Le déclin des éléphants d’Asie captifs est difficile à enrayer - La Semaine Vétérinaire n° 1248 du 09/12/2006
La Semaine Vétérinaire n° 1248 du 09/12/2006

Conservation des espèces

Formation continue

FAUNE SAUVAGE ET NAC

Auteur(s) : Alain Zecchini

L’importation d’individus sauvages est une solution fortement discutée.

L’éléphant d’Afrique et l’éléphant d’Asie se portent mal en captivité. Leur reproduction est insuffisante pour assurer un renouvellement satisfaisant. Ils sont affectés de désordres psychologiques et physiologiques. Leurs structures sociales sont déséquilibrées. Ce bilan global concerne l’ensemble des mille sept cents individus présents dans les zoos et les cirques du monde entier. 60 % d’entre eux sont des éléphants d’Asie et c’est cette espèce qui semble la plus menacée. Ses taux de reproduction sont dix fois inférieurs à ceux constatés dans la nature et les taux de survie des jeunes, trois fois inférieurs. 21 % seulement des femelles sexuellement matures mettent bas, contre 95 à 96 % chez leurs congénères sauvages habituellement. En moyenne, une éléphante d’Asie (comme une éléphante d’Afrique) ne produit qu’un petit durant sa vie captive. Le sex-ratio est lui aussi insatisfaisant. Dans la nature, il s’établit à 1 : 1, mais en captivité, il est de 1 : 4 pour les zoos européens et de 1 : 6 pour les zoos nord-américains. Ces dernières disproportions ne sont pas étonnantes, car les mâles sont considérés comme difficiles à gérer en captivité, particulièrement durant leur période reproductrice, celle du musth.

Le manque de ressources des zoos constitue l’obstacle principal

C’est en Occident (Amérique du Nord et Europe) que les problèmes sont les plus importants, car cette région du monde abrite plus des trois quarts des éléphants d’Asie captifs. L’Association américaine des zoos et aquariums (AZA) estime que si les taux actuels de natalité et de mortalité de cette population persistent, elle sera, chez ses adhérents, « démographiquement morte » dans quelques décennies.

Face à cette crise, trois options principales ont été étudiées en Occident : procéder à des échanges entre établissements ; améliorer les conditions d’élevage ; importer des animaux sauvages.

La première option reste limitée. Chaque établissement ne possède que quelques individus, le choix est donc mince et, de toute façon, tous les établissements connaissent, peu ou prou, les problèmes affectant l’espèce. La deuxième direction est plus prometteuse. Il s’agit de résoudre cinq difficultés principales : l’inadaptation des installations aux besoins des pachydermes avec notamment le manque de place ; la mauvaise reproduction ; le manque d’exercice et l’obésité (les éléphants captifs des deux espèces seraient de 31 à 72 % plus lourds que leurs congénères sauvages) ; les affections, assez nombreuses (tuberculose, herpès, lésions ligamentaires et articulaires, dont l’arthrite, fréquente) ; la composition insatisfaisante des groupes sociaux (plus réduits que dans la nature, avec souvent des individus non apparentés et une pyramide des âges disproportionnée). Les mesures correctrices sont connues et ont été notamment définies pour les zoos américains(1) : multiplier largement la taille des enclos ; favoriser une activité régulière et l’exercice des animaux ; accroître la taille et la stabilité des groupes de femelles ; ouvrir des espaces supplémentaires réservés aux mâles ; soigner les affections et faire de la prophylaxie ; augmenter le nombre des soigneurs expérimentés, etc. Pour favoriser la reproduction, la méthode de l’insémination artificielle est disponible, mais elle reste d’un usage trop limité, en partie en raison de son coût. Et c’est bien souvent cette question financière qui empêche les établissements zoologiques d’entreprendre l’ensemble des réformes nécessaires, même si, depuis une vingtaine d’années, des améliorations sont apparues.

L’habitat des éléphants, la forêt, est détruit par l’exploitation de l’homme

La troisième option, l’importation, a donc été, et reste, ouverte. Elle a été pendant longtemps prioritaire, puisque 60 % des éléphants d’Asie européens captifs, par exemple, proviennent de cette source. Mais elle se réduit continuellement en raison de plusieurs facteurs : la réglementation de la CITES (en vigueur depuis 1972) qui permet l’importation, mais avec des règles strictes ; l’opposition de nombreuses organisations non gouvernementales (parmi lesquelles l’UICN et le WWF), qui considèrent qu’il faut avant tout protéger les espèces dans leur milieu naturel ; le consensus global suivant lequel toute importation doit s’accompagner d’une aide de l’établissement importateur au pays concerné, de façon, justement, à favoriser l’espèce dans son habitat. Ce qui pose de nouveau la question des ressources financières des établissements.

L’un des dossiers les plus discutés actuellement concerne celui des éléphants de Sumatra (Indonésie) qui pourraient être fournis à des zoos nord-américains(2). Il s’agirait de prêts (les animaux restant la propriété du gouvernement indonésien), permanents ou ponctuels, en échange de fournitures médicales et d’appui vétérinaire. Ces animaux proviendraient des centres de conservation pour éléphants, qui rassemblent des individus capturés pour des problèmes de prédation sur les récoltes, de “danger” pour les hommes et de réduction d’habitat. Mais ces prêts semblent soulever plus de problèmes qu’ils n’apporteraient de solutions. Ces centres sont connus pour être mal gérés et dans un état sanitaire assez déplorable. L’aide financière qui leur serait allouée, forcément limitée, ne ferait que retarder les décisions pour améliorer durablement leur fonctionnement. Et surtout, cette aide cautionnerait les captures d’éléphants, qui ne sont pas justifiées. En effet, c’est sous la pression de l’homme que les éléphants sauvages disparaissent (dans la province de Riau, à Sumatra, par exemple, 75 % des pachydermes ont été éliminés ces onze dernières années). Les survivants créent des problèmes parce que leur espace vital et leurs ressources se réduisent en raison de l’exploitation dérégulée des forêts. Un moratoire permanent sur les captures d’éléphants serait donc à exiger, avant d’accepter toute idée d’importation. Malheureusement, les auteurs de cette proposition rappellent qu’un moratoire est probablement impossible à mettre en œuvre actuellement en Indonésie. Ils n’en précisent pas les raisons, mais elles sont connues : trop d’affairisme et de corruption règnent dans ce pays.

  • (1) M. Hutchins et M. Keele : « Elephant importation from range countries : ethical and practical considerations for accredited zoos », Zoo Biology, 2006, n° 25, 2006.

  • (2) S. Hedges et coll. : « Why inter-country loans will not help Sumatra’s elephants », Zoo Biology, 2006, n° 25.

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