Egalité, parité, discrimination : l’amalgame est rapide entre féminisation et évolutions sociétales plus diffuses - La Semaine Vétérinaire n° 1252 du 13/01/2007
La Semaine Vétérinaire n° 1252 du 13/01/2007

Dévalorisation de la profession

À la une

Auteur(s) : C. B.

Adoptant une perspective dynamique, historique et comparative, la sociologue Marlaine Cacouault-Bitaud critique le postulat qui établit une causalité directe entre la féminisation d’une profession d’une part et sa dévalorisation d’autre part.

« La féminisation n’est qu’un élément parmi d’autres de reconfiguration des modes de pratiques professionnelles et, à ce titre, elle ne peut être la seule porteuse d’une dévalorisation, dépréciation, déqualification ou “baisse de prestige” professionnel ; croyance pourtant bien établie. »(1) Plusieurs sociologues ont établi une corrélation entre la présence des femmes dans certains secteurs du marché de l’emploi et une potentielle “dévalorisation”. Ainsi, Pierre Bourdieu, dans La distinction (1979), avance l’idée d’une dévaluation des professions supérieures ou d’élite dès lors que les femmes parviennent à y accéder. Une décennie plus tôt, Evelyne Sullerot parle de la dévaluation préalable des professions avant même l’arrivée des femmes : « Dans la mesure où une profession apporte tout à la fois richesse et prestige, elle sera difficilement concédée aux femmes. Si cette profession se dégrade, même si son exercice quotidien se complique et si le bagage de savoir requis pour l’exercer ne cesse de devenir plus important, alors les barrages tombent » (Sullerot, 1968 : 123). Point de conquête des femmes, mais un abandon des hommes. C’est également la thèse soutenue par les sociologues américaines Barbara Reskin et Patricia Roos, au début des années 90, analysant les conditions qui « féminisent » les emplois.

Les professionnels sont « désacralisés » et leur prestige social est entamé

Un indice de la perte d’autonomie professionnelle avancé par Christel Lane et ses collègues, après l’ouverture des marchés, a trait à l’émergence de la figure du nouveau patient-client-consommateur. La « mystique professionnelle »(2) s’est effacée devant la présence de clients/patients informés, et de la diversification des usagers. Les professionnels se sont au fil du temps transformés en prestataires de services, assurant la vente de leur savoir-faire en échange d’honoraires(3). « Les praticiens sont devenus des biens de consommation comme les autres et la distance convenue, qui jadis matérialisait le prestige du praticien, s’est considérablement réduite. » Il est indéniable que l’expertise médicale a perdu de son pouvoir sur les patients. De fait, le prestige social des médecins ou des vétérinaires s’écorne peu à peu, non sans lien avec le doute généralisé sur le progrès médical et la capacité des médecins à soigner. Ces éléments d’explication se croisent sans conteste avec le rythme d’évolution des revenus de la profession qui s’est ralenti depuis le début des années 80. La relation vétérinaire/patient bascule, ce dernier devient alors acteur et exige. Par conséquent, le ou la vétérinaire peut être considéré comme un interlocuteur tout à fait “ordinaire”, semblable aux profanes. « Par exemple, le samedi matin, nous sommes là de 9 h à 12 h et, souvent, de 9 h à 10 h, c’est tranquille. A 10 h les clients arrivent, ce qui fait nous finissont parfois à 14 h ; les propriétaires vont faire les courses au marché puis ils se rendent chez le vétérinaire. C’est un bien de consommation, comme lors qu’on va à la banque avant qu’elle ferme le vendredi », remarque un confrère.

Les enfants de vétérinaires font tous les métiers, sauf vétérinaire…

La plupart du temps, les praticiens n’encouragent pas leurs enfants à se lancer dans les mêmes études qu’eux. La confrontation quotidienne aux inconvénients de la profession (temps de travail, responsabilités, vacances réduites, stress, etc.), corrélativement à leur interprétation subjective de la “faible rentabilité”, les a amenés à suivre d’autres voies. Ayant grandi dans la société des loisirs et ayant été quelque peu bercés par les revendications sur les 35 heures, la profession de vétérinaire ne leur semble plus assez “prestigieuse” pour nécessiter de tels sacrifices personnels.

Les indicateurs généraux de ladite “dévalorisation” recoupent en partie ceux qui rendent compte des changements, des mutations et des évolutions professionnelles : démocratisation, concurrence de métiers périphériques, baisse relative des revenus d’activité, expansion du salariat, changement dans la répartition des types professionnels, ainsi que l’expansion du nombre de praticiens.

Ainsi, les transformations structurelles décrites, aux effets sensibles sur la “dépréciation”, la “baisse de prestige” sont bien loin des effets de “genre”.

Comme le souligne Marlaine Cacouault-Bitaud, « l’idée d’une décadence liée à la féminisation relève du fantasme ».

  • (1) Marlaine Cacouault-Bitaud, 2001 ; Marry, 1989

  • (2) Lane et coll., 2002, p. 251.

  • (3) Gadray, 1992,1998.

  • Source : « Féminisation des professions = dévalorisation ? La fin d’une évidence », Nathalie Lapeyre, docteur en sociologie.

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