Les aides à la surveillance de l’anesthésie se développent en médecine vétérinaire - La Semaine Vétérinaire n° 1254 du 27/01/2007
La Semaine Vétérinaire n° 1254 du 27/01/2007

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Auteur(s) : Raphaële Dupré

La surveillance lors de l’anesthésie a pour but de déterminer sa profondeur et la réponse physiologique de l’animal à cet état. Pour l’assurer, un plateau technique minimal mérite d’être prévu.

Lors de l’anesthésie d’un animal, il convient de pouvoir répondre immédiatement à tout problème qui survient et d’être en mesure d’adapter la profondeur de l’état anesthésique à chaque cas. Le praticien doit également être capable, à tout moment, d’assurer la perméabilité des voies respiratoires supérieures et d’administrer de l’oxygène. Il est nécessaire qu’une ventilation à pression positive intermittente puisse être mise en place dans l’instant, de même qu’une réanimation cardiorespiratoire, et l’administration de produits à effet immédiat requiert une voie veineuse accessible. Ces différentes exigences aboutissent à la conclusion que tout animal anesthésié peut être intubé et qu’un cathéter doit être posé. Un plateau technique minimal est à prévoir pour toute anesthésie et sa surveillance est indispensable. Elle a pour but de déterminer la profondeur de celle-ci et la réponse physiologique de l’animal à cet état.

Il convient de contrôler la cascade d’événements induits par l’acte douloureux

Selon la définition de Woodbridge, l’anesthésie générale résulte de quatre composantes : une perte de conscience, une analgésie, une relaxation musculaire et une abolition des réflexes autonomes entraînés par la chirurgie. Plus récemment, Prys-Roberts a décrit la cascade d’événements induite par l’acte chirurgical. Une stimulation nuisible (la chirurgie) entraîne tout d’abord une réponse somatique sensitive : la perception consciente du stimulus, c’est-à-dire la douleur, puis une réponse somatique motrice, le mouvement. Ensuite, une série de réponses qui relèvent du système nerveux autonome apparaît : réponses respiratoires, hémodynamique avec modification de la pression sanguine et/ou de la fréquence cardiaque, réponse sudomotrice (chez l’homme) et, enfin, réponse humorale. La surveillance de l’anesthésie s’applique à contrôler cette cascade d’événements induits par l’acte douloureux et qui doivent être modérés, voire abolis, grâce à l’anesthésie.

Celle-ci implique en premier lieu un examen clinique de l’animal : examen des muqueuses, temps de remplissage capillaire, des réflexes palpébraux, de la position de l’œil, de l’humidité de la cornée, du pouls sublingual ou fémoral, du tonus de la mâchoire, de la cage thoracique et, éventuellement, du ballon du circuit d’anesthésie et du ventilateur. Lorsque cette surveillance clinique ne peut être assurée, en raison de la chirurgie elle-même (localisation) ou lorsque le praticien opère seul, une surveillance technique devient alors indispensable. Elle complète de manière efficace la surveillance clinique dans tous les cas.

Le stéthoscope œsophagien permet de surveiller les battements cardiaques

En médecine humaine, les anesthésistes s’aident depuis longtemps de différents moyens techniques pour surveiller leurs patients. Les différents appareils disponibles sont de plus en plus développés pour la médecine vétérinaire.

En premier lieu, le stéthoscope œsophagien permet de surveiller les battements cardiaques et l’activité respiratoire sans être obligé de manipuler l’animal, donc sans gêne pour le chirurgien. Ce stéthoscope est conçu pour être placé dans l’œsophage. Il est introduit, une fois lubrifié, au niveau du pharynx, dorsalement par rapport à la sonde endotrachéale, puis poussé jusqu’à l’œsophage. Sa mise en place est facile, son utilisation est simple et il est en outre bon marché (environ 300 €).

Pendant l’anesthésie, l’électrocardiogramme détecte les troubles du rythme

Tout aussi simple d’utilisation, l’électrocardiogramme mesure directement l’activité électrique du muscle cardiaque. Pendant l’anesthésie, il sert principalement à surveiller les variations du rythme cardiaque et à détecter les troubles du rythme ou une ischémie myocardique (analyse de l’intervalle S-T). Il faut toutefois garder à l’esprit qu’il ne renseigne pas sur l’activité fonctionnelle mécanique du cœur. Dans le cas extrême d’une dissociation mécano-électrique notamment, l’électrocardiogramme est normal, mais l’activité hémodynamique est nulle. La mesure de la fréquence cardiaque, fondée uniquement sur l’activité électrique du cœur, est utile, mais ne suffit donc pas. Ne tenir compte que de celle-ci lors de la surveillance de l’anesthésie peut être dangereux.

Le détecteur d’apnée est un autre moyen simple et efficace d’aider le chirurgien à surveiller l’anesthésie de l’animal. Une résistance placée entre la sonde trachéale et le circuit respiratoire détecte les variations de température engendrées par le mouvement respiratoire. Il permet ainsi de surveiller le temps écoulé entre deux respirations ou la fréquence respiratoire, et un système d’alarme se déclenche après un temps d’apnée prédéfini (il est vendu aux alentours de 300 €).

Le thermomètre et le tensiomètre sont des moyens simples de surveillance

Un simple thermomètre suffit à surveiller la température corporelle d’un animal anesthésié et à détecter une éventuelle hypothermie préjudiciable à son état général. Pour simplifier cette surveillance, il existe des sondes à placer en position rectale ou œsophagienne, spécialement conçues pour la surveillance de l’anesthésie.

Enfin, parmi les moyens simples de surveillance anesthésique, la mesure de la pression sanguine est facile grâce aux appareils de tensiométrie vétérinaires. Avec les méthodes Doppler ou oscillo-étriques, les mesures chez un animal anesthésié sont équivalentes. Investir dans un appareil de tensiométrie qui dispose d’une fonction “monitoring” prend ici toute son importance puisque l’appareil pourra avantageusement servir pour la surveillance anesthésique en dehors de son application pour le diagnostic de l’hypertension artérielle.

La capnométrie et l’oxymétrie pulsée préviennent la majorité des complications

Introduites plus récemment, la capnométrie et l’oxymétrie pulsée nécessitent des appareils spécifiques (de 1 500 à 6 000 € environ selon le nombre de paramètres étudiés). Les deux techniques utilisées ensemble permettent de prévenir la majorité des complications et, ainsi, d’augmenter la sécurité des anesthésies.

La capnométrie est la mesure de la concentration de CO2 au niveau des voies respiratoires. La représentation graphique de la concentration de CO2 d’après le temps est la capnographie. Les appareils utilisés en “monitoring” sont fondés sur l’absorption par le gaz d’un rayonnement lumineux infrarouge (le capteur est en général placé sur la langue). A l’expiration, le taux de CO2 mesuré est dépendant de sa production tissulaire dans le cadre du métabolisme tissulaire, de son transport vers les poumons par le système cardio-vasculaire et de son élimination par le système respiratoire. La surveillance du taux de CO2 expiré (qui doit être inférieur à 42 Torr) est donc la surveillance métabolique, cardio-vasculaire et respiratoire. La mesure du taux de CO2 inspiratoire renseigne, elle, sur le bon fonctionnement du circuit de l’appareil d’anesthésie gazeuse (le CO2 inspiratoire doit être nul).

En ce qui concerne la capnographie, la morphologie de la courbe peut varier selon plusieurs facteurs : une gêne à l’expiration entraîne un aplatissement de la pente du capnogramme, une fuite dans le circuit de l’appareil d’anesthésie occasionne une absence de plateau… La capnographie permet donc de détecter certains problèmes. Elle offre en outre une aide appréciable lors de la mise en place d’une ventilation à pression positive intermittente : le taux de CO2 en fin d’expiration est un bon reflet de la pression artérielle en CO2 lorsque le rapport ventilation-perfusion pulmonaire n’est pas altéré (ce qui est le cas la plupart du temps lors d’anesthésie des carnivores domestiques). Deux types de capnographes existent, suivant que l’analyse du taux de CO2 est réalisée in situ (mainstream) ou dans l’appareil après l’aspiration d’un échantillon de 50 à 200 ml/min (sidestream). Chez les animaux de petite taille et donc de faible volume courant et de fréquence respiratoire élevée, la technologie mainstream est indispensable. De manière générale, la capnographie constitue donc un excellent système d’alarme qui permet de détecter précocement les problèmes peropératoires.

L’oxymétrie pulsée calcule la saturation de l’hémoglobine en O2

L’oxymétrie pulsée, quant à elle, fait le calcul de la saturation de l’hémoglobine en O2 grâce à une mesure des changements de l’absorption de la lumière dans le sang. L’oxygène dans le sang est en effet lié à la fois à l’hémoglobine et dissout dans le plasma. Pour ce faire, les appareils de mesure utilisent les longueurs d’ondes rouges et infrarouges. Pour chacune de ces fréquences, l’oxyhémoglobine et l’hémoglobine réduite absorbent la lumière différemment. Afin de refléter au mieux la saturation en O2 du sang artériel, l’analyse de l’absorption des lumières rouges et infrarouges est effectuée au sommet de la pulsation.

La saturation de l’hémoglobine en O2 (SpO2) est une mesure de la délivrance d’O2 aux tissus périphériques. Elle permet donc de détecter une déficience de la délivrance d’O2 avant l’apparition de l’hypoxie tissulaire. Elle ne repère pas une détérioration de la fonction pulmonaire si l’apport d’O2 à l’animal est important et il ne s’agit donc pas d’une mesure de la qualité des échanges pulmonaires.

Une SpO2 de 90 % correspond à une pression artérielle en O2 relativement faible de 60 mmHg (si l’animal respire de l’air, la PaO2 normale se situe entre 80 et 110 mmHg). Cette méthode de mesure présente toutefois des limites, notamment lors de la présence d’hémoglobine anormale, de rayonnements infrarouges ambiants, de frissons, de mouvements.

Elle est également limitée par l’hypoperfusion périphérique en cas d’hypothermie, d’hypotension ou de vasoconstriction (choc, utilisation d’alpha 2 agonistes). “Monitoring” systématiquement pratiqué en médecine humaine, l’oxymétrie pulsée est de plus en plus souvent utilisée lors de l’anesthésie des petits animaux (toujours en association avec la capnométrie).

En dehors de la surveillance clinique pure de l’anesthésie, il existe donc des moyens techniques de surveillance fiables qui aident le praticien à obtenir plus de sécurité lors des anesthésies. S’ils ne remplacent pas la surveillance classique, ils la complètent utilement, notamment dans les situations où la surveillance clinique est malaisée (position de l’animal, vétérinaire seul, etc.).

Certaines méthodes sont bon marché et donc facilement accessibles et utilisables (moniteurs d’apnée, stéthoscope œsophagien, ECG, etc.). D’autres, plus pointues et plus onéreuses, devraient se développer dans l’avenir, jusqu’à devenir, à l’exemple de ce qui est pratiqué en médecine humaine, d’usage courant et systématique lors d’une anesthésie.

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