Un mégaœsophage s’associe souvent à la myasthénie grave - La Semaine Vétérinaire n° 1251 du 06/01/2007
La Semaine Vétérinaire n° 1251 du 06/01/2007

Cas clinique

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Florence Krieger*, Sabine Bozon**

Fonctions :
*praticienne à la clinique vétérinaire Bozon (Versailles, Yvelines).
**praticienne à la clinique vétérinaire Bozon (Versailles, Yvelines).

Myasthenia gravis, liée à un blocage des récepteurs de la plaque motrice par des anticorps antirécepteurs d’acétylcholine, se traduit par une fatigabilité excessive.

Un berger allemand mâle entier de 45 kg âgé de dix ans est vu en consultation pour anorexie, fatigabilité excessive, régurgitations, vomissements et ptyalisme ne rétrocédant pas aux traitements antivomitifs mis en place par le vétérinaire traitant. Ces symptômes, présents depuis trois mois, se sont nettement accentués depuis deux semaines : augmentation de la fréquence des régurgitations, apparition de difficultés respiratoires, anorexie plus marquée.

Aucun antécédent médical n’est noté. A l’examen clinique, l’animal est hyperthermique (40 °C), amaigri, présente un stridor laryngé, un ptyalisme et il est polypnéique. L’auscultation cardiaque est normale, en revanche l’auscultation pulmonaire révèle des crépitements diffus expiratoires.

L’animal, en décubitus sternal, est incapable de se lever seul. L’examen neurologique semble normal, même si la proprioception et les réflexes médullaires sur les postérieurs sont difficiles à évaluer compte tenu de sa fatigabilité excessive.

Les hypothèses diagnostiques à ce stade sont une paralysie laryngée avec une complication de pneumonie, une polyneuropathie, une polymyopathie (Myasthenia gravis, hypothyroïdie), un mégaœsophage avec une complication de pneumonie, une affection œsophago-gastrique (tumeur, inflammation chronique, ulcérations) ou encore une piroplasmose.

La radiographie thoracique met en évidence un mégaœsophage

Les examens complémentaires sont réalisés successivement. Le frottis sanguin se révèle négatif. La radiographie thoracique met en évidence un mégaœsophage associé à une densification broncho-interstitielle du champ pulmonaire. Le bilan hémato-biochimique, l’ionogramme et l’analyse des gaz sanguins montrent uniquement une leucocytose marquée à prédominance lymphocytaire. L’analyse urinaire est normale. La fibroscopie laryngée révèle une mobilité des deux aryténoïdes légèrement diminuée, mais d’apparence physiologique.

La thyroxinémie est particulièrement basse, inférieure à 0,5 µg/dl (valeurs usuelles : 1,5 à 3,5 µg/dl) et la cholestérolémie se situe sous la valeur limite supérieure (2,37 mg/dl, valeurs usuelles : 1,25 à 2,70 mg/dl). Le dosage de la TSH est normal. Lors du test à la Prostigmine® (néostigmine), qui consiste en une injection intramusculaire de 2,5 mg trente minutes après une injection d’atropine (0,2 mg/kg en intramusculaire), l’animal se lève spontanément de façon spectaculaire, marche et réussit même à trotter. Le dosage des anticorps sériques anti-récepteurs à acétylcholine (laboratoire Vet-France, délai d’un mois, car envoi aux Etats-Unis) est élevé (4,96 nmol/l), la norme étant inférieure à 0,6 nmol/l.

Le diagnostic de Myasthenia gravis acquise généralisée aiguë, associée à une hypothyroïdie auto-immune compliquées d’un mégaœsophage avec un début de pneumonie par fausse déglutition est établi.

Après cinq mois de traitement, le mégaœsophage n’est plus visible

L’animal est hospitalisé et perfusé avec du Ringer Lactate pendant cinq jours, reçoit 40 mg de métoclopramide par voie intraveineuse toutes les six heures, 1 g de céfalexine par la même voie toutes les huit heures, 800 µg de lévothyroxine deux fois par jour et 60 mg de pyridostigmine (Mestinon®) deux fois par jour (la posologie recommandée est de 0,5 à 3 mg/kg toutes les huit à douze heures ; le traitement doit commencer par la plus petite dose et doit être augmenté au besoin).

La réalimentation est effectuée progressivement avec un aliment humide, présenté en hauteur.

En quelques jours, l’animal retrouve une locomotion parfaitement normale. L’appétit reprend rapidement. La fatigabilité, les vomissements, les régurgitations, la dysphagie et le ptyalisme disparaissent en quelques semaines. Le traitement d’entretien quotidien comprend 400 µg de lévothyroxine et 120 pmg de pyridostigmine. Le nouveau dosage des anticorps antirécepteurs à l’acétylcholine réalisé deux mois plus tard révèle une valeur encore élevée (3,56 nmol/l). Le Mestinon® est donc maintenu à la même posologie.

Après cinq mois de traitement, le mégaœsophage n’est plus visible sur les radiographies et le chien a repris 3 kg. Des croquettes sont réintroduites dans la ration. Le chien est actuellement asymptomatique. Un dosage des anticorps antirécepteurs à l’acétylcholine est prévu tous les trois mois.

La myasthénie grave concerne bergers allemands, labradors et golden retrievers

La myasthénie grave se caractérise par un déficit de la transmission neuromusculaire secondaire à une diminution du nombre de récepteurs à l’acétylcholine sur la membrane post-synaptique, au niveau de la plaque motrice. Une forme acquise (destruction auto-immune des récepteurs à l’acétylcholine par des auto-anticorps, IgG) et une forme congénitale (déficit génétique de fabrication des récepteurs) sont distinguées.

La première, plus fréquente, s’observe généralement chez les bergers allemands, les labradors et les golden retrievers, ainsi que chez les abyssins et les somalis pour les chats. Les chiens sont atteints soit jeunes (vers deux ou trois ans) soit après neuf ans. Aucun âge préférentiel chez le chat n’est noté.

Trois tableaux cliniques différents sont observés chez le chien selon la sévérité de l’atteinte musculaire et la localisation des muscles atteints. La forme localisée (36 %) se caractérise par une atteinte faciale, pharyngée, laryngée ou œsophagienne plus ou moins sévère. La forme généralisée aiguë fulgurante (25 %) fait apparaître en soixante-douze heures une tétraparésie non ambulatoire accompagnée de dyspnée. Enfin, dans la forme généralisée chronique (39 %) les signes locomoteurs (parésie) apparaissent progressivement en débutant sur les membres postérieurs. L’exercice aggrave les symptômes et, dans 90 % des cas, le chien présente également un mégaœsophage. Chez le chat, si le mégaoesophage est plus rare, l’association avec un thymome est fréquente.

La présence d’anticorps antirécepteurs à l’acétylcholine confirme la myasthénie grave

Le test spécifique est sensible à 85 %. Cependant, le dosage des anticorps s’effectuant seulement aux Etats-Unis (université vétérinaire de Davis, Californie), l’alternative diagnostique est la réalisation du test à la Prostigmine®.

La néostigmine, un parasympathomimétique d’action rapide (dix à vingt minutes) et courte (six heures) agit comme un compétiteur de l’acétylcholine vis-à-vis des cholinestérases. Le complexe (néostigmine-cholinestérase) étant hydrolysé beaucoup moins vite que le complexe (acétylcholine-cholinestérase), il provoque l’accumulation de l’acétylcholine au sein de la plaque motrice. Il en résulte une exagération et une prolongation de ses effets. Ainsi, le chien retrouve une force musculaire suffisante pour pouvoir se lever et marcher.

Le traitement spécifique fait appel à un anticholinestérasique longue action

Un “bilan d’extension” est réalisé. Une radiographie thoracique permet la recherche d’un mégaœsophage, d’une pneumonie par aspiration ou d’un thymome. La fibroscopie ou l’échographie laryngées permettent de rechercher une paralysie de la région.

Un bilan endocrinien avec recherche d’une hypothyroïdie (thyroïdite auto-immune) ou d’un hypocorticisme primaire (destruction auto-immune du cortex surrénalien) est effectué. Enfin, un électrocardiogramme (recherche d’un bloc atrio-ventriculaire du 3e degré lié à une myocardite) ou encore une électromyographie et un bilan sanguin musculaire pour l’exploration de myosites sont utiles.

Le traitement spécifique fait appel à la pyridostigmine, Mestinon® (comprimé de 60 mg), un anticholinestérasique longue action. La posologie recommandée, chez le chien comme chez le chat, est de 1 à 3 mg/kg toutes les huit à douze heures, en commençant par la plus petite dose jusqu’à l’obtention de l’effet désiré. En présence d’un mégaœsophage, des injections de néostigmine (0,04 mg/kg par voie intramusculaire) sont administrées toutes les six heures jusqu’à l’arrêt des régurgitations. L’association d’une thérapie immunosuppressive (une corticothérapie associée ou non à de l’azathioprine) est controversée et la majorité des chiens atteints sont contrôlés uniquement avec les anticholinestérasiques. Le traitement des complications associées fait appel aux antibiotiques lors de pneumonie par aspiration secondaire à un mégaœsophage, aux hormones thyroïdiennes en cas d’hypothyroïdie associée (thyroïdite auto-immune), aux minéralocorticoïdes et/ou glucocorticoïdes en cas d’hypocorticisme associé et à une thymectomie lors de thymome.

Le pronostic est sombre en cas de pneumonie associée

Le pronostic est difficile à établir et dépend essentiellement des complications associées. Il est sombre en cas de pneumonie et de myocardite avec un bloc atrio-ventriculaire du 3e degré. Concernant la myasthénie stricto sensu, des rémissions spontanées sont possibles en quelques mois à quelques années. Dans ce cas, le taux d’anticorps antirécepteurs à l’acétylcholine redevient normal. Il n’existe en revanche aucune corrélation entre la valeur du taux d’anticorps et la sévérité des signes cliniques. Seule la cinétique des anticorps est intéressante et peut renseigner sur l’évolution de la maladie.

La forme congénitale (la transmission est autosomale récessive) de Myasthenia gravis s’observe chez le jack russel, les fox terriers à poils lisses et les springer spaniels (un cas décrit également chez le teckel nain à poils longs), ainsi que chez le siamois et l’européen. Si les signes cliniques sont similaires à la forme acquise, aucune rémission n’est observée et la maladie progresse malgré l’administration de pyridostigmine. Aucun anticorps circulant n’est observé. En revanche, une diminution progressive des récepteurs à l’acétycholine dans le muscle squelettique est visible.

La Myasthenia gravis acquise est la forme la plus fréquemment rencontrée et semble liée à un dysfonctionnement immunitaire généralisé. Le facteur initial déclenchant reste cependant indéterminé.

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