La guerre de la reproduction fait rage parmi les suricates - La Semaine Vétérinaire n° 1246 du 25/11/2006
La Semaine Vétérinaire n° 1246 du 25/11/2006

Contrôle des naissances

Formation continue

FAUNE SAUVAGE ET NAC

Auteur(s) : Alain Zecchini

La compétition entre femelles passe par l’infanticide et l’infécondité.

Les suricates (Suricata suricatta) sont des mangoustes grégaires, notamment connues pour la coopération dont elles font preuve envers les jeunes (voir encadré). Mais une lutte permanente n’en existe pas moins chez les femelles, pour maximiser leur succès reproductif individuel. Elle est radicale, puisqu’il s’agit soit d’empêcher la fécondité des rivales, soit de supprimer leur progéniture. De nouvelles avancées ont été faites sur ce sujet, qui synthétisent des recherches longues, effectuées entre 1995 et 2003 dans le désert du Kalahari, en Afrique du Sud.

L’agression des dominantes contre des rivales est parfaitement ciblée

Les suricates vivent en groupes de taille variable, de trois à cinquante individus. Les femelles dominantes assument l’essentiel de la reproduction, puisque 80 % de leur progéniture atteint l’âge de l’indépendance. Plusieurs mâles et femelles, qualifiés d’auxiliaires, participent à l’éducation des jeunes. Mais toutes les femelles non dominantes sont considérées comme subordonnées. Elles ont donc, a priori, peu de possibilités de transmettre leurs gènes. Pourtant, elles y parviennent dans une certaine mesure en ayant quand même accès au mâle et, surtout, en utilisant l’infanticide à l’égard des autres portées. Cette pratique « fournit pour la première fois la preuve que des femelles subordonnées dans des sociétés de vertébrés sont capables de tuer les jeunes d’autres membres du groupe », estiment les chercheurs(1). Les subordonnées gestantes suppriment aussi bien la progéniture des dominantes que celle d’autres subordonnées. Les dominantes, de leur côté, et avec davantage de succès (elles ont, par définition, la position la plus forte dans le groupe et sont aussi plus massives et plus âgées que les autres femelles), tuent les jeunes qui ne leur sont pas apparentés. Dans treize cas précisément recensés, des femelles ont tué (puis dévoré, la plupart du temps) les portées de congénères. Sur ces treize femelles dont douze gravides, sept sont dominantes contre six subordonnées. Ces six cas d’infanticides commis par des subordonnées portent dans quatre cas sur la progéniture d’autres subordonnées et dans seulement deux cas sur la progéniture de dominantes. Tous les infanticides sont survenus dans les quatre jours suivant la naissance. Des 248 portées étudiées durant les neuf années, 96 n’ont pas dépassé ces quatre jours, ce qui montre bien l’intensité de la rivalité entre femelles suricates.

Si les dominantes peuvent empêcher en partie la suppression de leur progéniture, c’est en raison de leur statut, mais aussi grâce à une tactique efficace. Quand elles sont gestantes, elles expulsent temporairement du groupe des subordonnées considérées comme “menaçantes” (déjà en âge de concevoir, gestantes elles-mêmes, ou moins apparentées). Sous l’effet du stress, la physiologie de la reproduction de ces subordonnées est affectée(2). Durant cette période (d’une durée de vingt jours en moyenne avant la mise bas de la dominante), elles ne peuvent donc ni fourrager ni dormir avec le groupe, sont régulièrement chassées et blessées par la dominante si elles s’approchent. Elles présentent des taux élevés de métabolites de glucocorticoïdes dans les fèces (dénotant un stress chronique), une perturbation du fonctionnement de l’hypophyse avec une moindre production de gonadotrophine, une forte probabilité d’avortements, des conceptions bien moins fréquentes et une perte de poids. Tous ces effets agissent en limitant la reproduction des femelles évincées. Pour les dominantes, l’avantage est réel : de nombreuses portées concurrentes étant supprimées, leurs petits pourront bénéficier davantage de l’aide fournie par les suricates auxiliaires pour leur éducation. Cela se traduit par de meilleures chances pour la croissance et la survie.

  • (1) A. Young et T. Clutton-Brock : « Infanticide by subordinates influences reproductive sharing in cooperatively breeding meerkats », Biology Letters, 22/9/2006.

  • (2) A. Young et coll. : « Stress and the suppression of subordinate reproduction in cooperatively breeding meerkats », Proceedings of the National Academy of Sciences USA, 8/8/2006.

  • (3) A. Thornton et K. McAuliffe : « Teaching in wild meerkats », Science, 14/7/2006.

Des professeurs hors pair

Si les femelles suricates sont sans pitié entre elles pour assurer leur descendance, elles montrent aussi, aidées des mâles, d’étonnantes qualités pour instruire les jeunes. Elles contribuent à leur acquisition d’une aptitude essentielle : le contrôle des proies(3). Cela est particulièrement nécessaire dans le cas des scorpions, qui ne représentent qu’une faible part (4,5 %) de la biomasse alimentaire, mais qui sont dangereux. Les suricates auxiliaires les tuent ou les mutilent (en leur arrachant le dard), en présence des jeunes. Ils leur montrent donc comment procéder. Aux plus âgés, ils apportent des proies vivantes. Ils peuvent aussi (et c’est encore plus remarquable) moduler leur offre à distance : grâce à leurs cris, ils sont renseignés sur la classe d’âge des jeunes (même hors de portée visuelle) et choisissent soit des proies vivantes, soit des proies mortes, selon l’expérience de l’apprenti. Ils restent ensuite avec eux pour observer leur manipulation des scorpions. Si les élèves n’y touchent pas, ils peuvent les y inciter, en les poussant du nez ou des pattes. Les jeunes, ensuite, n’ont pas d’hésitation pour consommer cette nourriture. Les auxiliaires modulent donc leur formation d’après les capacités des jeunes. Ce type “d’apprentissage opportuniste”, selon les chercheurs, peut être considéré comme un enseignement, car il suppose l’implication active de son auteur, à la différence d’un type passif d’apprentissage, où l’élève ne fait que constater le comportement d’un congénère et essaie de l’imiter. Dans le monde animal, jusqu’à présent, c’est bien l’imitation qui semblait être la règle. Mais c’est peut-être, soulignent les auteurs, parce que la démonstration d’un cas d’enseignement actif, comme celui des suricates, demande un long travail d’observation.

A. Z.
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