Le génotypage des souches animales permet d’étudier l’origine de la contamination humaine - La Semaine Vétérinaire n° 1248 du 09/12/2006
La Semaine Vétérinaire n° 1248 du 09/12/2006

Campylobactériose

Formation continue

FILIÈRES

Auteur(s) : Florence Humbert

L’implication de la volaille dans les campylobactérioses humaines est confirmée, alors que les campylobacters issus du porc ne seraient probablement pas impliqués.

La campylobactériose, zoonose alimentaire, n’est pas soumise à une réglementation et ne dispose d’aucune mesure de lutte obligatoire, à la différence de la salmonellose, comme l’a rappelé notre confrère Gilles Salvat lors de la journée d’information consacrée à cette maladie, organisée le 10 octobre dernier à l’Institut supérieur des productions animales et des industries agro-alimentaires (Ispaia) de Ploufragan. Toutefois, la directive 2003/99 CE, qui établit le cadre de la surveillance des zoonoses, place Campylobacter dans la liste A de l’annexe 1, c’est-à-dire parmi les agents zoonotiques à surveiller en priorité.

A l’heure actuelle, les résultats des programmes de surveillance chez les animaux, menés à l’initiative de chaque Etat membre, sont hétéroclites. Ainsi, la présence de Campylobacter varie selon les pays (moins de 10 % des troupeaux de volailles touchés en Norvège et en Finlande, plus de 60 % en Autriche et 90 % en Italie). Les recherches sont réalisées chez les animaux de rente (élevage et arrivée à l’abattoir) et les viandes de volailles, de porcs et de bovins(1).

Malgré les difficultés d’interprétation de ces données disparates, les analyses montrent que les taux d’individus positifs varient de 20 à 80 % lorsque les prélèvements sont réalisés en production primaire (animaux prélevés en élevage ou à l’abattoir), quelle que soit l’espèce animale et sans qu’un rôle plus important ne puisse être attribué à telle ou telle filière. En revanche, en ce qui concerne les produits, les viandes de volailles montrent le taux de contamination le plus élevé : 20 à 80 %, contre moins de 5 % en général pour les viandes de porc ou de bovin.

2 000 cas humains sont recensés par an, mais l’incidence est estimée à 18 000

Du côté humain, en France, depuis 2002, la surveillance des souches passe par un réseau de laboratoires hospitaliers ou de villes regroupés autour du Centre national de référence (CNR) des Campylobacter et Helicobacter de Bordeaux, animé par Francis Mégraud. Cette surveillance est représentative, mais pas exhaustive, puisque seulement un tiers des laboratoires recherchent les campylobacters dans les selles de façon systématique. L’infection est surtout investiguée chez les jeunes enfants (la moitié des souches sont isolées chez les enfants jusqu’à dix ans) et les personnes âgées, chez qui l’infection présente parfois des complications sévères. Les campylobacters peuvent parfois déclencher un syndrome de Guillain-Barré, c’est-à-dire une polyradiculonévrite invalidante, mais qui rétrocède en principe naturellement. La prévalence des infections à Campylobacter dans ce syndrome, dont une centaine de cas annuels en France sont recensés, varie de 17 à 80 % selon la littérature.

Les espèces principalement isolées chez l’homme sont C. jejuni (76 %), C. coli (17 %) et C. fetus (5 %). Ce dernier est plus souvent à l’origine de septicémies et de localisations secondaires. Le nombre de cas de campylobactériose humaine recensés par le réseau de surveillance est de l’ordre de 2 000 par an, avec un pic en fin d’été. Cependant, selon des estimations, il existerait en réalité de 16 000 à 22 000 cas d’infection à Campylobacter par an, soit une incidence annuelle de 26 à 35 pour 100 000 habitants.

Les infections à Campylobacter se manifestent essentiellement sous la forme de cas sporadiques, comme l’a montré Emmanuelle Espié, du département des maladies infectieuses de l’Institut de veille sanitaire de Saint-Maurice. La détection de cas groupés passe, quant à elle, par deux systèmes complémentaires : la déclaration obligatoire des toxi-infections alimentaires collectives (Tiac) et leur signalement par le Centre national de référence (CNR). Les investigations se heurtent systématiquement à plusieurs difficultés (voir tableau 1). L’origine des Tiac est difficile à déterminer, puisqu’un agent étiologique n’a pu être isolé que pour un tiers des 3 000 foyers déclarés entre 2001 et 2005, dont seulement 26 ont été attribués à Campylobacter spp.

La norme NF EN ISO 10 272 exclut la recherche des espèces non thermotolérantes

Par ailleurs, Campylobacter est une bactérie fragile. Son isolement nécessite des conditions atmosphériques particulières (milieu appauvri en oxygène) et requiert une pratique précise et régulière. Les différentes méthodes d’isolement ont été présentées par Marie-José Laisney (Afssa de Ploufragan). Celles-ci vont des techniques classiques (qui nécessitent quatre à six jours d’analyse), aux procédés alternatifs (techniques immunologiques, PCR traditionnelle ou quantitative en temps réel).

Même si la nature de l’échantillon est importante (les campylobacters sont en plus grand nombre et en meilleur état physiologique dans un prélèvement de fèces que dans un produit de volaille par exemple), une homogénéisation des techniques selon la norme NF EN ISO 10 272 devrait peu à peu se mettre en place, sans doute par mesure de simplicité. Ce procédé consensuel est une méthode horizontale (donc applicable à tous les produits) pour la recherche et le dénombrement de Campylobacter spp. Le protocole de cette technique stipule des phases d’incubation à 41,5 °C, ce qui implique que les espèces non thermotolérantes, comme C. fetus, ne seront pas détectées.

Les Campylobacter coli isolés chez le porc diffèrent de ceux des volailles et de l’homme

Les méthodes génotypiques, qui permettent d’étudier le polymorphisme de l’ADN et de comparer les souches entre elles, ont été présentées par Kattel Rivoal (Afssa de Ploufragan).

Le génotypage des souches est à la base même du fonctionnement du Réseau d’épidémiologie et de surveillance des Campylobacter de l’Afssa de Ploufragan, mis en place par Martine Denis. Ce réseau a pour objectif de déterminer l’implication des différentes filières animales, ainsi que celle des eaux de surface dans les campylobactérioses humaines, et d’identifier les facteurs de risque de contamination de l’homme.

La comparaison génétique des souches de Campylobacter isolées en Bretagne en 2003, issues soit des filières avicoles et porcines (animaux et produits), soit d’origine humaine, a mis en évidence la présence d’isolats identiques chez les hommes et les volailles.

A contrario, chez le porc, seuls des C. coli ont été isolés, qui sont non seulement différents des isolats humains et aviaires, mais qui se classent dans des groupes de similarité génétiques (ou clusters) distincts de ces deux autres sources.

Les filières porcine et avicole auraient donc chacune leurs propres génotypes. L’importance de la volaille dans les campylobactérioses humaines est confirmée, alors que les campylobacters issus du porc ne seraient probablement pas impliqués. Les résultats suggèrent également qu’une part des cas humains pourraient être due au contact avec de la volaille pour les professionnels exposés, et pas seulement à l’ingestion d’aliments contaminés.

La maîtrise du risque Campylobacter doit concerner chaque stade de la production

Philippe Fravalo (Afssa de Ploufragan) a, quant a lui, rappelé que dans un lot de volailles, la cinétique d’apparition des campylobacters est assez immuable : détection des premiers échantillons positifs entre deux et trois semaines d’élevage, diffusion rapide à la totalité des animaux présents puis excrétion massive (parfois jusqu’à 109 campylobacters par gramme de fiente) qui persiste jusqu’à l’abattage.

Les programmes de maîtrise mis en place par les pays du nord de l’Europe reposent essentiellement sur un traitement de l’eau (à base de chlore) et une application rigoureuse des barrières sanitaires à tous les points d’entrée en élevage.

Malgré un portage digestif de la seule espèce C. coli chez le porc, qui se traduit par une contamination monospécifique des produits en amont de la filière, cela n’empêche pas certains produits frais de l’aval, au stade de la distribution, de présenter une contamination multi-espèces (C. coli, C. jejuni et même C. lari), a souligné pour sa part Catherine Magras (ENVN).

Cela confirme les multiples possibilités de contaminations croisées par contacts directs ou indirects à partir de produits de volailles en général, contaminations qui se répètent jusqu’au stade de consommation.

Les perspectives de maîtrise passent donc surtout par des tentatives de réduction du nombre de campylobacters présents sur les produits à chaque stade de la production (voir tableau 2), afin de réduire le risque pour le consommateur. « En ce qui concerne l’exposition du consommateur, il importe de sortir du dogme de la présence ou de l’absence et de recueillir le plus possible de données quantitatives, les seules exploitables dans des analyses quantitatives du risque », remarque Gilles Salvat. Par ailleurs, cette journée a permis de souligner que la résistance aux antibiotiques des campylobacters diffère selon l’espèce considérée. Chez l’homme, Francis Mégraud rapporte que plus de 90 % des souches reçues au CNR appartiennent aux espèces jejuni ou coli. Pour ces deux espèces, la résistance à l’érythromycine reste basse (3,3 %), celle à l’ampicilline est élevée (41 %) et elle est inexistante pour la gentamicine. La résistance aux tétracyclines et à l’acide nalidixique est plus élevée chez C. coli que chez C. jejuni (respectivement 47 % contre 25 % et 38 % contre 27 %). Enfin, la résistance aux quinolones (ciprofloxacine) semble s’être stabilisée à 26 % environ. Les deux traitements de choix de cette infection restent les fluoroquinolones et les macrolides. Chez les animaux, Isabelle Kempf, de l’Afssa de Ploufragan, a tout d’abord rappelé que Campylobacter n’est pas une bactérie pathogène, ni pour la volaille, ni pour le porc. La surveillance de la résistance aux antibiotiques des souches animales n’est donc effectuée que dans un contexte de santé publique.

Campylobacter chez les chiens et les chats

Le rapport de l’EFSA sur les zoonoses rapporte quatre études pour les chiens et les chats qui donnent de l’ordre de 5 % de porteurs (sauf aux Pays-Bas où une étude rapporte près de 37 % de positifs chez le chien). La part de responsabilité exacte des animaux de compagnie n’est pas encore connue. La proportion des infections à Campylobacter d’origine alimentaire est estimée à 8 % aux Etats-Unis.

F. H.
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