L’aspergillose se traite par balnéation des cavités nasales - La Semaine Vétérinaire n° 1250 du 23/12/2006
La Semaine Vétérinaire n° 1250 du 23/12/2006

Affection due à Aspergillus

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Pierre Guillaumot*, Cyrill Poncet**, Bernard Bouvy***

Fonctions :
*praticien au service de chirurgie du centre hospitalier vétérinaire Frégis (Arcueil, Val-de-Marne).
**praticien au service de chirurgie du centre hospitalier vétérinaire Frégis (Arcueil, Val-de-Marne).
***praticien au service de chirurgie du centre hospitalier vétérinaire Frégis (Arcueil, Val-de-Marne).

La dernière technique employée inclut l’application locale de pommade au clotrimazole après l’irrigation des cavités nasales.

L’aspergillose naso-sinusale est une affection peu fréquente mais sévère, qui touche, sans prédisposition de sexe, des chiens d’âge moyen. Les races au long museau sont le plus souvent touchées, avec une large proportion de bergers allemands, de rottweilers, de labradors et de golden retrievers. L’agent pathogène en cause est un champignon. Si l’espèce Aspergillus fumigatus est la plus souvent rencontrée, d’autres sont parfois isolées lors de cultures (A. niger, A. flavus). L’infection fongique se développe de façon opportuniste chez des animaux sains.

Les animaux touchés présentent un jetage nasal récurrent, des éternuements, associés éventuellement à une épistaxis. Une dépigmentation caractéristique de l’extrémité de la ou des narines affectées accompagne fréquemment le jetage, allant jusqu’à l’apparition de zones d’ulcération (voir photo 1). Une douleur peut se manifester à la palpation de la truffe, et des signes généraux comme de l’inappétence ou un abattement peuvent également être observés. L’aspergillose est le plus souvent confinée aux cavités naso-sinusales mais, en cas d’extension aux structures voisines (orbite, os palatins, lame criblée de l’ethmoïde), des signes spécifiques peuvent alors être rencontrés : atteinte oculaire, nerveuse, etc.

Le diagnostic passe par la multiplication des examens complémentaires convergents

Aspergillus fumigatus est responsable d’une destruction extensive des cornets nasaux, qui peut être mise en évidence à la radiographie. Le scanner est cependant un examen de choix qui apporte plus de sensibilité et de spécificité que la radiographie conventionnelle pour différencier une affection inflammatoire chronique des cavités nasales d’une affection tumorale. L’aspect de perte des circonvolutions en volute (voir photo 2) est généralement caractéristique, et les images obtenues permettent de déterminer la sévérité des lésions, ainsi que leur étendue, notamment l’atteinte ou non de la lame criblée.

Les autres moyens de diagnostic incluent la sérologie ou la culture d’échantillons nasaux qui, cependant, fournissent parfois des faux négatifs. Réciproquement, une culture ou une sérologie positive ne suffisent pas à établir un diagnostic de certitude. La rhinoscopie (voir photo 3) permet, lorsqu’elles sont accessibles, de mettre en évidence les plaques aspergillaires pathognomoniques, de couleur blanchâtre à verdâtre, et d’observer la destruction des cornets nasaux. Des prélèvements pour la réalisation d’une biopsie et d’une culture bactérienne et fongique peuvent être réalisés à cette occasion si le diagnostic demeure incertain ou pour confirmer une suspicion émise au cours de l’examen. Il est rare qu’un seul test ou examen permette d’affirmer le diagnostic. Bien souvent, la multiplication des examens complémentaires convergents est nécessaire.

L’efficacité thérapeutique dépend de l’application d’un antifongique local

Les traitements par les antifongiques imidazolés administrés par voie orale (fluconazole, ketoconazole, itraconazole) sont généralement décevants. Ils n’apportent de rémission clinique que chez 50 à 70 % des animaux traités, selon les protocoles et les produits. La durée des traitements est toujours longue, avec une moyenne de huit semaines, et engendre ainsi un coût important. En outre, une toxicité hépatique peut se manifester en cours de traitement et nécessiter son arrêt.

L’une des causes suspectées pour expliquer l’inefficacité des traitements généraux est la localisation superficielle du champignon sur la muqueuse de la cavité nasale, ce qui le rend peu accessible à la diffusion des molécules actives.

Pour ces raisons, un traitement local est conseillé pour venir à bout de cette affection. Plusieurs agents topiques et protocoles de traitement ont été proposés. Un curetage des lésions par rhinotomie dorsale (associée ou non à une trépanation sinusale), suivi de l’application locale de povidone iodée pendant plusieurs semaines dans la cavité laissée ouverte, a donné des résultats positifs chez un nombre restreint de chiens. Ce protocole est cependant lourd et invasif, et s’accompagne d’un aspect extérieur difficile à accepter par les propriétaires (site de rhinotomie dorsale laissé ouvert pendant plusieurs semaines avant la fermeture définitive). Des protocoles de mise en place chirurgicale de drains à demeure dans les cavités nasales et sinusales (voir photos 4) ont également été décrits, avec des irrigations répétées des cavités nasales à l’aide d’énilconazole (80 % de bons résultats). Les inconvénients sont la nécessité de laisser en place le ou les drains, ce qui induit des conséquences esthétiques, un risque de délogement précoce de ces drains et d’inhalation de l’antifongique lors des irrigations à répétition (par passage via le nasopharynx).

Les séances de balnéation sont la base du traitement actuellement recommandé

Des procédures de balnéation nasale sous pression ont été initiées, par l’intermédiaire de sondes placées chirurgicalement par trépanation des sinus ou directement via les narines. Un espace clos est créé dans les cavités nasales à l’aide de sondes de Foley oblitérant les narines et le nasopharynx. La tête de l’animal est changée de position tous les quarts d’heure afin d’obtenir une bonne répartition de l’antifongique dans l’ensemble des cavités nasales et sinusales. L’ensemble de la procédure s’effectue sous anesthésie et le temps de contact du produit doit être de soixante minutes, avec un volume généralement injecté d’environ 50 à 60 ml par narine. Au-delà de cette durée, le retrait des sondes de Foley est effectué, et le produit s’écoule par les narines, la tête de l’animal penchée vers le bas, pour éviter la contamination du pharynx ou des voies respiratoires (produit irritant).

Les différents protocoles (qui dépendent du placement des sondes d’irrigation et de l’agent utilisé : clotrimazole dilué dans le propylène glycol à 1% ou enilconazole en émulsion aqueuse à 2 %) font apparaître des taux d’efficacité similaires, soit entre 80 et 90 % de succès thérapeutique en une seule séance généralement. Pour quelques cas rebelles, trois ou quatre séances, espacées d’un mois en général, peuvent être nécessaires. Il semble que le débridement des lésions et le placement des sondes d’irrigation sous contrôle endoscopique permettent d’améliorer le taux de réussite au premier bain.

Les dernières procédures incluent des trocarts de Jamshidi dans les sinus

Afin d’améliorer la diffusion du produit et de limiter la morbidité liée à la trépanation chirurgicale des sinus, les praticiens du centre hospitalier de Frégis ont pris l’habitude de placer dans les sinus frontaux des trocarts de Jamshidi, de façon mini-invasive (insertion en transcutané fondée sur des repères anatomiques). L’enilconazole ou le clotrimazole est instillé via ce strocarts dans chacune des narines (photo 5). Cette méthode semble répondre à un impératif d’efficacité du traitement, puisque l’application de l’antifongique se fait directement dans le site le plus difficile à atteindre lors de balnéations classiques, à savoir les sinus frontaux. Une étude récente a conduit à modifier la technique de balnéation classique. Après un rinçage des cavités nasales au NaCl à 0,9 % et une irrigation “flush” de clotrimazole à 1 %, de la pommade de clotrimazole à 1 % (Canesten crème®, Bayer, produit disponible pour l’usage humain en Grande-Bretagne) est appliquée au travers des sinus frontaux. Sa consistance permet un temps de contact plus long sans mise sous pression des cavités nasales, et réduit le temps de la procédure. La pommade est laissée en place et éliminée progressivement dans les écoulements nasaux de l’animal. Ce type de formulation semble autoriser une meilleure distribution de l’antifongique dans les cavités nasales et les sinus.

Les complications observées sont rares et, le plus souvent, limitées à des irritations liées au contact avec l’antifongique : œdème pharyngé avec atteinte respiratoire, atteinte neurologique en cas de dommage de la lame criblée, réveil prolongé dû aux interactions entre les imidazolés et les anesthésiques (phénomène d’induction enzymatique par les imidazolés prolongeant la dégradation des anesthésiques dans le foie). L’animal est gardé en hospitalisation pendant vingt-quatre heures après la balnéation afin de surveiller l’éventuelle apparition d’effets secondaires.

Le succès du traitement est généralement évident une à deux semaines après la balnéation. En cas de persistance des signes, un nouveau traitement est requis.

Les aspergilloses sont des affections dont le diagnostic et le traitement demandent temps et patience, se révélant parfois frustrants. Avec les nouvelles modalités d’imagerie (scanner, IRM, rhinoscopie) et les procédures de traitement actuellement développées, leur gestion clinique semble offrir des perspectives plus satisfaisantes pour le praticien, l’animal et le propriétaire.

BIBLIOGRAPHIE

  • • T. R. Sissener, N.J. Bacon, E. Friend, D.M. Anderson, R.A.S. White : « Combined clotrimazole irrigation and depot therapy for canine nasal aspergillosis  », Journal of Small Animal Practice, 2006, n° 47, pp. 312-315.
  • • J.L. Zonderland, C.K. Stork, J.H. Saunders et coll. : « Intranasal infusion of enilconazole for treatment of sinonasal aspergillosis in dogs », J. Am. Vet. Med. Assoc., 2002, n° 221, pp. 1421-1425.
  • • C. Trumel, J. Guillot, E. Viguier : « Aspergilloses et penicillioses chez le chien », Prat. Med. Chir. Anim. Comp., 2001, n° 36, pp. 533-543.
  • • K.G. Mathews, A.P. Davidson, P.D. Koblik et coll. : « Comparison of topical administration of clotrimazole through surgically placed versus nonsurgically placed catheters for treatment of nasal aspergillosis in dogs : 60 cases (1990-1996) », J. Am. Vet. Med. Assoc., 1998, n° 213, pp. 501-506.
Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr