L’UTILITÉ DES OGM PEINE À GERMER DANS L’ESPRIT DES FRANÇAIS - La Semaine Vétérinaire n° 1262 du 24/03/2007
La Semaine Vétérinaire n° 1262 du 24/03/2007

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Auteur(s) : Jean-Pascal Guillet

Les Français font tout un plat des organismes génétiquement modifiés (OGM). Soucieux du contenu de leur assiette, les consommateurs perçoivent mal les bénéfices de ces produits. Les autorités souhaitent jouer la transparence et faire participer les citoyens au débat. Pourtant, les plantes transgéniques peinent à s’implanter dans l’Hexagone, tandis que soja, maïs, coton et colza prennent racine aux Etats-Unis, au Brésil, en Argentine.

Les deux tiers des Français sont « très inquiets » ou « plutôt inquiets » à l’idée de manger des produits pouvant faire intervenir des organismes génétiquement modifiés (OGM) dans leur fabrication. Ce résultat est issu d’un sondage CSA/ Greenpeace réalisé les 13 et 14 septembre derniers auprès d’un échantillon national représentatif de 950 personnes(1). Ces chiffres montrent la défiance des consommateurs à l’égard de ces organismes, qui sont définis comme des végétaux, des bactéries ou des animaux dont le matériel génétique a été modifié par transgenèse, afin de leur conférer une caractéristique nouvelle. La méfiance des consommateurs porte principalement sur les plantes transgéniques, dont certaines, ainsi que leurs dérivés, sont autorisées dans l’alimentation humaine, à petite dose, et dans l’alimentation animale, dans une plus grande mesure (voir article en page 37).

L’intérêt des OGM dans l’alimentation est mal perçu par les consommateurs

Le scepticisme national rejoint celui des consommateurs de l’Union européenne. En effet, plus de la moitié des Européens (56,5 %) sont d’avis que les aliments contenant des OGM sont dangereux, révélait en décembre 2001 un sondage réalisé auprès de 16 000 citoyens des 15 Etats membres de l’Union(2). « Plus qu’une crainte vis-à-vis d’un risque précis, les résistances s’expliquent par la conjonction de deux facteurs », analyse Pierre-Benoît Joly, directeur de recherche à l’Institut national de la recherche agronomique (Inra)(3). Le premier est la mauvaise perception des bénéfices de l’utilisation des OGM dans l’alimentation. « Les personnes interrogées considèrent que les besoins quantitatifs et qualitatifs sont satisfaits », indique le chercheur. Le deuxième est un sentiment de fatalisme. « Ces développements sont perçus comme inéluctables, indépendants du contrôle des populations et des choix publics, d’où une inquiétude quant à l’évolution, à terme, de l’utilisation des OGM. Or lorsque les citoyens s’estiment privés de tout pouvoir d’influence sur les choix technologiques, le crédit qu’ils accordent aux experts est faible (…). Ainsi, le principal écueil de l’utilisation des OGM dans l’alimentation n’est pas la perception du risque en tant que tel mais, plus globalement, le déficit d’objectifs socialement partagés et les questions relatives à la maîtrise sociale du changement », poursuit Pierre-Benoît Joly. En effet, l’une des réticences des consommateurs vient du fait que les premières plantes transgéniques mises sur le marché répondaient principalement à des exigences économiques. Les éventuels bénéfices que pourraient apporter les biotechnologies sont occultés par l’utilisation qu’en font certaines grandes sociétés productrices. Les batailles d’experts au sujet de l’interprétation d’études parfois financées par ces mêmes entreprises contribuent à brouiller les cartes et à jeter un discrédit global sur les biotechnologies (voir article en page 37).

Le public est amené à s’exprimer sur tout nouvel essai en champ

Les crises de l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), en 1996 et en 2001, au même titre que celle de la dioxine, en 1999, ont sans doute contribué à amplifier la méfiance des consommateurs vis-à-vis du contenu de leur assiette, mais aussi à l’égard de l’expertise scientifique et des autorités réglementaires.

Les autorités françaises ont souhaité jouer la transparence et pallier le manque d’informations des consommateurs vis-à-vis des OGM en renforçant leur communication. Ainsi, une fois l’autorisation accordée, toute expérimentation de culture d’OGM au champ fait l’objet d’une information des citoyens avec, notamment, la mise à disposition d’une fiche d’information en mairie. En 2003, le dispositif a été renforcé, avec l’instauration, pour les essais au champ, d’un nouveau système de consultation du public (voir encadré).

Une consultation a ainsi eu lieu du 14 avril au 5 mai dernier sur la proposition de 17 programmes de recherche. « En réponse à la consultation, 38 038 courriers électroniques ont été reçus. La plupart des réponses (36 759) prennent une position de principe, opposée aux OGM (…), ne répondant pas à la question posée (…). Les 1 279 autres réponses se répartissent en 252 messages favorables, 609 demandes de maintien d’essais confinés, 161 messages défavorables pour des raisons explicitées, mais différentes, 44 avis favorables à certains programmes et défavorables à d’autres, 117 questions et commentaires, et 96 messages blancs, explique le ministère de l’Agriculture sur son site. Aucun message reçu durant cette consultation n’a apporté d’éléments nouveaux qui remettraient en cause l’évaluation conduite sur chaque dossier par la Commission du génie biomoléculaire (CGB). Les avis rendus par cette instance concluent à l’absence de risque dans les conditions prévues par les dossiers examinés. » A défaut de pouvoir influer sur la décision finale, ce fonctionnement a au moins le mérite d’informer le grand public sur les expérimentations à venir.

Les Etats-Unis, l’Argentine et le Brésil sont les poids lourds des cultures d’OGM

Les essais en plein champ sont l’une des pierres de discorde entre détracteurs et partisans des OGM. Les premiers réclament un moratoire sur ces expérimentations, et avancent notamment des arguments environnementaux. En France, la seule espèce cultivée de façon significative est le maïs. Un peu moins de 500 ha de maïs génétiquement modifié ont été cultivés dans l’Hexagone en 2005, selon les déclarations faites sur une base volontaire, alors que les superficies totales de culture de maïs représentent près de 3millions d’hectares. Il s’agit principalement du maïs MON810, qui oppose une résistance à certains insectes. Par ailleurs, des essais sont conduits à des fins de recherche ou de développement. En 2005, ces essais ont couvert 23,19 ha. Ces chiffres sont dérisoires par rapport aux poids lourds des OGM que sont les Etats-Unis, l’Argentine et le Brésil qui ont cultivé l’an dernier respectivement 54,6, 18 et 11,5 millions d’hectares de plantes transgéniques (voir tableau), d’après les données de l’International Service for the Acquisition of Agri-biotech Applications (ISAAA)(4). Le soja continue à être le principal OGM en 2006, occupant 58,6 millions d’hectares (57 % de la superficie mondiale d’OGM), suivi par le maïs (25,2 millions d’hectares, soit 25 %), le coton (13,4 millions d’hectares, soit 13 %) et le colza (4,8 millions d’hectares, soit 5 %). Depuis le début de la commercialisation des plantes génétiquement modifiées, la tolérance aux herbicides a toujours été le principal caractère introduit, suivi par la résistance aux insectes.

La transgenèse a été appliquée pour la première fois en 1973 à un micro-organisme modèle, Escherichia coli. Elle a ensuite été réalisée pour le tabac et chez la souris. La première plante transgénique mise sur le marché fut, en 1994, la tomate Flav Savr, à conservation améliorée, de la firme Calgene (Etats-Unis). Lui ont succédé diverses plantes transgéniques de grande culture, modifiées en vue d’avantages agronomiques. Des bénéfices qui ne semblent pas aujourd’hui reconnus comme tels par la majorité de la population.

Expérimentations encadrées

Depuis 2003, la mise en place d’expérimentations de plantes génétiquement modifiées est soumise à la consultation du public. Quatorze demandes d’autorisation pour la mise en place d’essais ont été déposées et maintenues auprès du ministère de l’Agriculture et de la Pêche en 2007.

Les expérimentations au champ sur des plantes génétiquement modifiées sont strictement réglementées. Elles doivent recevoir une autorisation délivrée par le ministre chargé de l’Agriculture, après l’accord de celui chargé de l’Environnement. Les décisions d’autorisation d’expérimentations d’OGM se fondent notamment sur les avis de la Commission du génie biomoléculaire (CGB) concluant à l’absence de risque pour la santé publique et l’environnement. Elles s’appuient également sur les résultats de l’enquête de terrain préalable conduite par les agents des DRAF/SRPV (directions régionales de l’agriculture et de la forêt/Services régionaux de la protection des végétaux), et sur les opinions exprimées par le public dans le cadre de la consultation organisée sur le site Internet www.ogm.gouv.fr.

Les agents des DRAF/SRPV assurent ainsi l’information des maires des communes concernées par l’implantation des essais. Par ailleurs, toute mise en culture de produits génétiquement modifiés est soumise à des contrôles de surveillance biologique, afin d’identifier tout effet non intentionnel.

J.-P. G.
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