Le polymorphisme clinique du mastocytome est déroutant - La Semaine Vétérinaire n° 1263 du 31/03/2007
La Semaine Vétérinaire n° 1263 du 31/03/2007

Tumeurs mastocytaires

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Mélanie Momont

Cette tumeur cutanée figure parmi les plus fréquemment observées chez le chien. Son polymorphisme lésionnel complique le diagnostic.

Les mastocytomes cutanés atteignent préférentiellement les chiens d’âge moyen (huit ans), sans prédisposition de sexe démontrée. Les races les plus fréquemment atteintes sont le boxer, le staffordshire bull terrier, le labrador, le golden retriever, le braque de Weimar et le schnauzer.

Les mastocytomes sont connus pour être des “imitateurs”. En effet, ils peuvent prendre l’apparence de nombreuses lésions. Classiquement, un mastocytome bien différencié apparaît comme une lésion surélevée, sans poil, unique, alors qu’une tumeur peu différenciée est souvent ulcérée, œdémateuse, hémorragique, avec des lésions satellites qui entourent la masse primaire (comme un gonflement). Néanmoins, l’examen externe ne suffit pas pour évaluer l’agressivité des tumeurs. Leur aspect, leur consistance et leur taille sont en effet extrêmement variables. C’est pourquoi il est important d’évaluer toute lésion cutanée via la réalisation d’une analyse cytologique.

Dans 10 % des cas, le mastocytome se présente sous une forme multicentrique. Plusieurs néo-formations cutanées apparaissent alors simultanément, dans des localisations différentes.

La libération de médiateurs de l’inflammation contenus dans les granules cytoplasmiques des mastocytes peut être responsable de saignements locaux (liés à l’héparine) et d’un œdème local ou d’un érythème (lié à l’histamine). D’autres signes cliniques peuvent être observés comme un gonflement de la région à la suite de la manipulation (il s’agit du signe de Darrier, occasionné par la dégranulation spontanée), des vomissements, des ulcérations gastro-intestinales, du méléna. Ces symptômes doivent évoquer un mastocytome. Ils sont secondaires à la sécrétion d’histamine par les mastocytes tumoraux qui stimulent une production excessive d’acide chlorhydrique par les cellules pariétales de l’estomac.

La taille des mastocytomes peut augmenter et diminuer consécutivement à leur dégranulation spontanée. Le praticien doit donc suspecter l’existence d’une telle tumeur et entamer une démarche diagnostique dans ce sens lorsqu’un propriétaire évoque la présence, chez son animal, d’une lésion qu’il n’avait pas remarquée auparavant.

Face à une lésion tégumentaire suspecte, une cytoponction est utile

L’aspiration de la lésion à l’aiguille fine est la première étape. Le but est de récolter des cellules individuelles ou des petits amas de cellules avec un minimum d’hémodilution. Pour cela, une aiguille de 23 ou 25 G est adéquate. Les aiguilles de gros diamètre semblent causer une hémorragie plus importante et ne permettent pas d’obtenir des cellules bien individualisées. La zone est tondue et nettoyée. La masse est immobilisée avec une main et l’aiguille est insérée dans la lésion. La ponction doit se faire perpendiculairement et au centre de la masse, en prenant soin de changer deux à trois fois l’orientation de l’aiguille au cours du prélèvement. L’aspiration peut être obtenue en utilisant la succion d’une seringue ou en employant une aiguille seule sans succion. Cette dernière méthode présente l’avantage de minimiser l’hémodilution et de limiter les altérations cellulaires. Le choix de la technique relève d’une préférence personnelle, mais est aussi déterminé par le type de la lésion aspirée. Les masses molles et les nœuds lymphatiques s’exfolient bien sans succion (méthode “aiguille seule”), contrairement aux masses fermes (opter alors pour les méthodes de “succion continue” et de “succion intermittente”). Cette première étape diagnostique ne nécessite aucune anesthésie. Par ailleurs, le mastocytome, qui a tendance à exfolier beaucoup de cellules, possède souvent un aspect assez caractéristique au microscope.

Les cellules sont bien distinctes, de taille variable. Si le frottis est particulièrement cellulaire, les cellules sont regroupées en paquet. Toutefois, l’observation montre généralement qu’elles n’adhèrent pas les unes aux autres et qu’elles sont anguleuses, avec des contours cytoplasmiques nets. Après la coloration des lames (May-Grünwald-Giemsa), les cellules ont une apparence bien distincte, avec des granules rose-pourpre foncé qui peuvent obscurcir le noyau. Des éosinophiles sont parfois présents. Dans les mastocytomes bien différenciés, les mastocytes contiennent beaucoup de granules cytoplasmiques et le noyau est assez petit. Dans les mastocytomes peu différenciés, le nombre de granules varie d’une cellule à l’autre. Les noyaux sont gris et de forme variable.

L’examen histopathologique est indispensable pour établir un pronostic

Si l’aspiration à l’aiguille fine permet de suspecter un mastocytome, le meilleur indicateur pronostique du comportement de la tumeur est son grade histologique. Pour l’établir, la réalisation d’une biopsie est nécessaire. Elle est effectuée à l’aide d’une aiguille Tru-Cut®, ce qui permet d’une part de récupérer substantiellement plus de cellules, d’autre part de conserver l’arrangement originel des cellules dans l’échantillon, contrairement à une aspiration à l’aiguille fine. La peau qui recouvre la masse à échantillonner est préparée de façon aseptique et infiltrée avec un anesthésique local. Une petite incision est pratiquée à l’endroit où l’aiguille Tru-Cut® doit être avancée. La même incision peut être utilisée pour récupérer de multiples échantillons. Le site de biopsie est choisi de façon à ce que le trajet de l’aiguille soit aussi près que possible de la tumeur. L’aiguille ne doit pas occasionner de brèche inutile dans les marges de cette dernière durant le prélèvement. Une fois l’échantillon récupéré, il doit être extrait délicatement de la canule avec une fine aiguille hypodermique ou, mieux, par une irrigation douce avec du sérum physiologique vers le produit fixateur.

Les instruments à biopsie punch constituent également des outils simples d’utilisation, peu onéreux et efficaces pour réaliser des échantillons de tumeurs.

La biopsie incisionnelle implique une résection chirurgicale de tissu. Idéalement, l’échantillon doit être retiré directement de la plaie sur une surface, plutôt que pris entre des pinces. En effet, sa manipulation avec des instruments durant la procédure de résection doit être minimisée afin de limiter la création d’artéfacts histologiques.

Le prélèvement d’échantillons pour un examen histologique durant la résection chirurgicale définitive prend le nom de biopsie excisionnelle. Elle peut être appropriée quand les masses sont petites et solitaires (jusqu’à 1 cm de diamètre). Dans ce cas, la biopsie préchirurgicale compliquerait l’excision définitive. De tels nodules doivent être enlevés avec des marges de même dimension (3 cm de tissu sain) de tous les côtés de la masse originelle.

L’échantillon tissulaire est fixé dans une solution de formol à 10 %. Lors du transport, le contenant doit être assez large afin que l’échantillon occupe approximativement 10 % du volume une fois la solution de fixation ajoutée. Les grands échantillons de tissus sont à sectionner en série avec un maximum de 1 cm de largeur pour garantir une fixation adéquate. Pour les masses particulièrement larges, il peut être plus facile de ne soumettre que les zones d’intérêt, tout en conservant le reste de l’échantillon.

Le mastocytome est classiquement gradé selon la classification de Patnaik

Les mastocytomes sont répertoriés selon trois grades : le I correspond à un mastocytome bien différencié, le II à un mastocytome moyennement différencié et le III à un mastocytome peu différencié. Les critères retenus pour grader ce type de tumeur sont l’index mitotique, l’invasion dans les tissus, la cellularité, ainsi que la morphologie cellulaire.

Cependant, la moitié des mastocytomes de grade II évoluent favorablement. L’index de prolifération Ki67 permet de les classer en deux groupes et d’affiner le pronostic. Le premier rassemble les mastocytomes qui ont un index inférieur à 10 % (taux de survie de 92 % à deux ans), le second ceux dont l’index est supérieur à 10 % (taux de survie de 27 % à deux ans).

Le principe de l’immunophénotypage consiste à déposer un anticorps primaire MIB-1 anti-Ki67 sur les coupes tissulaires. Cet anticorps se fixe sur son épitope nucléaire Ki67, présent dans les cellules en prolifération. Apparaissent un noyau positif, de couleur marron, et un noyau négatif, bleu, coloré par l’hémalun. Les résultats de marquage s’expriment en index Ki67, qui correspondent à la formule : (nombre de cellules immunopositives/nombre de cellules tumorales comptées) x 100. L’intérêt de cet immunomarquage est d’identifier l’ensemble des cellules en prolifération (c’est-à-dire entrées en cycle cellulaire) et pas seulement les cellules en phase de mitose (comme c’est le cas dans les analyses histologiques classiques). Le mastocytome, tumeur maligne dans environ 30 à 40 % des cas, métastase primitivement par voie lymphatique. Les principaux sites métastatiques sont les nœuds lymphatiques, le foie, la rate, ainsi que la moelle osseuse (plus rarement les poumons). Le bilan d’extension doit donc comprendre un examen cytologique (par aspiration du foie, de la rate et des nœuds lymphatiques), un bilan sanguin (qui peut révéler une anémie, consécutive aux saignements gastro-intestinaux), une éosinophilie ou une basophilie, un myélogramme, ainsi qu’une radiographie thoracique et une échographie abdominale.

Le traitement de choix du mastocytome est la chirurgie, qui doit être carcinologique (marge de 3 cm de tissu sain). Pour des tumeurs de grade I, elle peut être curative. Lorsqu’une exérèse large n’est pas envisageable, une radiothérapie externe est instaurée, éventuellement associée à de la chimiothérapie. Cette dernière se révèle également nécessaire en présence de métastases, quand le mastocytome est multicentrique ou encore lors de mastocytome de haut grade. La combinaison vinblastine-prednisone semble donner les meilleurs résultats. Le protocole est le suivant : vinblastine à la dose de 2 mg/m2 administrée par voie intraveineuse chaque semaine pendant un mois, puis quatre injections au rythme d’une injection une semaine sur deux ; prednisone à raison de 1 mg/kg/j per os. La survie médiane est supérieure à cinq cent soixante-treize jours, quel que soit le grade de la tumeur.

L’association lomustine-prednisone (40 à 60 mg/m2 de lomustine administrés per os pendant trois semaines) peut également être envisagée. Pour leur part, les anti-H2 (cimétidine, ranitidine) sont utilisés comme traitement adjuvant pour éviter les ulcères digestifs.

CONFÉRENCIER

Cyrill Poncet, praticien au service de chirurgie du centre hospitalier Frégis (Arcueil, Val-de-Marne).

Article rédigé d’après une soirée de formation organisée à Montrouge (Hauts-de-Seine) par le centre hospitalier Frégis, le 13 février 2007.

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