La vaccination ciblée du loup d’Abyssinie est essentielle pour sa conservation - La Semaine Vétérinaire n° 1249 du 16/12/2006
La Semaine Vétérinaire n° 1249 du 16/12/2006

Rage des canidés sauvages

Formation continue

FAUNE SAUVAGE ET NAC

Auteur(s) : Alain Zecchini

Pour contrôler la propagation de la rage, une nouvelle approche privilégie les zones de transmission.

Les programmes de vaccination à grande échelle de la faune requièrent généralement le traitement de la majorité des animaux. Mais s’agissant des espèces sauvages, cette gestion est difficile, en comparaison de celle des espèces domestiques. Pour le loup d’Abyssinie (Ethiopie), un canidé sauvage particulièrement menacé, une nouvelle approche est proposée. Elle consiste à vacciner les sujets présents dans les zones les plus à risque, c’est-à-dire les corridors, lieux de contacts entre les sous-populations(1). Ce type de vaccination ne concerne donc qu’un nombre réduit d’animaux et demande ainsi moins de moyens. Il ne supprime pas totalement l’infection, mais la limite fortement, dans la mesure où les circuits de transmission sont attaqués.

Le virus de la rage est transmis par les chiens domestiques et férals

De nombreuses espèces, dans la nature, peuvent se rétablir après des épidémies, à condition que leur effectif soit suffisant. Ce n’est pas le cas du loup d’Abyssinie (voir encadré), fragilisé par les maladies introduites. La rage, par exemple, lui est transmise par les chiens domestiques et férals (animaux domestiques retournés à la vie sauvage). Celle-ci a causé des épidémies en 1992 et dans les années 2003 et 2004, auxquelles s’est ajoutée une épidémie de maladie de Carré en 1993. La stratégie des épidémiologistes s’est portée sur deux sous-populations des monts Balé : celle de la vallée de Web et celle de Morebawa, reliées par un corridor. Entre août 2003 et janvier 2004, 72 des 95 canidés de la vallée de Web sont morts de la rage. En novembre 2004, la campagne de vaccination a traité les animaux vivant à proximité du corridor, puis, graduellement, d’autres s’en éloignant, dans la zone de Morebawa. La sous-population de Morebawa a été vaccinée à 37,5 %. Ces choix globaux se sont révélés payants : 7 canidés seulement sur 105 à Morebawa ont été infectés ; l’épidémie venant de la vallée de Web a donc été contenue.

Techniquement, les vaccins ont été réalisés chez des animaux anesthésiés. Tous les loups vaccinés ont reçu des marquages de couleur aux oreilles, pour les repérer plus facilement par la suite. Un échantillon de 19 loups a été capturé de nouveau, environ un mois après la vaccination. Les animaux ont reçu une autre dose du vaccin. Chez tous, la séroconversion était acquise et aucun effet négatif de la vaccination sur leur survie n’a été enregistré.

Une simulation statistique a permis de cibler la vaccination

Un modèle théorique paramétré avait été conçu pour simuler cette vaccination ciblée, prenant en compte la taille des meutes et la pyramide des âges. Il suggérait notamment qu’avec cette vaccination, il y avait au moins 40 % de chances de stopper la propagation de la maladie, avec des pertes limitées à dix animaux au maximum. Plus précisément, ce modèle stipulait que la probabilité de transmission de la maladie à Morebawa était de 0,008 avec vaccination et de 0,25 sans vaccination.

Une analyse de viabilité de population a montré, en parallèle, que cette stratégie de ciblage pouvait être aussi probante sur le long terme. Une vaccination régulière dans les zones de corridors permettrait, si la rage était introduite tous les cinq ans, de réduire le risque de déclin catastrophique d’une population (chute estimée à moins de 20 animaux) d’un facteur quatre.

Les scientifiques suggèrent ainsi de vacciner entre 10 et 40 % d’une sous-population de loups dans laquelle un cas de rage s’est déclaré. Il s’agit d’une vaccination réactive. La prophylaxie est jugée impraticable par le gouvernement : elle demanderait des moyens humains et matériels beaucoup plus importants, sans compter le fait de généraliser le stress qu’occasionne toute manipulation chez des animaux sauvages.

  • (1) D.T. Hayden et coll. : « Low-coverage vaccination strategies for the conservation of endangered species », Nature, 12/10/2006.

Une espèce en danger d’extinction

Le loup d’Abyssinie (Canis simensis) se partage en deux sous-espèces, C.s.simensis et C.s.citernii. Il n’est présent qu’en Ethiopie.

La première sous-population vit au nord-ouest de la vallée du Rift ; la seconde, au sud-est. C’est cette dernière qui a été concernée par la campagne de vaccination.

Au total, pour l’espèce, il ne reste plus que quelques centaines d’individus.

La plupart (200 animaux peut-être) sont concentrés sur les monts Balé.

Tous ces canidés sont fortement menacés. Les chiens domestiques et férals introduisent des maladies, se révèlent être des compétiteurs alimentaires (le loup d’Abyssinie se nourrit principalement de rongeurs et de rats-taupes) et sont une source de « contamination génétique ». Les hommes réduisent continuellement le territoire des loups. Primitivement, celui-ci occupait une grande partie de l’Ethiopie. Les loups ont été chassés des basses terres et même les poches qui leur restent sont visées par les implantations humaines et les pâturages pour le bétail. Enfin, les éleveurs abattent souvent ces animaux, considérés comme des nuisances. L’espèce est inscrite sur la Liste rouge de l’Union mondiale pour la nature (UICN) comme « en danger critique d’extinction » et ses perspectives de survie à long terme semblent faibles.

A. Z.
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