La fertilité des spermatozoïdes d’oiseau dépend d’un système antioxydant complexe - La Semaine Vétérinaire n° 1262 du 24/03/2007
La Semaine Vétérinaire n° 1262 du 24/03/2007

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Auteur(s) : Catherine Bertin-Cavarait

Les apports nutritionnels d’oligo-éléments sont déterminants pour l’efficacité des enzymes protectrices. La vitamine E et le sélénium jouent un rôle primordial dans la protection des membranes.

La durée de vie des spermatozoïdes des oiseaux, depuis le début de la spermatogenèse jusqu’à la fécondation, peut atteindre plusieurs semaines. La spermatogenèse elle-même a une durée fixe de quatorze jours chez le coq, le dindon ou la pintade. Toutefois, si le temps de séjour dans les voies déférentes du mâle (d’un à quatre jours) et la durée de stockage dans l’oviducte des femelles (jusqu’à vingt et un jours chez la poule et plus de soixante chez la dinde) sont ajoutés, les spermatozoïdes ont alors une durée totale de vie “avant emploi” qui peut atteindre quarante jours chez la pintade et le coq et près de quatre-vingts chez le dindon. Les conditions environnementales de leur survie, tant à l’intérieur des canaux déférents des mâles que dans les glandes utérovaginales des femelles, sont donc essentielles pour maintenir non seulement la survie, mais aussi le pouvoir fécondant. Outre la nutrition énergétique des spermatozoïdes, le milieu doit assurer leur protection antioxydante.

L’impact d’une carence en antioxydants, et plus particulièrement en sélénium et en vitamine E, sur la fertilité des oiseaux d’élevage, a été présenté par Jean-Pierre Brillard, directeur de recherche à la station de recherches avicoles de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) de Nouzilly, le 7 novembre dernier, lors de la demi-journée dédiée à l’aviculture, organisée par la société Alltech.

Peroxydations et radicaux libres diminuent la fertilité des spermatozoïdes

La production d’énergie par les cellules animales consomme de l’oxygène et engendre des composés intermédiaires fortement cytotoxiques pour les cellules, les anions superoxydes et les peroxydes d’oxygène (voir encadré). La protection des cellules est assurée par trois lignes de défense graduelles, depuis la prévention de la formation des radicaux libres jusqu’à l’élimination et la réparation des molécules endommagées (voir schéma 1). Les enzymes de la première ligne de défense sont épaulées par une deuxième ligne de défense, les fameux antioxydants, apportés par l’alimentation.

La conservation du pouvoir fécondant des spermatozoïdes nécessite des moyens de lutte adaptés à la prévention des effets dus aux peroxydations et aux radicaux libres. En effet, les altérations des lipides membranaires qu’ils provoquent entraînent une diminution de leur pouvoir fécondant, de leur viabilité et de leur fertilité. « A la base du noyau des spermatozoïdes se trouve une zone particulièrement fragile, la pièce intermédiaire. Les cassures qui y sont observées fréquemment sont presque toujours la conséquence des radicaux libres sur les lipides membranaires, explique Jean-Pierre Brillard. Cette pièce intermédiaire est la zone qui contient les mitochondries du spermatozoïde » (voir photo).

Sperme et plasma séminal contiennent des antioxydants en proportion importante (voir graphique 2). Parmi eux, sélénium (Se) et vitamine E jouent un rôle prépondérant.

La vitamine E et le sélénium sont essentiels au maintien du pouvoir fécondant

Chez les coqs, une carence en sélénium se traduit par une taille réduite des testicules et par un retard de maturité sexuelle qui apparaît vers vingt-six semaines, au lieu de dix-neuf chez des animaux non carencés. En outre, l’étude du processus de formation des gamètes mâles montre une absence partielle de hiérarchie goniale liée au fait que les cellules mères n’entrent pas en spermatogenèse. En 2002, Franck W. Edens a mis en évidence l’intérêt d’une supplémentation alimentaire en sélénométhionine (une forme de sélénium organique), à raison de + 0,3 ppm, sur la qualité des spermatozoïdes du coq par comparaison avec une alimentation supplémentée en sélénium minéral à la même dose. A ce titre, « les sources organiques de Se sont toujours plus efficaces que les sources minérales pour des concentrations identiques », précise le chercheur (voir tableau et photo).

Lorsqu’une ration non carencée de coq (contenant environ 5 ppm de vitamine E) est supplémentée avec 20 ppm ou 200 ppm de vitamine E, une diminution marquée (de deux à trois fois) de la teneur du sperme frais ou conservé en malonaldéhyde (MAD) est constatée. Or le MAD est un indicateur de peroxydation. Cette diminution est en partie proportionnelle au niveau de la supplémentation. La supplémentation d’une ration non carencée avec 20 ppm de vitamine E + 0,3 ppm de Se et 200 ppm de vitamine E + 0,3 ppm de Se fait également apparaître une diminution de la teneur en MAD du sperme.

Des travaux de recherche menés chez l’homme montrent qu’une carence en Se perturbe la spermatogenèse, inhibe la motilité des spermatozoïdes et provoque des dysfonctionnements de leur pièce intermédiaire. Le rôle joué par une protéine structurale, la phospholipide hydroperoxyde glutathion peroxydase, ou PHGPx, pourrait expliquer l’instabilité mécanique de la pièce intermédiaire observée lors de ces carences. En effet, cette enzyme sélénodépendante, qui appartient à la famille des glutathion peroxydases, aurait une fonction centrale dans la prévention des dommages liés aux réactions oxydatives intramitochondriales.

La supplémentation du milieu de conservation de la semence de coq et de dindon révèle un effet limité, voire aucun effet sur le maintien de leur viabilité in vitro.

La supplémentation des femelles doit anticiper l’effet “âge”

« Quand les poules vieillissent, elles ont du mal à maintenir un niveau de fertilité élevé », souligne Jean-Pierre Brillard. L’activité et l’efficacité des systèmes antioxydants varient avec l’âge, et sont en général moins efficaces en fin de saison sexuelle. L’étude de la teneur en antioxydants naturels (tocophérol, acide ascorbique, GSH) et en enzymes antioxydantes (GSH-Px et SOD) de la jonction utérovaginale met en évidence une diminution significative de la teneur en tocophérol, acide ascorbique, GSH-Px et SOD des sites de stockage oviducals des spermatozoïdes avec l’âge. Le stockage oviducal des spermatozoïdes de coq dure vingt et un jours.

L’effet de la supplémentation en vitamine E et en sélénium est plus marqué chez les femelles âgées qu’en début de ponte. Chez les jeunes poules de vingt-cinq semaines, quelle que soit la supplémentation (vitamine E ou Se), aucun changement n’est constaté, tant en matière de fertilité qu’au niveau du nombre de spermatozoïdes stockés. Chez les vieilles poules de soixante-douze semaines, la fertilité est légèrement augmentée en réponse à la supplémentation en vitamine E (+ 100 ppm) et en sélénium (0,4 ppm de Se organique + 100 ppm de vitamine E). En effet, une supplémentation de ces poules en sélénium ou en vitamine E, ou avec les deux associés, entraîne une augmentation de la population de spermatozoïdes périvitellins, du nombre de trous dus aux spermatozoïdes dans la membrane vitelline et permet, dans certains cas, d’accroître la période fertile.

L’effet de la supplémentation des femelles en Se organique et en vitamine E est retrouvé chez les poussins. Ils présentent une activité supérieure de la glutathion peroxydase. Les dindonneaux sont mieux armés pour lutter contre le stress thermique via la régulation d’une protéine HSP70 (70 kdan heat shock protein), biomarqueur cellulaire du stress et également bioprotecteur.

« La supplémentation des coqs en Se doit être comprise entre l’âge de trente-huit ou trente-neuf semaines et l’âge de quarante-sept semaines », précise Jean-Pierre Brillard. « La réponse de cette supplémentation intervient dans un délai de trois semaines, soit le temps nécessaire à la formation des spermatozoïdes et à leur utilisation par la poule », ajoute-t-il. Des travaux sont actuellement en cours pour les recommandations des oiseaux en accouplement naturel.

Mécanismes de production d’énergie

Une cellule animale produit son énergie à partir d’oxygène. Dans les mitochondries, O2 sera réduit en eau (H2O) par transfert de quatre électrons sous l’action de cytochrome-oxydase (le processus génère lui-même de l’énergie) :

O2 → O-2 (anion superoxyde)

O-2 → H2O2 (peroxyde d’hydrogène ou eau oxygénée)

H2O2 → OH (radical libre hydroxyle)

OH → H2O

Jean-Pierre Brillard
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