacaïne (15 mg), qui assure un effet rapide et prolongé. Une incision cutanée de 5 cm est pratiquée sur la déformation de la mandibule. Une fois l’os mis à nu, la racine déformée de la canine est enlevée à l’aide d’une fraise et d’une curette. Du pus en grande quantité est retiré. Le reste de la dent est rétropulsé à travers la mandibule, qui est ensuite curetée. La cavité créée est remplie d’une mèche nouée sur le côté de la lèvre. L’intervention chirurgicale dure quatre-vingt-dix minutes en raison de la difficulté de l’extraction d’une si grosse racine.

Les soins postopératoires se composent d’une antibiothérapie (amoxicilline à raison de 30 mg/ kg/j en deux prises quotidiennes, per os, pendant quinze jours au minimum), d’un anti-inflammatoire non stéroïdien (carprofène à la dose de 4 mg/kg/j, en deux prises quotidiennes pendant dix jours) et d’un changement quotidien de la mèche, associé à un lavage à la chlorhexidine, jusqu’à la fermeture de la plaie intra-orale.

• (1) Molécule disponible en médecine humaine.