Une seule stratégie de lutte contre Neospora caninum se révèle acceptable - La Semaine Vétérinaire n° 1258 du 24/02/2007
La Semaine Vétérinaire n° 1258 du 24/02/2007

Etudes suisses sur la néosporose

Formation continue

RURALE

Auteur(s) : Catherine Bertin-Cavarait

L’arrêt de la mise à la reproduction des femelles nées de mères séropositives répond aux critères épidémiologiques, financiers, psychologiques et sociaux requis.

Deux modalités de contamination des bovins par Neospora caninum sont reconnues : une transmission endogène ou verticale via les lignées de vaches Neospora-positives existant dans un élevage et l’introduction d’animaux Neospora-positifs, et une transmission exogène ou horizontale. Lors du premier symposium international bovin organisé par Bayer dans le cadre du congrès mondial de buiatrie, en octobre dernier, le professeur Bruno Gottstein, de l’institut de parasitologie de la faculté de médecine vétérinaire de l’université de Bern (Suisse), a présenté les résultats de la simulation de l’impact de quatre stratégies de contrôle de la transmission verticale de la néosporose en Suisse. Dans le contexte épidémiologique de ce pays, 90 % des contaminations sont verticales et 10 % horizontales. La séroprévalence du troupeau bovin laitier suisse, qui est restée stable durant les trente dernières années, atteint 12 %. Les quatre stratégies étudiées sont l’abattage des animaux infectés (modèle 2), l’arrêt de la mise à la reproduction des vaches infectées (modèle 3), le traitement des veaux nés de vaches séropositives (modèle 4) et, enfin, la vaccination des bovins sensibles et infectés (modèle 5)(1). La simulation couvre une période de vingt-cinq ans.

Pour chaque stratégie de contrôle, plusieurs scénarios ont fait l’objet d’une modélisation. Pour chacun de ces derniers, plusieurs subscénarios ont donné lieu à une simulation technique et financière (voir tableau 1).

La population étudiée par l’équipe de Bruno Gottstein est constituée de 1 163 962 vaches suisses de races simmental, brune, holstein pie noire, holstein pie rouge et montbéliarde. Dans le modèle, elles sont réparties en deux classes, les animaux sensibles et les animaux infectés, selon leur séropositivité. Le test utilisé pour établir la séropositivité des animaux est l’Elisa, employé par le laboratoire de référence suisse pour la néosporose. Sa sensibilité est de 96 %. En outre, la population étudiée est divisée en douze classes d’âge (de moins d’un an, d’un an à moins de deux ans, jusqu’à plus de onze ans). Les vaches âgées de trois ans et plus sont qualifiées de « matures », c'est-à-dire aptes à être utilisées pour la reproduction.

Des prévalences de 0,8 et 1,3 % lors de l’arrêt de la reproduction des vaches infectées

Aucun des scénarios fondés sur l’abattage des vaches séropositives (modèle 2) n’aboutit à une prévalence nulle, mais à un seuil compris entre 0,13 et 0,7 %. La prévalence simulée la plus faible à l’issue de la période de vingt-cinq ans est atteinte avec le subscénario 2ai. Dans ce cas, la séroprévalence baisse rapidement, passant de 12 % jusqu’à moins de 1 % à la fin de la première année. Au bout de quatre ans, la prévalence atteint un équilibre égal à 0,13 % (voir courbes 1). Avec le scénario 2aii, la même diminution de la séroprévalence est calculée la première année. Un palier est atteint après dix-huit ans de contrôle, la prévalence calculée s’élevant à 0,67 % (voir courbes 1).

La simulation de l’abattage des animaux séropositifs dépistés selon une classe d’âge déterminée, c’est-à-dire les scénarios 2bi et 2bii, fait apparaître une diminution de la séroprévalence jusqu’à respectivement 3,3 % (2bi) et 1 % (2bii) dans un premier temps, qui atteint un équilibre, respectivement à 0,23 % et 0,52 %.

Un contrôle de la transmission verticale fondée sur l’abattage des vaches séropositives et qui ont avorté se révèle inefficace (2c et 2d).

L’impact de la stratégie d’arrêt de la mise à la reproduction des femelles nées de vaches séropositives (modèle 3) est plus faible que celui de la stratégie d’abattage des animaux séropositifs. Néanmoins, à l’issue de vingt-cinq ans, la prévalence de l’infection de la population estréduiteàun niveau comparable. Aucune différence majeure n’est notée entre les subscénarios 3ai et 3aii, qui permettent d’atteindre une prévalence respectivement égale à 0,8 % et à 1,3% (voir courbes 2) après vingt-deux années de contrôle. Les stratégiesde l’arrêt de la mise à la reproduction des animaux issus des vaches séropositives qui ont avorté, soit les subscénarios3b et 3c,ne réduisent que de façon mineure la prévalence des vaches infectées, puisque les niveaux atteints après vingt-cinq années de contrôle sont respectivement de 8,7 % et de 11,7 %.

Le traitement des veaux nés de mères séropositives avec un médicament ayant une efficacité estimée de 60 % entraîne une réduction moins rapide de la prévalence de l’infection de Neospora caninum comparativement aux deux stratégies précédentes (voir courbes 3). La prévalence chuterait à 2 % après une période de treize années de contrôle dans le cas d’un traitement médicamenteux ayant une efficacité de 80 %.

La vaccination de toute la population se révèle particulièrement efficace. La prévalence décroît rapidement de 12 à 2 % les trois premières années, puis progressivement de 0,2 % par an au cours des vingt-cinq années suivantes (voir courbes 3). Néanmoins, l’efficacité des vaccins actuellement disponibles est controversée au sein de la communauté scientifique. Bien que non modélisé, un outil de contrôle qui combine plusieurs stratégies est envisageable. Néanmoins, un programme fondé sur l’abattage des vaches séropositives et la non-mise à la reproduction des descendants des vaches séropositives aurait un impact considérable sur la structure et la diversité génétique de la population. La vaccination et le traitement médical ont pour intérêt d’éviter ce type de dommages.

L’analyse financière valide deux stratégies de lutte contre Neospora caninum

L’une des limites majeures du modèle étudié est le manque de données concernant le processus de contamination horizontal. A ce titre, une étude suisse récente a apporté des informations relatives au rôle potentiel des chiens dans la contamination des bovins qui, a priori, serait faible(2). L’intérêt économique de chaque scénario a été analysé au regard du coût estimé des pertes annuelles dues à Neospora caninum en Suisse, soit 9,7 millions d’euros (voir tableau 2).

Pour cela, deux indicateurs ont été utilisés, le ratio bénéfice-coût (BCR) et la valeur nette positive (NPV). Le BCR est calculé en divisant le total des bénéfices enregistrés par le total des coûts enregistrés. La NPV est la valeur des bénéfices escomptés moins les coûts escomptés pour la période. Un projet est considéré comme viable lorsque le BCR est supérieur ou égal à 1 et que la NVP est positive. L’analyse financière montre un ratio bénéfice-coût (BCR) supérieur à 1 et une valeur nette positive (NPV) pour deux stratégies. Il s’agit de l’arrêt de la mise à la reproduction des femelles nées de vaches séropositives et du traitement médicamenteux de tous les descendants femelles (voir tableau 3).

Toutes les stratégies qui nécessitent la mise en œuvre d’un contrôle sérologique annuel de tout le cheptel bovin suisse sont particulièrement coûteuses, donc anti-économqiues. Du point de vue épidémiologique, la modélisation n’a pas montré de différences majeures entre les stratégies de contrôle fondées sur un dépistage annuel de tous les animaux (i) et le dépistage de tous les animaux la première année suivi du dépistage d’une partie de la population bovine les vingt-quatre années suivantes (ii). En termes financiers, les subscénarios 2aii, 2bii, 3aii et 4aii présentent des BCR et des NPV supérieurs à ceux des subscénarios 2ai, 2bi, 3ai et 4ai. L’optimisation de l’échantillon des animaux à soumettre à un dépistage nécessite une meilleure connaissance des processus de transmission horizontale.

Bien que particulièrement efficace au niveau épidémiologique, la stratégie qui consiste à abattre tous les bovins séropositifs n’est pas économique. Outre le fait qu’elle ne serait probablement acceptée ni par les éleveurs ni par les consommateurs, cette méthode de lutte déstabiliserait le marché de la viande bovine. En raison de coûts supérieurs aux bénéfices, la stratégie vaccinale n’est pas non plus retenue comme un moyen de lutte.

La mise en œuvre d’un traitement médicamenteux nécessiterait une meilleure connaissance de l’efficacité du médicament, du protocole de traitement et de son innocuité. A l’heure des politiques de réduction des traitements médicamenteux en élevage, cette prophylaxie nécessiterait d’être expliquée aux consommateurs, aux producteurs et aux vétérinaires. Actuellement, la meilleure stratégie envisageable est donc l’arrêt de la mise à la reproduction des animaux issus des vaches séropositives.

  • (1) Le modèle 1 correspond à l’absence de stratégie de lutte.

  • (2) Voir La Semaine Vétérinaire n° 1249 du 16/12/2007, pp. 34-36.

BIBLIOGRAPHIE

  • • B. Häsler :« Simulating the impact of four control strategies on the population dynamics of Neospora caninum infection in Swiss dairy cattle », Preventive Veterinary Medicine, 2006, vol. 77, n° 3-4, 2006.
  • • B. Häsler et coll. : « Financial analysis of various strategies for the control of Neospora caninum in dairy cattle in Switzerland », Preventive Veterinary Medicine, 2006, vol. 77, n° 3-4, pp. 230-253.
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