L’interprétation des tests ADN requiert l’œil du spécialiste

Les tests ADN constituent une véritable nouveauté technologique, à présent disponible en médecine vétérinaire. L’appréciation de leur juste place, de leurs défauts, de leurs limites et, au final, de tout ce qu’il est réellement possible d’en attendre, se met en place progressivement. Pourtant, une situation assez ambiguë s’installe aujourd’hui à ce sujet. En effet, aux yeux du grand public et des éleveurs, ces tests sont perçus comme de simples produits commerciaux en raison de leur accessibilité par Internet, mais également de la stupéfiante simplicité de leurs résultats.

Il s’agit pourtant d’outils médicaux complexes qui nécessitent impérativement une interprétation au cas par cas, fournie par un professionnel compétent. La “chose” testée est souvent perçue par les propriétaires comme “l’œil” dans sa totalité, ou bien une structure comme “la rétine”, par exemple. Il convient alors de leur rappeler qu’un test ADN ne dépiste qu’une seule forme, d’une seule affection, pour une seule race.

Pour une même mutation, l’âge d’apparition de l’affection peut différer selon la race

Plusieurs critères doivent moduler ces résultats apparemment si simples et amènent à comprendre pourquoi chaque affection représente un cas particulier. Le premier de ces critères est, bien entendu, le type de transmission de la mutation, autosomique, lié à l’X, récessif, dominant, à pénétrance incomplète, etc. Pourquoi peut-il être intéressant d’effectuer un test si l’anomalie est dominante ? Dans le cas d’une transmission liée à l’X, est-il nécessaire de tester les mâles ? Autant de questions auxquelles seul le spécialiste peut répondre.

Un deuxième critère de modulation concerne le contexte médical particulier à chaque race. Dans certains cas, plusieurs sortes de rétinopathies similaires peuvent exister. Or le test n’en dépiste qu’une. Parfois, l’âge d’apparition de l’affection diffère d’une race à l’autre, alors qu’il peut s’agir de la même mutation. Par exemple, pourquoi certains cockers anglais testés pour la progressive rod cone degeneration-progressive retinal atrophy ne sont jamais aveugles et pourquoi certains bostons terriers testés sains pour la cataracte juvénile en présentent une malgré tout ?

Si les éleveurs et les clubs de race s’engagent vers une utilisation de ces tests en clients directs des laboratoires, la situation va s’aggraver. Quelques-uns commencent déjà à douter de l’honnêteté de certains laboratoires, par manque d’information et d’explications. Par ailleurs, les praticiens risqueraient de ne plus s’intéresser au sujet ou de déplorer son manque d’encadrement scientifique. Par ailleurs, la profession devra fournir les outils nécessaires à l’information de tous les praticiens désireux d’offrir ce service.

• Un recueil d’actualité sur les tests ADN (mis à jour annuellement), rédigé par Philippe Pilorge avec Catherine André de l’UMR, 6061 CNRS Rennes, est disponible auprès de la Société française d’études et de recherches en ophtalmologie vétérinaire (Sferov).