Diagnostic, épidémiologie et stratégie de lutte contre N. caninum se précisent - La Semaine Vétérinaire n° 1249 du 16/12/2006
La Semaine Vétérinaire n° 1249 du 16/12/2006

Néosporose bovine

Formation continue

RURALE

Auteur(s) : Catherine Bertin-Cavarait

Une PCR du cerveau de l’avorton associée à une analyse sérologique chez sa mère sont indispensables. Sinon, il est recommandé de réaliser une sérologie sur les trois derniers animaux ayant avorté.

La néosporose coûte en moyenne 9,7 millions d’euros par an à la Suisse dont le troupeau bovin laitier affiche une séroprévalence égale à 12 %. Chaque année, 3 200 avortements, soit 20 % de la totalité des avortements enregistrés, sont attribués à Neospora caninum. Les évaluations des pertes économiques dues aux infections par ce protozoaire sont peu nombreuses, mais pointent toutes du doigt son impact considérable : 8,9 millions d’euros par an au niveau national pour la Nouvelle-Zélande, 19 millions pour les Pays-Bas, de 1 118 à 2 237 € par an pour chaque troupeau néo-zélandais infecté, 1 566 € par an pour un troupeau de cinquante vaches canadiennes et 249 € par ferme néerlandaise. L’état d’avancement des connaissances en matière de néosporose a été présenté le 15 octobre dernier par notre confrère Bruno Gottstein, au cours du premier Symposium international bovin organisé par le laboratoire Bayer.

Les résultats sérologiques réalisés chez les vaches sont à manier avec précaution

Le diagnostic de certitude d’un avortement à Neospora caninum nécessite l’examen histopathologique du cerveau du fœtus, lequel doit toujours être associé à une analyse PCR. En effet, la PCR qualitative permet de détecter cinq parasites par gramme de tissu, et l’immunohistochimie cent mille parasites par gramme de tissu. Selon Bruno Gottstein, une analyse PCR du placenta n’apporte pas de précision supplémentaire au diagnostic.

L’interprétation des résultats sérologiques des vaches est plus délicate. En effet, bien que les animaux qui avortent à la suite d’une infection par N. caninum présentent des taux élevés d’anticorps juste après l’avortement, leur séropositivité n’est pas une preuve de l’implication de N. caninum dans l’avortement. Les anticorps peuvent fluctuer, voire descendre en dessous du seuil de détection du test sérologique utilisé. Une enquête a mis en évidence des avortons PCR + chez 4,4 % des vaches avortées ayant un statut séronégatif (voir tableau 1). De plus, durant la gestation, une séroconversion (+ vers - ou - vers +) a pu être observée pour 4 % des vaches. Aussi, pour conclure quant au statut d’un animal, il est nécessaire de réaliser au moins deux prélèvements sanguins indépendants dans le temps.

L’ancienneté d’une infection par N. caninum peut être diagnostiquée grâce au test Elisa d’avidité des IgG(1). Il est ainsi possible de déterminer si l’avortement fait suite à une primo-infection exogène (horizontale) ou bien à une infection chronique.

Une étude ayant pour objectif de quantifier le nombre de veaux sains nés de mère séropositive et séropositifs avant la prise colostrale a déterminé, pour le diagnostic de la séropositivité à N. caninum, une sensibilité(2) de l’Elisa conventionnelle égale à 47 %, du western blot égale à 100 % et de l’Elisa IgG1/IgG2 égale à 80 %. D’autre part, le western blot est un précieux outil de discrimination des réactions croisées avec d’autres infections par les Apicomplexa telles que Toxoplasma et Sarcocystis.

Le transfert embryonnaire permet d’interrompre la transmission verticale

En pratique, une analyse PCR du cerveau de l’avorton associée à une sérologie de sa mère sont indispensables au diagnostic de l’avortement à néosporose. Lorsque l’avorton manque, il est recommandé de réaliser une sérologie des trois derniers animaux ayant avorté. Lors de la suspicion d’une flambée d’avortements à N. caninum, le chercheur préconise de réaliser un test d’avidité Elisa chez toutes les femelles ayant avorté et les vaches pleines.

Egalement outils au service de la prévention, l’utilisation des tests de laboratoire est essentielle à la gestion de l’introduction des animaux dans l’élevage. Selon Bruno Gottstein, 90 % des transmissions sont endogènes (verticales) via les lignées de vaches Neospora-positives existantes dans l’élevage et l’introduction d’animaux Neospora-positifs, et 10 % des transmissions exogènes (horizontales). Il est donc impératif de tester chaque animal avant l’achat.

Le transfert embryonnaire est parmi les différents moyens d’interrompre la transmission verticale. Le transfert d’embryon depuis une donneuse séropositive vers une receveuse séronégative n’entraîne pas de transmission détectable. En revanche, le transfert d’embryon d’une donneuse séronégative vers une receveuse séropositive entraîne une transmission de l’infection décelable, mais pas d’avortement. Pour ce qui est du rôle de la semence dans la transmission, bien que de l’ADN de N. caninum soit occasionnellement détectable dans la fraction cellulaire du liquide séminal, la semence ne contient pas de parasite viable.

L’incidence annuelle de l’élimination d’oocystes est plus importante que prévu

La transmission verticale ne suffit pas à expliquer la diffusion et la persistance de N. caninum dans les troupeaux bovins. Dans plusieurs pays, les explosions d’avortements bovins sont attribuées à la transmission horizontale du parasite. Une étude néerlandaise a démontré que l’introduction d’un nouveau chien dans un troupeau bovin augmente le risque d’épidémie d’avortements à N. caninum. Selon une étude allemande, la densité canine est un facteur de risque de l’infection des bovins par N. caninum. Néanmoins, le rôle des chiens en tant que source d’infection pour les bovins n’est pas complètement élucidé. La prévalence et l’incidence de N. caninum chez des chiens suisses ont été étudiées par l’Institut de parasitologie de l’université de Bern. Pendant un an, 249 chiens font l’objet de coproscopies mensuelles, soit un total de 3 289 € échantillons fécaux analysés (voir tableau 2). L’expérimentation montre que 25 échantillons (0,7 %) contiennent des oocystes de Hammondia/ Neospora-like (HNlO). Hormis un chien qui est positif deux mois de suite, chez tous les autres chiens, l’élimination d’HNlO n’a pu être détectée qu’une seule fois dans l’année, soit une incidence annuelle de l’excrétion de HNlO égale à 9,2 % (23/249). Ces résultats sont en concordance avec ceux de précédentes publications décrivant une excrétion expérimentale et naturelle d’une durée de quinze jours. L’excrétion répétée d’oocystes de HNlO est improbable. Mais une reprise d’excrétion semble possible. En effet, une étude allemande a démontré une reprise d’excrétion d’oocystes après l’ingestion de tissus infectés par un chien.

Le risque de contamination des pâtures par des oocystes de N. caninum est faible

Par ailleurs, l’étude suisse montre que l’incidence de l’élimination de HNlO par les chiens de ferme (9,8 %) n’est pas significativement différente de celle des chiens des villes (7,1 %). La consommation de viande crue non cuite, le non-contrôle de la consommation de rongeurs, d’abats, de charogne et d’ordures ne sont pas associés au portage de HNlO. Les réponses des propriétaires aux questionnaires indiquent que 89,6 % des chiens avaient la possibilité de chasser des rongeurs, de manger des abats, des charognes et des détritus.

Le nombre de HNlO par échantillon est faible et n’excède pas vingt oocystes par échantillon, soit quatre à sept oocystes par gramme de fèces. Trois des échantillons ont été administrés à des gerbilles : aucun animal n’a montré de signes cliniques de néosporose dans les trois mois qui ont suivi leur infestation. Chez les bovins, une publication de 2004 indique que seules des infections expérimentales avec des doses supérieures à 1 500 oocystes de N. caninum entraînent un avortement dans le cas où elles sont administrées après le premier trimestre de gestation. Ces observations peuvent expliquer pourquoi le risque de contamination des fourrages ou des pâtures par des oocystes de N. caninum est plutôt faible.

En outre, la séropositivité des chiens est un indicateur de la fréquence du contact avec le parasite, mais ne peut être corrélée à l’excrétion d’oocystes. 249 chiens font l’objet de prélèvements sanguins. La séroprévalence des chiens de ferme (20 %) est significativement supérieure à celle des chiens de ville (p < 0,01), d’où l’hypothèse de l’ingestion par les chiens de ferme d’avortons et de placentas contaminés. En effet, 80 % des fermiers suisses jettent les avortons et les mort-nés sur le tas de fumier.

Les résultats de la recherche offrent des perspectives encourageantes

Le traitement médicamenteux des veaux nouveau-nés de mères séropositives fait actuellement l’objet de recherches. L’objectif est de produire des lignées de bovins Neospora-free quel que soit leur statut initial, via l’élimination des tachyzoïtes qui se développent durant la période postnatale. Les essais relatifs à l’utilisation du toltazuril chez les veaux sont actuellement suivis par des études complémentaires afin de déterminer si les génisses traitées donnent naissance à des veaux Neospora-free.

L’effet de quatre stratégies de contrôle de la néosporose bovine a été modélisé : l’élimination des animaux séropositifs ; l’arrêt de la mise à la reproduction des descendants de bovins séropositifs ; le traitement médical des veaux nés de vaches séropositives ; la vaccination des animaux nés des animaux sensibles et infectés. Dans le contexte épidémiologique suisse, l’abattage de tous les bovins séropositifs réduit rapidement la prévalence de 12 % à moins de 1 % la première année. D’effet plus lent, la politique d’arrêt de la mise à la reproduction des bovins séropositifs permet d’atteindre des niveaux comparables au bout de vingt ans.

Pour les stratégies étudiées, le ratio bénéfice coût (BCR) est égal à 1,57 pour la première stratégie, 1,06 pour la deuxième, 3,68 pour la troisième et 0,55 pour la quatrième.

Bien que l’abattage des animaux séropositifs soit actuellement la stratégie de contrôle de la néosporose la plus intéressante, Bruno Gottstein considère que l’arrêt de la mise à la reproduction des animaux séropositifs, mieux accepté par les éleveurs, serait préférable.

  • (1) L’avidité mesure la force de liaison d’un sérum pour un antigène plurivalent. Le principe de la mesure de l’avidité consiste à comparer la liaison du sérum à l’antigène avec et sans agent pouvant dissocier cette liaison (solution d’urée 6 M) : un sérum de forte avidité ne sera pas facilement dissociable, à l’inverse d’un sérum de faible avidité.

  • (2) Sensibilité : taux d’animaux réellement infectés dépistés par le test de laboratoire.

CONFÉRENCIER

Bruno Gottstein, professeur à l’Institut de parasitologie de la faculté de médecine vétérinaire de l’université de Bern (Suisse).

Article réalisé d’après la conférence présentée aux Journées mondiales de la buiatrie, organisées du 15 au 19 octobre 2006.

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