Les éleveurs en agriculture “bio” misent plus sur la prévention - La Semaine Vétérinaire n° 1254 du 27/01/2007
La Semaine Vétérinaire n° 1254 du 27/01/2007

Gestion du parasitisme des troupeaux bovins allaitants

Formation continue

RURALE

Auteur(s) : Claire Gaillard*, Florence Cauhopé**, Christian Mage***

Fonctions :
*(Enesad)
**(Enesad)

Les frais vétérinaires des élevages conventionnels sont plus de deux fois supérieurs à ceux des élevages “bios”.

La maîtrise du parasitisme constitue un point essentiel de la gestion de la santé d’un élevage bovin allaitant. Elle repose sur l’emploi régulier de traitements antiparasitaires, mais aussi, et de manière croissante, sur la mise en œuvre de pratiques préventives. Ainsi, l’utilisation raisonnée des pâturages, le recours à des médecines alternatives, particulièrement la phytothérapie ou l’aromathérapie sont le fait d’éleveurs biologiques, contraints par leur cahier des charges à limiter le recours aux produits chimiques. Depuis peu, il semble que de telles pratiques soient également retenues par des éleveurs conventionnels soucieux de ménager l’immunité de leurs animaux et de préserver l’efficacité des anthelminthiques. L’étude, menée dans sept élevages allaitants biologiques et dans sept autres conventionnels, vise à faire l’inventaire des pratiques médicamenteuses, et à les situer dans le fonctionnement du système d’élevage, puis à mener une approche comparative des pratiques sanitaires entre ces élevages biologiques et conventionnels.

L’échantillon est constitué de quatorze exploitations au sein de deux listes d’adhérents du groupement de producteurs bovins Bourgogne élevage : une liste d’éleveurs biologiques et une liste d’éleveurs conventionnels choisis en raison de leur intérêt pour la question du parasitisme.

L’allopathie prime chez le “conventionnel” et la phytothérapie/homéo chez le “bio”

Les exploitations de l’enquête sont de grande dimension (voir tableau) avec une superficie supérieure à la moyenne des élevages bovins-viande du Rica(1), région Bourgogne (184 ha SAU(2) pour l’échantillon versus 111 ha). Il y a cependant une grande diversité : le ratio SAU/UTH(3) varie du simple au double, tant pour les élevages biologiques que conventionnels, ces derniers ayant les structures les plus importantes. L’effectif moyen des troupeaux est un peu inférieur à la référence Rica précitée (55 vaches allaitantes contre 65,5), mais révèle une grande hétérogénéité, les effectifs d’animaux dans les troupeaux biologiques étant nettement inférieurs à ceux des troupeaux conventionnels (42 contre 90 vaches allaitantes). Dans toutes les exploitations, les femelles sont engraissées, qu’il s’agisse des vaches de réforme ou des génisses de boucherie. En revanche, les pratiques diffèrent en ce qui concerne le devenir des mâles. Quatre exploitations engraissent tous les mâles (une en bœufs, trois en taurillons de dix-huit mois). Les autres les vendent en broutards soit au sevrage (quatre), soit repoussés de deux mois (quatre). Deux éleveurs vendent des broutards et un lot de mâles engraissés en bœufs ou taurillons.

Lorsque les mâles sont engraissés, ils le sont en bœufs chez les éleveurs “bio” et en taurillons chez les conventionnels. L’engraissement repose sur l’herbe et le foin complété de céréales pour les éleveurs biologiques et deux “conventionnels”,sur l’herbe en saison de pâturage et l’ensilage de maïs complété de foin, céréales et tourteaux pour quatre éleveurs conventionnels. Le suivi du veau donne lieu à de nombreuses interventions, depuis l’accompagnement du vêlage jusqu’à la mise à l’herbe. La différence entre éleveurs biologiques et conventionnels se manifeste surtout dans les pratiques médicamenteuses et notamment, pour les conventionnels, dans le recours aux vaccinations contre la grippe, l’entérotoxémie et pour la moitié d’entre eux contre les diarrhées néonatales. Le traitement des affections (omphalites, diarrhées, coccidiose) se fait par allopathie pour les éleveurs conventionnels et un éleveur biologique, par homéopathie et phytothérapie pour les autres éleveurs biologiques. Toutefois, certains conventionnels s’intéressent à l’utilisation d’huiles essentielles et à la phytothérapie pour traiter les diarrhées néonatales.

Profil 1 : gestion raisonnée du pâturage et recours aux compléments phytothérapiques

Le recensement des pratiques de gestion du parasitisme dans chaque exploitation a conduit à distinguer différents profils d’éleveurs.

Huit éleveurs, dont sept biologiques, font partie du profil 1. Ils privilégient la prévention et ne procèdent jamais à un déparasitage chimique systématique. Le recours aux substances chimiques antiparasitaires se fait au cas par cas lors de surinfestation. La prévention repose, pour la moitié d’entre eux, sur une gestion raisonnée du pâturage, alliant un faible chargement à l’hectare (entre 0,8 et 1,1 UGB(4) /ha) et un pâturage sur les repousses des parcelles fanées et sur la mise à disposition systématique de bassines “déparasitantes” à base de plantes pour toutes les catégories d’animaux au pâturage. Pour les autres, la prévention passe par une rotation des parcelles, avec une durée maximale de quatre semaines. Les repousses des parcelles fauchées permettent un déchargement des pâtures soit de vaches allaitantes, soit de génisses. Ces éleveurs ont également recours aux compléments phytothérapiques, selon des modalités différentes des précédents puisqu’une cure déparasitante est pratiquée à la rentrée des animaux, en début d’hiver.

Ces huit éleveurs veillent à ne pas mélanger les catégories d’animaux au pâturage et à ne pas affecter leurs génisses âgées d’un ou deux ans à des parcelles qui ont été pâturées par des adultes, afin de construire progressivement leur immunité. Les zones humides sont généralement fauchées et, lorsqu’elles sont pâturées, le chargement animal y est faible (0,5 UGB/ha). Enfin, six éleveurs sur huit font des coprologies pour contrôler l’infestation : trois de façon systématique sur un lot d’animaux, trois au cas par cas, à partir de signaux observés sur l’animal (souillures, essoufflement, mauvais poil). L’infestation diagnostiquée par des strongles ou de la petite douve est généralement traitée par allopathie. La présence de paramphistomes entraîne l’utilisation d’huiles essentielles, de compléments phytothérapiques. De même, les coccidies sont traitées par des méthodes alternatives : homéopathie, aromathérapie, mais aussi par un mélange d’argile et de vinaigre de cidre.

Profil 2 : une sécurité garantie par des traitements systématiques

Les six éleveurs qui répondent à ce profil gèrent le parasitisme à travers des traitements allopathiques systématiques, pour toutes les catégories animales. Ils pratiquent un pâturage majoritairement continu (quatre/six) et intensif (deux vaches/ha), mais jamais limitant. La mise à disposition des repousses de parcelles fanées permet un déchargement des lots de vaches et d’éventuels déficits fourragers sont toujours compensés par une complémentation de foin ou de paille pour les vaches. Enfin, les veaux reçoivent systématiquement une complémentation concentrée au pré, mélange de céréales et d’un concentré azoté.

En ce qui concerne les pratiques sanitaires, ce groupe d’éleveurs peut toutefois être divisé en deux, selon l’intensité des traitements appliqués : Le sous-groupe “la sécurité maximale” constitué de trois éleveurs conventionnels est caractérisé par :

- au moins deux déparasitages systématiques contre les strongles, des veaux sous la mère, avant la mise à l’herbe et au sevrage ;

- l’administration d’un bolus à la mise à l’herbe pour les génisses âgées d’un ou deux ans ;

- un traitement antiparasitaire pour les génisses de deux ans et les animaux à l’engrais contre les strongles ;

- les vaches sont traitées à la rentrée à l’étable contre les strongles, la grande douve et les paramphistomes.

Pour le pâturage, le chargement instantané est élevé (plus de deux vaches à l’hectare). Lors de déficit fourrager, les animaux sont complémentés. Le sous-groupe “la sécurité raisonnée” est constitué de deux éleveurs conventionnels et d’un éleveur biologique et se distingue par un déparasitage systématique des veaux au sevrage ; des génisses âgées d’un ou deux ans, des génisses entre deux et trois ans et des animaux à l’engrais à la rentrée en étable. Les éleveurs conventionnels effectuent un traitement supplémentaire chez les génisses de dix-huit mois lors de leur mise à l’herbe. En outre, le traitement des vaches est fait au cas par cas selon les résultats d’analyses coprologiques.

Il n’y a pas de pâturage tournant, mais un contrôle strict du chargement et de la hauteur de pâturage pour éviter la consommation de la base de l’herbe, toujours plus contaminée.

Les compléments alimentaires des élevages “bios” représentent un coût important

Le recensement des frais vétérinaires de l’ensemble des élevages indique une charge pour les éleveurs conventionnels (60 €/UGB) plus de deux fois supérieure à celle des éleveurs biologiques (24 €/UGB). Ces chiffres sont comparables aux références établies (troupeaux Inra : 53 € conventionnel/32 € bio), pôle biologique Massif Central (25 €/UGB : Veysset, communication personnelle). Cependant, la prise en compte des compléments alimentaires, à visée thérapeutique ou pour renforcer l’immunité des animaux, indique des frais importants de 40 à 150 € par UGB selon les élevages de notre échantillon, avec une moyenne de 76 € pour le groupe des éleveurs biologiques utilisateurs. Dans ce cas, l’économie réalisée par ces éleveurs sur le poste des frais vétérinaires est plus que compensée par les compléments alimentaires. Cette observation interroge et conduit à l’intérêt de mieux encadrer l’emploi de compléments à vocation antiparasitaire vendus dans un cadre d’abord commercial et qui peuvent contribuer à une forte hausse du coût de production.

L’observation des pratiques médicamenteuses d’éleveurs allaitants biologiques et conventionnels conduit à les distinguer clairement sur la mise en œuvre d’une prévention. Les troupeaux biologiques ont globalement moins de troubles de santé que les conventionnels, sous réserve d’enregistrements fiables dans les carnets sanitaires recensés.

Les éleveurs biologiques ont des pratiques préventives dans la gestion du pâturage, notamment par le maintien d’une densité animale plus faible. Ils ont recours aux traitements allopathiques, surtout antiparasitaires, dans la limite du cahier des charges et de façon raisonnée. Les éleveurs conventionnels adoptent une démarche de traitement systématique et ont rarement recours aux traitements alternatifs, à moins que leur efficacité soit établie. Ils se déclarent toutefois intéressés par la prévention, étant donné l’apparition de résistances aux anthelminthiques et le coût croissant du poste santé lié à l’augmentation de leurs troupeaux.

  • (1) RICA : Réseau d’information comptable agricole.

  • (2) SAU : surface agricole utile.

  • (3) UHT : unité de travailleur humain.

  • (4) UGB : unité gros bétail.

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