LE PASSAGE DES FRONTIERES S’ACCOMPAGNE DE REGLES - La Semaine Vétérinaire n° 1248 du 09/12/2006
La Semaine Vétérinaire n° 1248 du 09/12/2006

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Auteur(s) : Marine Neveux

L’exercice transfrontalier s’accompagne de particularités, notamment en termes de continuité de soins et de médicaments vétérinaires. Pour l’encadrer, des règles existent, dont le respect est important en termes de déontologie et de santé publique.

Importations illégales de médicaments, concurrence injuste, cotisations et taxes non payées, prix cassés, absence de déclaration d’exercice, risque sanitaire… Voilà autant de problèmes soulevés dans le cadre de l’exercice transfrontalier. Bien entendu, le tableau n’est pas toujours aussi noir. Les confrères trouvent de l’intérêt à travailler avec leurs homologues voisins et, d’ailleurs, plusieurs d’entre eux embauchent ou s’associent à des praticiens issus de pays transfrontaliers. Lorsque la situation est celle d’une concurrence loyale et d’un respect des mesures réglementaires et de celles d’une profession réglementée, les frontières ou les barrières entre pays importent peu, et cela quel que soit le côté de la frontière où l’on se trouve. Car, bien entendu, l’exercice transfrontalier fonctionne dans les deux sens, et certains confrères français font le choix d’exporter leur savoir-faire hors de l’Hexagone.

Les soucis, quand ils existent, viennent de vétérinaires peu scrupuleux qui travaillent dans l’illégalité ou s’inscrivent dans le cadre d’une concurrence déloyale. Se pose alors la question du respect du Code de la santé publique et du Code rural. A l’heure de l’Europe, plusieurs pays de l’Union réfléchissent à l’harmonisation au-delà des frontières, pour contrecarrer les risques sanitaires, les trafics d’animaux, de médicaments, etc., et éviter que leur franchissement ne devienne “une bombe à retardement”… D’ores et déjà, l’exercice transfrontalier répond à des contraintes réglementaires, déontologiques et de sécurité sanitaire strictes, essentielles pour préserver le service rendu aux propriétaires. En outre, la situation de l’exercice transfrontalier contraste, bien entendu, selon la frontière considérée, d’une part parce que la langue est parfois un obstacle à l’accroissement des échanges, d’autre part en raison des sensibilités parfois différentes dans les Etats.

Des tensions se font parfois jour sur le terrain

Les problèmes les plus couramment pointés du doigt sont une concurrence déloyale en provenance d’Espagne ou des différences importantes de prix avec certains confrères belges. Cela ne concerne pas les vétérinaires déclarés et qui exercent en toute légalité, « mais ceux qui viennent régulièrement de Belgique pour travailler en France et qui ne sont ni déclarés ni inscrits, explique Henri Cathelain, praticien dans le Nord et président du Conseil régional de l’Ordre de sa région. Le flux des vétérinaires belges s’observe de Dunkerque à Charleville, et il est important. » « L’exercice transfrontalier est un sport qui se généralise. Les praticiens belges se rencontrent de Carignan jusqu’aux pointes des Ardennes », renchérit Denis Sagrafena, qui exerce dans les Ardennes. Et, parfois, certaines des pratiques commerciales mises en œuvre sont douteuses, « comme des prospectus affichés sur les voitures à la frontière, avec les coordonnées en Belgique du vétérinaire », témoigne Henri Cathelain. Quant aux prix, ils sont parfois “cassés” : « De 70 à 90 € pour une césarienne de bovins, même de nuit ou à Noël », souligne Denis Sagrafena.

Les vétérinaires qui exercent en France sont suivis par l’Ordre français. En effet, pour un tel type d’exercice, la déclaration auprès des instances ordinales constitue une obligation (il en est de même pour un exercice occasionnel)… pas toujours respectée. « Nous n’avons encore enregistré aucune demande de la sorte », remarque Olivier Ramette, secrétaire de l’Ordre d’Aquitaine.

La réalisation en urgence de vêlages et de césariennes par le vétérinaire local pour un éleveur qui, habituellement, privilégie les tarifs “allégés” de confrères hors Hexagone, constitue une autre source de tension dans le cadre de l’exercice transfrontalier.

A l’aspect concurrentiel s’ajoute en outre l’aspect fiscal. En effet, certains confrères indélicats ne facturent pas la TVA. La réaction d’indignation de ceux qui payent les charges et la taxe professionnelle est alors compréhensible. « Tous les confrères qui travaillent dans le cadre d’un exercice transfrontalier en France payent-ils des cotisations et des charges ?, s’interroge ainsi Denis Sagrafena. Comment faire payer des charges sociales sur des actes qui, parfois, n’ont pas de réalité légale ? »

Les règles professionnelles du pays d’exercice s’appliquent

Deux types d’exercice transfrontalier peuvent être constatés : le premier est une prestation de service à caractère occasionnel, l’autre relève d’un droit d’établissement. Cette distinction est fondamentale, car elle conditionne, par exemple, l’utilisation des médicaments. Dans le premier cas, le confrère peut employer les médicaments qui viennent de son pays, en respectant un certain nombre de règles (voir encadré ci-contre). Dans le second, cette possibilité n’existe pas. En outre, lorsqu’il s’agit d’une intervention occasionnelle, les actes doivent être déclarés, mais l’inscription à l’Ordre n’est pas obligatoire, contrairement à un exercice relevant du droit d’établissement.

Par ailleurs, la profession vétérinaire étant une profession réglementée, les règles qui s’appliquent sont celles du pays d’exercice. Ainsi, même s’il vient d’un pays étranger, un confrère n’est pas autorisé à appliquer une réglementation autre que la réglementation française !

Lors d’exercice dans deux pays, le confrère est soumis à une obligation de domicile professionnel et à une obligation de local (voir encadré « Le domicile professionnel »). Il doit également se conformer aux mêmes exigences que ses homologues français en termes de tenue de registres, d’ordonnanciers et de devoir de présentation aux autorités compétentes pour assurer la traçabilité. Le respect du Code de déontologie vétérinaire s’applique également. « La chambre de discipline est apte à engager une procédure contre un confrère à l’occasion de son exercice s’il ne respecte pas les règles », explique ainsi Gille Madiot, président du conseil ordinal d’Aquitaine.

Certains confrères français choisissent aussi l’exercice transfrontalier

Certains confrères français décident eux aussi de traverser la frontière pour exercer dans des secteurs spécialisés. C’est le cas notamment de Laurent Deffreix, praticien dans les Landes, qui effectue les démarches pour se mettre en conformité avec la loi espagnole. Car avant d’effectuer un tel choix, les particularités des pays voisins doivent être appréhendées. Par exemple, en Espagne, les ordonnances sont délivrées par les ordres locaux. La démarche de notre confrère se fait dans le cadre de la recherche actuelle pour « trouver un accord avec les Espagnols afin d’homogénéiser la production de canards en France et en Espagne. Par ailleurs, nous pourrions être amenés à effectuer un travail technique et ponctuel sur du gibier ». Plus largement, « il existe une demande du côté espagnol dans le domaine de la production de volailles », souligne Laurent Deffreix, dont une préoccupation actuelle est également de « mettre en place un accord pour la gestion des urgences et des suivis ».

Favoriser la collaboration entre les autorités des pays transfrontaliers

Un guide de travail a été établi au niveau européen pour permettre d’éviter les éventuels soucis entre les pays. « Même si l’exercice est occasionnel, il existe toujours un risque de santé publique, qui doit être encadré, estime en effet Christophe Buhot, président de l’Union européenne des vétérinaires praticiens (UEVP). L’Europe recommande donc une obligation d’enregistrement auprès du pays hôte, même pour des demi-journées de travail. » Christophe Buhot souligne aussi la nécessité de favoriser la collaboration entre les autorités des pays transfrontaliers, cette coopération s’inscrivant dans une lutte plus large contre les trafics d’animaux, de médicaments, etc. « L’exercice transfrontalier est plus ou moins organisé selon les pays. Il est nécessaire que des contacts plus marqués s’établissent, car chaque frontière est un cas particulier. » Dans ce cadre, les ordres régionaux ont un rôle important.

Encadrement législatif

• Article L 241-3 du Code rural : « Les vétérinaires ressortissants d’un des Etats membres (…) peuvent exécuter en France, à titre occasionnel, des actes professionnels sans être soumis à l’obligation d’inscription au tableau de l’Ordre (…). L’exécution de ces actes est toutefois subordonnée à une déclaration préalable. Si l’urgence ne permet pas de faire cette déclaration préalablement à l’acte, elle doit être faite postérieurement dans un délai maximum de quinze jours. Les intéressés sont tenus de respecter les règles professionnelles en vigueur en France et sont soumis à la juridiction disciplinaire de l’Ordre des vétérinaires. »

• Directive du Conseil des communautés européennes du 18 décembre 1978 (78/1026/CEE) : « Le bénéficiaire exerce la prestation de services avec les mêmes droits et obligations que les ressortissants de l’Etat membre d’accueil ; il est notamment soumis aux dispositions disciplinaires de caractère professionnel ou administratif applicables dans cet Etat membre. »

• Article L 5141-15 du Code de la santé publique : « Les vétérinaires qui sont établis dans un autre Etat membre de la Communauté européenne peuvent utiliser en France des médicaments vétérinaires autres qu’immunologiques ayant obtenu une autorisation de mise sur le marché dans cet Etat membre, pour exécuter des actes professionnels à titre occasionnel en tant que prestataires de service. »

La note de service de la DGAL du 20 juin 2005 précise alors les conditions :

- assurer eux-mêmes le transport des médicaments vétérinaires, la quantité ne devant pas excéder les besoins quotidiens nécessaires aux consultations qu’ils effectuent ;

- respecter les règles de prescription et de délivrance prévues par le Code de la santé publique et le Code rural français ;

- administrer eux-mêmes le médicament et ne laisser au propriétaire que la quantité nécessaire pour terminer le traitement, accompagnée de l’ordonnance correspondante ;

- être déclaré auprès de l’Ordre des vétérinaires.

Le domicile professionnel

Un domicile professionnel administratif établi avec une adresse virtuelle (comme une boîte postale ou les coordonnées d’un hôtel) n’est pas valable.

Dans une réponse adressée au Conseil régional de l’Ordre des vétérinaires d’Aquitaine, la Direction générale de l’alimentation précise que ce domicile « doit constituer au minimum le lieu où sont conservés un certain nombre de documents liés à l’exercice de la médecine et de la chirurgie des animaux. Cette règle s’applique donc également aux vétérinaires établis dans un Etat membre qui, en raison du nombre de prestations qu’ils assurent sur le territoire français, relèvent du droit d’établissement et non de celui de la prestation de services ».

M. N.
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