Les logiciels de santé dopent les stratégies qui déclinent l’acte vétérinaire au pluriel - La Semaine Vétérinaire n° 1263 du 31/03/2007
La Semaine Vétérinaire n° 1263 du 31/03/2007

Suivi d’élevage

Formation continue

RURALE

Auteur(s) : Catherine Bertin-Cavarait

L’activité de conseil nécessite de nouveaux outils. Les logiciels de santé permettent aux praticiens d’évaluer, donc de valider et de valoriser leur activité de suivi d’élevage.

Les exigences réglementaires relatives à la tenue du registre sanitaire en élevage et au “paquet hygiène” offrent aux vétérinaires ruraux l’opportunité de disposer d’une base de données des événements sanitaires d’un troupeau bovin laitier, des historiques de traitements et des coûts associés. La création d’une telle base à l’échelle d’une clientèle est l’occasion d’initier ou d’accroître une relation de conseil et de suivi explicite, contractualisée, rémunérée et évaluable. Les données cliniques descriptives sont souvent la pièce manquante de l’analyse d’une situation sanitaire dégradée, d’où la difficulté d’argumenter l’exercice d’une médecine préventive à l’échelon du troupeau et de la valider. Depuis janvier 2005, la Société nationale des groupements techniques vétérinaires (SNGTV) propose aux praticiens Vet’élevage, un logiciel de gestion du registre d’élevage en production bovine(1). Ce système d’enregistrement et de stockage des données cliniques et thérapeutiques peut être associé à des modules optionnels (voir schéma ci-dessous), comme le logiciel Véto’expert(2), auquel s’ajoutera prochainement Vet’estel, issu d’Estel(3). Un module plus adapté aux spécificités de l’élevage allaitant est en cours d’élaboration.

Trois confrères, engagés dans une stratégie qui décline leur activité professionnelle rurale bovine au pluriel, partagent leurs expériences quant aux effets induits par la tenue électronique d’un registre d’élevage.

Un tableau de bord partagé optimise l’évaluation des actions sanitaires

Pierre et Christine Poixblanc, installés depuis quinze ans en production laitière à Saint-Pierre-de-Varengeville (Seine-Maritime), enregistrent de longue date tous les événements sanitaires de leur troupeau. En partenariat avec Gerrit Boender, vétérinaire à Duclair (Seine-Maritime), ils utilisent Estel depuis sept ans et Vet’élevage depuis l’année dernière. Les enregistrements réalisés grâce à ces logiciels ont permis d’objectiver le coût des mammites et d’engager une action dans leur troupeau laitier composé de quarante-cinq vaches de race prim’holstein, productrices d’un quota de 330 000 l de lait.

« Nous ne travaillons plus avec un vétérinaire qui se contenterait de soigner des maladies, explique Pierre Poixblanc. Nous traitons les problèmes avant qu’ils n’arrivent. D’ailleurs, l’outil informatique nous aide beaucoup. » Seulement trois à quatre visites ont lieu chaque année, hors du suivi de reproduction du troupeau, pour un vêlage difficile ou une ablation d’onglon, par exemple. « Nous avons beaucoup progressé. Seules deux mammites cliniques ont été soignées ces six derniers mois et le lait de tank affiche moins de 100 000 cellules/ml de lait. » Dans la foulée, Gerrit Boender édite instantanément l’historique des résultats : « En 2001, nous avons comptabilisé vingt-huit mammites cliniques, une dépense de 760 € d’antibiotiques injectables, tout confondu, et 380 € de traitements antibiotiques intramammaires. D’octobre 2005 à octobre 2006, le bilan s’établit à dix mammites cliniques, une dépense de 450 € d’antibiotiques injectables et 160 € de traitements antibiotiques intramammaires. » Pendant la campagne laitière 2006-2007, seules deux boîtes de traitements antibiotiques intramammaires ont été achetées. « La prévention, qui conduit vers le zéro médicament, nous crédibilise aux yeux des consommateurs », précise Pierre Poixblanc.

Les résultats du contrôle laitier du mois de janvier dernier affichent un niveau d’étable de 9 810 l, avec 95 % des vaches présentant moins de 300 000 cellules/ml et aucune plus de 800 000 cellules/ml. « Si j’en suis là, c’est grâce au vétérinaire, qui est un élément moteur. » 30 % des éleveurs clients du cabinet de Duclair, soit douze au total, bénéficient actuellement d’un suivi Estel.

Au cabinet vétérinaire d’Ardres, dans le Pas-de-Calais, l’intégralité de la gestion des ordonnances du secteur rural et bovin est réalisée via Vet’élevage. Les informations ainsi fournies permettent à notre confrère Jérôme Defachelles d’aller plus loin dans l’évaluation de ses actions de suivi (voir tableau en page 46), qui portent sur un total de vingt-neuf exploitations. « Maintenant, nous sommes perçus comme des référents, explique notre confrère. Les éleveurs en suivi nous appellent dès qu’ils ont reçu les résultats du contrôle laitier pour faire un point. » « Nous voyons graphiquement l’amélioration des performances, explique Ronan Petton, vétérinaire à Plancoët (Côtes-d’Armor). Ainsi, je prouve à l’éleveur qu’il gagne de l’argent. Le paiement des factures de suivi ne pose aucun problème. »

Les éleveurs s’approprient la gestion préventive du volet sanitaire

Administrateur de deux coopératives, président d’une caisse d’assurances, responsable syndical et conseiller prud’homal, Pierre Poixblanc apprécie la sérénité conférée par cette situation sanitaire, au regard de la pénibilité induite par l’aspect répétitif de l’affection. « L’angoisse de la traite quand il faut soigner, traire sur pot, c’est minant. Nous ne traitons pas de façon sereine », explique-t-il. De plus, l’absence de mammites permet une réforme plus efficace des vaches laitières. « Nous ne gardons plus les vaches qui ont une mamelle décrochée. Ainsi, nous exerçons réellement notre métier de pilote d’élevage. C’est long à acquérir. » Néanmoins, la gestion de la prévention est plus complexe que celle du volet curatif. « Tabler sur le curatif est plus simple, mais plus coûteux. Lorsque nous faisons de la prévention, nous nous posons sans cesse des questions, cela nécessite plus d’observation. C’est une démarche plus difficile que le soin. Travailler en collaboration avec un œil extérieur permet de mieux détecter les problèmes. » Par ailleurs, comme pour tout nouvel outil, « il faudrait une formation des éleveurs, estime Christine Poixblanc. Avec Estel, nous travaillons sur du papier, avec Vet’élevage, nous avons affaire à un logiciel. Et nous ne pouvons pas travailler sur un programme sans savoir ce que nous ferons des informations. » Confronté également à ce problème, Jérôme Defachelles organise une formation des éleveurs tous les quinze jours, par groupe de cinq, à la clinique.

Au cabinet vétérinaire de Plancoët, l’utilisation du logiciel Véto’expert, dans le cadre des suivis de reproduction, a entraîné celle de Vet’élevage. « Quinze élevages bovins sont actuellement en suivi de reproduction formalisé », explique notre confrère Ronan Petton. Le suivi de la reproduction a déclenché la pratique d’un conseil nutritionnel rapidement valorisé par une augmentation de la production de lait et une amélioration des résultats de reproduction. De ce fait, ces clients ont enregistré, de façon autonome, les résultats de reproduction, de production de leur élevage et le registre d’élevage, d’où, pour les vétérinaires, la nécessité d’y adjoindre leurs ordonnances et, par conséquent, le recours à Vet’élevage. « L’un de mes clients utilisateurs de Vet’élevage vient d’être contrôlé au titre de la politique agricole commune (PAC). Le contrôle du registre d’élevage a duré cinq minutes. Depuis, il est encore plus emballé que mes autres clients », précise Ronan Petton.

Formation, moyens techniques, humains et organisationnels doivent être repensés

Actuellement, face à une situation sanitaire dégradée et compte tenu du développement de nouveaux services, comme l’analyse bactériologique du lait de mammite et la numération cellulaire, Ronan Petton propose systématiquement un audit d’élevage facturé 240 € HT, auquel « la moitié des éleveurs répondent positivement ». A ceux qui refusent, notre confrère ne délivre plus de conseil gratuit au comptoir. Tant à Duclair qu’à Plancoët, la médecine canine tire l’activité des cliniques vers le haut. Aussi, « il faut tout de même expliquer à ses associés que la demi-journée que nous passons à étudier les résultats d’un troupeau est rentable », explique Ronan Petton. Douze éleveurs sont en suivi contractualisé de longue date à Duclair, quinze à Plancoët, vingt-neuf à Ardres : la dimension territoriale du préventif n’est pas celle du curatif.

Le tarif horaire pratiqué par Jérôme Defachelles est de 80 €. Ainsi, le calcul d’une ration pour laquelle tous les éléments lui sont fournis est facturé 70 €, un test dynamique de traite 20 AMO (acte médical ordinal), soit 253 €.

En raison de la spécialisation de l’activité, les vétérinaires praticiens libéraux ruraux travaillent de plus en plus en réseau, tant au niveau d’un département que d’une région. Dans le Pas-de-Calais, des vétérinaires libéraux spécialisés parcourent jusqu’à 250 km pour auditer un élevage dans le cadre du réseau Vetel. En effet, si le volet curatif et son caractère d’urgence se traduisent par le choix d’un clinicien de proximité, les critères de choix de l’éleveur sont de différents ordres dans le cadre d’une intervention de conseil.

L’utilisation de Vet’élevage a entraîné la modification de la configuration informatique du cabinet de Plancoët, équipé en ordinateurs Macintosh. Jusqu’à présent, le manque de passerelle entre le logiciel de gestion du cabinet et Vet’élevage obligeait les confrères à saisir manuellement les ordonnances. « De cette façon, tout le monde apprend à utiliser le logiciel. » Gerrit Boender mène de front Estel et Vet’élevage jusqu’à la mise en service du module Vet’estel et se heurte aux difficultés informatiques. Aussi, « à chaque développement de passerelle, de nouvelles adhésions sont enregistrées », explique notre consœur Isabelle Coupey, animatrice à la SNGTV. « En ce qui concerne le choix du matériel informatique à utiliser (pocket, portable ou tablet-PC), la diversité permet à chaque vétérinaire de trouver sa solution », indique-t-elle. Actuellement, cent trente cabinets vétérinaires sont abonnés, mille trois cents éleveurs y adhèrent et cent dix cabinets l’utilisent à l’essai. Le nombre de cabinets vétérinaires potentiels est estimé à mille. En 2005, la France comptait 185 334 exploitations bovines professionnelles. « Lors de l’inscription des éleveurs par les vétérinaires, 75 % répondent positivement », précise Isabelle Coupey.

Tout développement de nouvelle stratégie nécessite de repenser les moyens techniques et humains, non seulement dans leur aspect organisationnel, mais également dans leurs dimensions relationnelles et géographiques. Selon l’hypothèse retenue quant aux futures voies de la délivrance des médicaments vétérinaires, la valorisation des actes en médecine rurale peut devenir une urgence. Les logiciels de santé sont un outil supplémentaire qui permet, grâce à une individualisation des prestations, de répondre aux besoins pluriels des éleveurs.

  • (1) Voir Le Point Vétérinaire n° 268 de septembre 2006, pp. 58-61.

  • (2) Voir La Semaine Vétérinaire n° 1237 du 16/9/2006, pp. 46-50.

  • (3) Voir Le Point Vétérinaire n° 247 de juillet 2004, pp. 10-11.

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