Charte des maladies oculaires : le premier bilan est positif - La Semaine Vétérinaire n° 1255 du 03/02/2007
La Semaine Vétérinaire n° 1255 du 03/02/2007

Elevage canin. Dépistage des affections héréditaires

Actualité

Auteur(s) : Marine Neveux

Le nouveau dispositif de dépistage a été initié voici cinq ans, avec la mise en place d’une charte et d’un site Internet qui sert d’outil de travail pour les confrères adhérents.

La première journée de travail et de réflexion sur les maladies héréditaires oculaires canines (MHOC) a eu lieu le 29 janvier dernier à Maisons-Alfort, à l’initiative du professeur Bernard Clerc. Elle a permis de réunir tous les acteurs concernés : confrères, responsable du laboratoire Antagène et représentants de clubs de race et de la Société centrale canine (SCC). Chacun a ainsi pu exposer son approche.

Cette réunion a également permis de débattre de plusieurs questions soulevées par les praticiens et de discuter du site dédié à l’application de la charte pour le dépistage des maladies héréditaires oculaires(1). Notre confrère Gérard Faure, webmaster du site, a également pu recueillir les réactions de terrain concernant ce système, unique en Europe.

En 2006, cinquante-quatre vétérinaires étaient signataires de la charte relative au dépistage des MHOC ! Un chiffre à comparer aux cent trente-huit vétérinaires agréés pour le dépistage et reconnus par la SCC selon “l’ancien système”. Parmi ces derniers, cent quatorze avaient envoyé au moins un certificat “MHOC” à la SCC en sept ans… Et, pour pousser plus loin la comparaison, quarante-trois praticiens avaient expédié un ou deux certificats sur la même période.

Les dispositions instaurées s’inscrivent dans une démarche qualité

Le chiffre des cinquante-quatre vétérinaires signataires de la charte paraît donc assez cohérent. La liste est en outre évolutive, ce qui explique notamment qu’il soit impossible de l’imprimer pour la fournir aux clubs de race qui en font la demande. Ces derniers ont seulement la possibilité de la consulter sur le site où elle est mise à jour à chaque modification. Cette charte d’engagement a été lancée voici cinq ans. L’adhésion nécessite de passer un examen (dont la première session a eu lieu en 2005), ce qui a suscité de vives réactions de la part de certains confères au début de la mise en place du dispositif et lors de l’examen, quelque peu animé. Les tests relatifs aux maladies oculaires héréditaires sont en effet effectués par des confrères habilités. L’instauration du système de la charte avait notamment pour objectif d’offrir une meilleure traçabilité de certains propriétaires de chiens, qui tentaient de passer d’un vétérinaire à l’autre jusqu’à espérer obtenir un résultat “indemne”. Les dispositions mises en œuvre s’inscrivent donc dans une démarche qualité. La réunion du 29 janvier a toutefois aussi permis de souligner la collaboration efficace qui lie la plupart du temps éleveurs et vétérinaires et se construit au fur et à mesure des années.

André Varlet, de la SCC, a par ailleurs resitué l’intérêt des dépistages des maladies oculaires héréditaires dans le cadre des objectifs de sélection. Il a évoqué la possibilité, dans le futur, d’intégrer aux pedigrees les données recueillies. Il a aussi abordé la spécificité des races canines et la nécessité de prendre en considération des éléments comme l’effectif (faible ou important) d’un cheptel et le nombre de reproducteurs à disposition, qui conditionne la pression de sélection. Il a conclu par une mise en garde, soulignant que la volonté de supprimer certaines maladies oculaires héréditaires ne devait pas « favoriser l’émergence de nouvelles ».

Les techniques actuelles sont au service du dépistage

La biologie moléculaire se développe dans le cadre des maladies oculaires, afin de rechercher les gènes responsables. « Neuf tests génétiques sont actuellement proposés par notre laboratoire pour dépister différentes maladies oculaires », a ainsi expliqué Guillaume Queney, du laboratoire Antagène. « Le test génétique et l’examen clinique sont des outils complémentaires », a-t-il poursuivi.

L’intérêt de la gonioscopie dans le dépistage des glaucomes primaires et ses aspects techniques ont été abordés par Patrick Lazard et Sabine Chahory, vétérinaires. « Notre volonté est d’établir des arbres généalogiques et de définir la prévalence de l’affection dans une race, a expliqué Sabine Chahory. Cela nous permettra de conseiller les propriétaires selon la race de leur animal. En outre, la stratégie peut être différente selon cette dernière. »

Gilles Chaudieu a pour sa part développé les similitudes et les différences entre l’anomalie de l’œil du colley et les anomalies de l’œil du chien à robe merle.

Une problématique à intégrer dans les politiques de sélection des clubs

Les politiques de sélection menées par les clubs de race contrastent parfois. Le dépistage des maladies héréditaires peut se heurter aux réticences des éleveurs.

Jean-Paul Kérihuel, président du club du colley et trésorier de la SCC, en a donné un exemple. Le comité du club des amis du colley a en effet demandé la suppression du dépistage obligatoire des maladies oculaires héréditaires pour les cotations 2, 3 et 4 points des grilles de sélection, tout en le conservant pour l’homologation des titres de champion.

Les tarifs pratiqués sont également mentionnés par certains cynophiles comme un frein au dépistage. « Il existe un problème de perception des prix par rapport à nos compétences, à notre service, à notre plateau technique », a en effet déploré un confrère.

Mais tout n’est pas négatif. Ainsi, Corinne De Brouwer, responsable de la commission élevage de l’association du berger de Brie, a souligné la prise en compte des maladies héréditaires oculaires depuis la création de l’association, en 1988. En outre, « depuis 2003, nous avons intégré dans notre grille de cotation le test génétique relatif à la cécité nocturne du briard (CNSB) ».

Le club français du mastiff et du bullmastiff est le seul club de race où la validation de la confirmation des chiens est subordonnée à un certificat vétérinaire validant l’absence de persistance de membrane pupillaire. Anne-Marie Class, présidente du club, a en outre expliqué que l’intérêt en matière de maladies oculaires héréditaires était que « tout le cheptel soit dépisté, et pas seulement l’élite ». En outre, elle a souligné, comme d’autres intervenants, la nécessité d’intervenir en amont et de façon précoce pour éviter que l’affection se répande lorsqu’une maladie héréditaire est suspectée. La présidente du club de l’alaskan malamute, Pary Dauvet, a pour sa part relaté les actions de sensibilisation menées, notamment lors des épreuves nationales d’élevage. « Nous voudrions que la recherche des affections oculaires devienne un automatisme, comme cela l’est pour la dysplasie. »

A l’occasion de cette rencontre, les praticiens ont par ailleurs pu aborder toutes les questions relatives au fonctionnement de la charte et du site Internet. Le nombre de praticiens ayant effectué des dépistages en épreuve nationale d’élevage (ENE) a notamment fait l’objet d’un débat. « Cette présence en ENE est nécessaire. Cela permet d’une part l’établissement d’un contact avec les éleveurs, et s’inscrit d’autre part dans un objectif de formation des jeunes confrères », a estimé Patrick Lazard.

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