LA PAC IMPOSE LE BIEN-ÊTRE ANIMAL À COUPS DE BÂTON - La Semaine Vétérinaire n° 1259 du 03/03/2007
La Semaine Vétérinaire n° 1259 du 03/03/2007

À la une

Auteur(s) : Jean-Pascal Guillet

2007 est-elle « l’année de tous les dangers pour la viande bovine française », comme l’a titré récemment un journal agricole ? Les négociations de nouveau engagées auprès de l’OMC le laissent craindre. Mais depuis le début de l’année, les éleveurs sont avant tout confrontés à la mise en application du troisième volet de la politique agricole commune (PAC). Des normes de bien-être sont désormais contrôlées, pouvant donner lieu à des pénalités.

Les agriculteurs français tremblent. L’objet de leurs inquiétudes, ce sont les négociations internationales auprès de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), relancées il y a quelques semaines. Le spectre d’une éventuelle baisse des droits de douane à l’importation réapparaît, avec la crainte d’une arrivée massive de produits agricoles à bas prix en provenance de l’étranger et d’une déstabilisation du marché intérieur (voir article en page 35). Pour le moment, Dominique Bussereau, ministre de l’Agriculture, tient bon en défendant fermement le marché français.

Dans ce climat d’incertitude, la troisième phase de la nouvelle politique agricole commune (PAC) fait son apparition. Le bien-être animal entre ainsi en campagne, ou plutôt les contrôles du bien-être. Car, bien entendu, les éleveurs n’ont pas attendu les exigences de la nouvelle PAC pour appliquer des règles de bonne conduite au sein de leur exploitation. Depuis le début de l’année, en effet, les agriculteurs sont tenus de respecter une liste de critères relatifs à la protection animale. Des contrôles assortis de sanctions financières sont prévus. La conditionnalité des aides(1) – l’un des volets de la PAC 2003 (voir encadré en page 34) – est donc désormais pleinement appliquée. Le principe est d’établir un lien entre le versement des aides directes (couplées et découplées) et le respect de certaines exigences en matière d’environnement, de santé publique, de santé des animaux et des végétaux et de bien-être animal. La réglementation relative aux trois premiers aspects est progressivement appliquée depuis 2005.

Les critères de bien-être sont fondés sur le respect de cinq libertés

Tous les exploitants qui élèvent des animaux pour la production d’aliments, de laine, de peau, de fourrure ou à d’autres fins agricoles sont concernés par les règles de bien-être et leur contrôle(2). Les dispositions édictées sont issues de la Convention européenne sur la protection des animaux dans les élevages. Elles s’inspirent des cinq libertés adoptées par un organisme gouvernemental britannique, le Farm Animal Welfare Council :

- ne pas souffrir de faim et de soif : assurer l’accès à de l’eau potable et à une nourriture préservant la pleine santé et la pleine vigueur des animaux ;

- ne pas souffrir de contrainte physique : environnement approprié comportant des abris et une aire de repos confortable ;

- être indemnes de douleurs, de blessures et de maladies : prévention ou traitement rapide ;

- avoir la liberté d’exprimer des comportements normaux : espaces et équipements adéquats, contact avec des animaux de la même espèce ;

- être protégés de la peur et de la détresse : conditions d’élevage et traitements évitant les troubles comportementaux.

Les éléments de contrôle du bien-être laissent une place à la subjectivité

« Les grilles d’anomalies sont élaborées de façon à privilégier une approche d’ensemble des élevages, sans entrer dans le détail des points à vérifier. Cette approche permet d’appréhender globalement les réelles mauvaises pratiques d’élevage », explique le ministère de l’Agriculture, sur son site Internet. Comment, sans trop entrer dans le détail, objectiver au mieux le bien-être animal ? Pour tenter de résoudre cette équation, des listes de points à vérifier sont établies(voir tableau en page 34).

La première concerne tous les élevages, à l’exception des veaux et des porcs, ces deux espèces faisant l’objet de grilles spécifiques. Cinq points sont vérifiés : l’état des bâtiments d’élevage, la prévention des blessures, la santé des animaux, l’alimentation et l’abreuvement, les conditions de vie des animaux placés à l’extérieur. Pour chacun de ces aspects, plusieurs éléments d’appréciation sont définis. Certains laissent une part de subjectivité, ce qui inquiète les éleveurs. La circulation de l’air, sa qualité, le taux de poussières, l’intensité d’éclairement ou l’état des parcours extérieurs font en effet partie des éléments contrôlés. Dans sa notice explicative, le ministère précise ainsi que « la perception d’une odeur d’ammoniac irritante pour les muqueuses sera révélatrice de conditions d’ambiance mal maîtrisées ». Un contrôleur au nez particulièrement fin sera-t-il alors plus sévère que le commun des mortels ?

La réduction des aides (couplées et découplées) versées aux agriculteurs n’intervient que si les anomalies relevées leur sont directement imputables et que leur responsabilité est engagée. Le taux de réduction dépend de la gravité, de la répétition et de l’étendue des erreurs constatées. Elle peut varier de 1 à 5 % du montant total des aides, voire davantage lorsqu’une ou plusieurs anomalies sont considérées comme intentionnelles. Les points attribués aux erreurs constatées sont additionnés et comparés aux seuils fixés dans la grille correspondante, en vue de la détermination de pourcentages de réduction. Les agents des directions départementales des services vétérinaires sont chargés des contrôles.

En cas d’absence d’une seule ordonnance, l’éleveur est pénalisé

En outre, les sanctions relatives aux autres domaines déjà contrôlés se durcissent en 2007. Terminés les simples rappels à la réglementation. Ainsi, l’absence de présentation du compte rendu de la visite sanitaire obligatoire dans les élevages bovins fait l’objet de deux points de pénalité. La présence d’un placard réservé au stockage des médicaments vétérinaires est désormais obligatoire et contrôlée, de même que des lieux de stockage pour les aliments médicamenteux et l’entreposage des aliments. L’année dernière, ne faisait l’objet de pénalités que l’absence totale d’ordonnance, pour tout médicament délivré sur prescription présent dans l’exploitation ou pour tout traitement inscrit sur le registre d’élevage. Aujourd’hui, l’absence d’une seule ordonnance est pénalisée. Le durcissement des sanctions s’applique de même pour les bons de livraison (traitements médicamenteux), les factures (médicaments non soumis à prescription), ainsi que les bons de livraison, factures ou étiquettes des aliments. Une anomalie est notée dès le premier document manquant !

Mais alors que les éleveurs risquent de voir se multiplier les contrôles et les pénalités, la PAC pourrait également être mise à l’amende. En effet, Mariann Fischer Boel, la commissaire européenne à l’Agriculture, souhaite faire un bilan de santé de la réforme agricole signée en 2003. Elle n’exclut pas de réaliser une révision de certaines mesures à mi-parcours, c’est-à-dire l’an prochain. Une affaire à suivre…

  • (1) Toutes les fiches techniques « conditionnalité 2007 » sont consultables sur le site du ministère de l’Agriculture.

  • (2) Ces mesures sont fondées sur la directive 98/58/CE du 20/7/1998.

Principes de la PAC 2003

L’accord de Luxembourg sur la réforme de la politique agricole commune (PAC), signé le 26 juin 2003, instaure le découplage des aides versées aux agriculteurs.

Un paiement unique, calculé sur une base historique, remplace la plupart des primes accordées par le passé. Chaque agriculteur dispose d’un droit à paiement unique (DPU) par hectare. Pour le moment, une partie des aides reste liée à la production. La France a choisi de garder un couplage de 50 % pour les primes à la brebis et à la chèvre et pour les primes supplémentaires, de 100 % pour la prime au maintien du troupeau de vache allaitante, de 40 % pour la prime à l’abattage (PAB), de 100 % pour la PAB des veaux et de 25 % pour les primes aux surfaces (céréales, oléagineux, protéagineux). Les aides directes à l’hectare pour le blé dur demeurent couplées à 40 %. Par ailleurs, une partie des primes est réorientée en faveur du développement rural (notion de modulation).

En outre, la PAC 2003 introduit le principe de la conditionnalité des aides. Leur versement est soumis au respect d’exigences en matière d’environnement, de santé publique, de santé des animaux et des végétaux et de bien-être animal.

J.-P. G.
Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr