LE MANQUE DE MOYENS EST PLUS SENSIBLE QUE L’INSÉCURITÉ - La Semaine Vétérinaire n° 1263 du 31/03/2007
La Semaine Vétérinaire n° 1263 du 31/03/2007

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Auteur(s) : Agnès Faessel

Chaque grande ville de France possède son quartier « sensible ». Pourtant, les vétérinaires libéraux qui travaillent à proximité – parfois immédiate – de ces zones ne vivent pas leur exercice comme un sacerdoce. Tous s’accordent à dédramatiser.

Non, ils ne se font pas régulièrement braquer ni même injurier. Au contraire, ils cotoient plutôt une clientèle chaleureuse.

Et s’ils reçoivent peut-être plus souvent qu’ailleurs des personnes en situation difficile, ils n’ont pas pour autant le sentiment de jouer les assistantes sociales.

Quelle est la vie quotidienne du praticien qui exerce en zone “sensible”, c’est-à-dire dans les quartiers populaires, le plus souvent au centre des grandes villes ou à leur périphérie ? Agressions, vols, dégradations… Sachant que les forces de l’ordre elles-mêmes évitent certains secteurs et que les pompiers sont accueillis par des jets de pierres lorsqu’ils interviennent, il est légitime de s’interroger sur la façon dont le vétérinaire est reçu.

Bien entendu, les praticiens, comme les autres professionnels libéraux et les commerçants, évitent soigneusement de visser leur plaque en plein cœur des zones réellement à risque. Mais, parfois, la clinique jouxte une cité dont la réputation n’est pas des plus reluisantes. Telle est le cas de la structure de Gilles Marchand, à Epinay-sur-Seine (Seine-Saint-Denis). « Ce n’est pas notre clientèle qui pose problème, explique notre confrère. Mais nous travaillons dans un environnement pénible. » En effet, s’il n’a jamais été la cible des délinquants, à la différence des médecins, infirmiers et pharmaciens, plusieurs clients ont été dépouillés sur le chemin de la clinique. « Nous faisons attention en sortant en fin de journée et il est vrai que je n’effectue pas de visite le soir dans certains quartiers. » Les représentants commerciaux des laboratoires pharmaceutiques ont aussi appris à ne rien laisser traîner dans leur véhicule ! « L’un d’entre eux a décidé de ne plus venir nous voir », rapporte même Gilles Marchand. Un autre délégué, qui n’a pas renoncé, confie : « Il faut visiter cette clinique le matin de bonne heure, quand “ils” dorment encore dans le quartier ! »

Le vétérinaire reste un référent et un interlocuteur respectés

« Mais il ne faut rien exagérer. C’est vivable et nous ne nous sentons pas en danger », affirme Gilles Marchand. La réaction est identique chez les autres praticiens interrogés sur le sujet. « Ici, ce n’est pas Chicago ! », s’exclament, sans se concerter, une consœur et un confrère. La première travaille dans l’est lyonnais, l’autre à Evreux, une ville qui s’est tristement illustrée par la violence des affrontements lors des émeutes de 2005. D’ailleurs, « les émeutes ne sont restées que dans la mémoire des journalistes, s’y étonne-t-on. Sur place, nous les avons oubliées ». Même son de cloche dans le quartier nord de Marseille : « Bien entendu, j’ai déjà été cambriolé, relate un praticien. Mais qui ne l’a pas été ? » Il plaisante d’ailleurs sur ce sujet : « Je ne vis pas barricadé et je laisse entrer mes clients sans les faire passer par un sas de sécurité ! » Aucunement paranoïaques, tous ces confrères affirment d’ailleurs qu’ils sont plutôt respectés. « Le vétérinaire est un référent pour la plupart des clients et, lorsque c’est nécessaire, il suffit de recadrer ceux qui “se la jouent” un peu, résume un praticien de Saint-Herblain, à l’ouest de Nantes. Le seul délinquant parmi mes clients est un dealer notoire, mais qui est rentré dans le rang. » Jérôme Saudubray, installé à Creil (Oise), est du même avis : « Les vrais zonards, nous ne les voyons pas. Les personnes qui possèdent un chien ont tout simplement besoin de nous et elles sont respectueuses. » Plusieurs confrères rappellent aussi que si cela se passait mal, ils ne resteraient pas où ils sont.

La mode du pit-bull a laissé la place à celle du scooter

Même du temps des pit-bulls, des rottweilers et des combats de chiens, le vétérinaire n’était que rarement pris à partie. “Etait”, car les praticiens sont unanimes : posséder un chien de ce type est vraiment passé de mode. « Les jeunes sont revenus au scooter », constate-t-on du côté de Vitrolles (Bouches-du-Rhône). En revanche, il reste difficile de savoir si ce changement est imputable à l’application de la loi de janvier 1999 sur les animaux dangereux et, si tel est le cas, dans quelle proportion. Mais qu’il s’agisse d’un phénomène de mode, éphémère comme souvent ou efficacement combattu par la législation, sa disparition réjouit globalement les vétérinaires. Une praticienne reconnaît qu’à cette époque, à la fin des années 90, les frictions existaient et qu’une certaine vigilance était de mise : « Le chien était souvent amené par cinq ou six personnes et il fallait être ferme. » Le principal risque étant de voir repartir le groupe sans être payé…

Des propriétaires avec peu de moyens, fidèles et attachants

Au final, ce sont les faibles ressources des clients de ces cliniques de quartier populaire qui les caractérisent le plus. Cela inclut parfois des personnes « en grande détresse morale et financière ». Pourtant, une majorité des confrères interrogés estiment ne pas comptabiliser davantage d’impayés ou de chèques sans provision que les structures situées dans d’autres zones. « Les mauvais payeurs font le tour des vétérinaires de la ville, quel que soit le quartier », remarque une consœur. Bien entendu, il faut composer avec le profil de ces propriétaires, proposer des arrangements le cas échéant. « J’ai environ 4 000 € dehors en permanence », indique ainsi Jérôme Saudubray.

Il faut également s’adapter au niveau social des personnes qui fréquentent la clinique. « Nous faisons parfois face à des problèmes d’éducation et, dans l’ensemble, nos clients n’ont pas l’intellect de polytechniciens », reconnaît notre confrère du nord de Marseille. « Pour rien au monde je ne souhaiterais travailler dans un quartier huppé, avec des clients très exigeants et peu confiants », confie, pour sa part, son voisin des Bouches-du-Rhône. Car tous apprécient les côtés positifs de cette clientèle « sympathique, attachante, fidèle », choisie souvent « par goût ».

La valeur d’une clientèle s’apprécie aussi selon le quartier

La mauvaise réputation qui colle à certains quartiers peut aussi avoir pour conséquence la dévalorisation de la clinique, dépréciée dans le cadre d’une cession de clientèle, par exemple. « Se situer à Vitrolles plutôt qu’à Cassis n’est certainement pas un facteur favorisant, ironise un confrère. Les jeunes sont assurément attirés par des villes a priori plus sympathiques. Ici pourtant, nous bénéficions d’une bonne entente entre confrères, et cela compte. »

Gilles Marchand se souvient qu’il a mis en vente sa clientèle pendant une année, sans grand succès. « Epinay-sur-Seine a une telle mauvaise presse qu’on ne m’appelait même pas pour demander le prix ! » Il est vrai que, pendant un temps, la zone a plutôt évolué dans le mauvais sens. Mais les aménagements urbains peuvent infléchir la tendance, comme cela s’est produit dans certaines agglomérations.

Cette mauvaise réputation contribue également à instaurer un sentiment d’insécurité, non chez les habitants du secteur, mais chez ceux qui n’y vivent pas. Les confrères le constatent surtout lorsqu’ils sont de garde, puisque certains clients refusent de venir chez eux, effrayés par leur situation géographique.

Les risques d’incompréhension concernent essentiellement la législation

En novembre dernier, un dossier réalisé par le Moniteur des pharmacies faisait le point sur les pharmaciens « des quartiers », un an après les émeutes(1). L’un d’eux, dont l’officine se situe à Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), y explique ses problèmes de communication avec les personnes d’origine étrangère qui ne parlent pas français et le risque d’erreur dans les traitements administrés que cela engendre.

En pratique vétérinaire, ce problème ne survient que rarement selon les témoignages des confrères. Le cas échéant, les personnes viennent en consultation avec un “interprète”. De réels risques d’incompréhension sont toutefois rapportés à propos de la législation à respecter pour voyager à l’étranger avec un animal. Ainsi la réglementation est-elle particulièrement difficile à expliquer aux gens du voyage lorsqu’ils comprennent mal le français. Mais peut-être est-elle difficile à expliquer tout court…

  • (1) Le Moniteur des pharmacies, n° 2651 du 18/11/2006, pages 18 à 26.

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