Le vétérinaire d’aujourd’hui est-il encore un praticien ?

L’aspect administratif est essentiel dans l’activité

En tant que vétérinaire praticien, je considère tout l’aspect administratif de notre travail comme une part essentielle de notre métier. En 2007, il est impossible de dissocier le “savoir être” du “savoir-faire”, tant vis-à-vis de nos clients propriétaires d’animaux que de nos clients “administratifs” (Urssaf, impôts, banques, fournisseurs). Effectuer ces tâches ne me pèse absolument pas. J’évalue régulièrement le temps que cela prend afin de le répercuter sur les factures et je n’hésite pas à l’expliquer à mes clients. De même, la relation avec les propriétaires est nécessairement humaine. Ces derniers cherchent de plus en plus à accéder aux connaissances et cela nous oblige à les informer et à communiquer de façon différente avec eux, tout en continuant à assurer les soins aux animaux. Nos études ne nous ont pas formés à cet aspect de notre profession, mais leur durée ne permet pas de tout apprendre, et le “savoir être” ne peut s’acquérir qu’une fois que le savoir-faire est bien ancré. Il est normal que les jeunes vétérinaires n’aient pas acquis ces compétences de chef d’entreprise en sortant des ENV. En revanche, il est anormal qu’ils ne s’y intéressent pas au fur et à mesure de leurs périodes d’ALD. Pour gagner du temps, je n’hésite pas à en perdre en développant des systèmes d’organisation et en déléguant. Nous travaillons beaucoup par écrit en établissant des “procédures” qui décrivent notre savoir-faire de façon qu’il soit transmissible au fur et à mesure des entrées et des sorties des différents membres de l’équipe. Le temps se gère comme l’argent : il faut savoir épargner un capital pour arriver à en gagner plus tard.

Avec une organisation adéquate, c’est gérable

J’exerce en clientèle canine et je me sens avant tout praticienne. Nous avons certes un rôle de chef d’entreprise essentiel à tenir, mais cela n’empiète pas trop sur le temps passé à exercer. Nous sommes deux associées et nous nous sommes donc partagé les tâches. Mon associée est plutôt chargée de la décoration, de la mise en place des contraintes légales et des mises aux normes, par exemple la formation en radiocompétence. Personnellement, je m’occupe du site Internet de la clinique, de l’administratif, du social et de la comptabilité. Ces tâches me prennent environ deux heures et demie par semaine. Cela ne me pèse pas, puisque je les accomplis entre midi et deux ou lors de périodes plus creuses. La plupart d’entre elles sont routinières, comme la comptabilité “tout venant” à laquelle je m’attelle une heure par semaine, la déclaration de TVA, la gestion des impayés (qui m’occupe deux heures par mois), les fiches de paye ou le calcul des charges. Afin de me faciliter la tâche, la clinique est informatisée : un logiciel gère la comptabilité et je rédige les feuilles de paye sur Excel. Je me tiens au courant des principales modifications dans ces domaines via la presse professionnelle. Un comptable vient en outre une demi-journée par an pour vérifier nos comptes avant que je les transmette à l’association de gestion agréée. Nos études ne nous ont absolument pas préparés à ce rôle de chef d’entreprise, mais ce qui a pu être laborieux au départ se révèle finalement ne pas être si terrible que ça avec une bonne organisation.

Les journées sont longues, les nuits pas toujours de tout repos et les week-ends de garde bien peu espacés

Notre métier est difficile et nos études ne nous préparent absolument pas à affronter le quotidien du vétérinaire. J’exerce en zone rurale, la secrétaire est en congé maladie pour une dizaine de mois, et je n’ai trouvé personne pour la remplacer. Je suis donc seule pour tout assumer, les tâches administratives extrêmement nombreuses (des heures de paperasse ont été nécessaires à la suite de ce congé), mais également l’accueil, le ménage, le secrétariat, sans oublier la pratique de la médecine et de la chirurgie. Les journées sont bien longues, les nuits ne sont pas toujours de tout repos et les week-ends de garde me semblent parfois bien peu espacés. J’aimerais certes passer plus de temps à exercer mon métier au sens “noble” du terme, mais je souhaiterais surtout me dégager un peu de temps libre et pouvoir prendre quelques jours de congés. J’ai le sentiment que certains vétérinaires plus âgés ou que les jeunes diplômés ne se rendent absolument pas compte de la réalité de la pratique quotidienne et de la fatigue physique et intellectuelle engendrée par notre profession.

Les aspects réglementaires, tels que développés lors de la formation de radiocompétence (responsabilités du chef d’entreprise par exemple), me semblent bien lourds à gérer, et je n’ai le temps de faire que le minimum. Exercer en ville doit probablement être moins contraignant, les confrères ne sont pas confrontés à la désertification des zones rurales lorsqu’ils doivent trouver un intérimaire au pied levé, mais le temps passé aux tâches annexes doit néanmoins représenter également une part importante de leur emploi du temps. Dans le futur, je souhaiterais pouvoir m’associer, afin d’alléger mes horaires et de pouvoir enfin profiter un peu plus de la vie.