Les anatomistes explorent la différence de taille entre les onglons interne et externe - La Semaine Vétérinaire n° 1244 du 11/11/2006
La Semaine Vétérinaire n° 1244 du 11/11/2006

Pied des bovins

Formation continue

RURALE

Auteur(s) : Catherine Bertin-Cavarait

Réalisées pour la première fois par des chercheurs suisses, des mesures du pied des bovins établissent des connaissances fondamentales, utiles au savoir-faire mis en œuvre lors du parage fonctionnel.

Comment pouvons-nous redonner à un pied de bovin qui a grandi trop vite une forme normale et quels sont les points critiques de cette forme qui permettent de garantir une fonction correcte à ce pied ? » Ces deux questions sont posées dans l’éditorial écrit par notre confrère David Logue(1) et ses collaborateurs dans le Veterinary Journal publié en septembre dernier(2). « Répondre à la deuxième question est difficile », précise cet enseignant chercheur. Dans le même numéro de la revue, deux vétérinaires de la faculté de médecine vétérinaire de l’université de Zurich (Suisse), Karl Nuss et Norbert Paulus, apportent des éléments de réponse(3). Ces chercheurs ont mesuré les onglons de quarante pieds postérieurs sains, fournis par quarante vaches de race simmental. Ces femelles étaient âgées de 2,6 à 11,8 ans et pesaient en moyenne 605 kg (de 477 à 735 kg). Lors du traitement des données, elles ont été réparties en deux groupes, les animaux de moins et de plus de trente-six mois. Karl Nuss et Norbert Paulus avaient pour objectif la confirmation des trois hypothèses suivantes :

- le strict respect des principes du parage fonctionnel, soit le parage de la sole latérale exactement au même niveau que la sole médiale, conduit à une sole anormalement fine de l’onglon latéral ;

- il existe une différence anatomique entre les onglons latéraux et les onglons médians. Cette différence concerne non seulement la taille de la boîte cornée, mais également celle du tissu podophylleux (encore appelé chorion ou derme) ;

- la façon de parer les pieds des jeunes animaux doit être différente de celle des animaux âgés.

L’étude a été menée en trois étapes. Dans un premier temps, la corne de chaque onglon, interne et externe, a été parée de façon à obtenir la même épaisseur de corne, soit pour chaque onglon exactement 5 mm d’épaisseur à la pointe et 8 mm d’épaisseur à proximité du bourrelet du talon. Afin de faciliter les comparaisons, le creux axial n’a pas été réalisé. Quatre trous de 14 mm de diamètre ont été creusés dans la sole. L’épaisseur de la sole a pu être mesurée aux quatre endroits, ainsi que sur les quatre côtés de la cavité (voir schéma 1).

Ont également été mesurés la longueur de la paroi dorsale, l’angle paroi dorsale-sole, la longueur, la hauteur et la largeur du bourrelet du talon, la longueur de l’onglon, la longueur et la largeur de la sole, la surface et la circonférence de la sole (voir schémas 2 et 3 en pages 50 et 52).

Dans un deuxième temps, la sole de l’onglon latéral (ou externe) a été parée de façon qu’elle soit au même niveau que celle de l’onglon médial (ou interne), en accord avec les recommandations édictées par Toussaint Raven en 1989 (voir encadré). Les mesures citées dans le paragraphe précédent ont été renouvelées.

Puis, dans un troisième temps, la boîte cornée du sabot a été ôtée et la longueur de la “paroi”, l’angle “paroi dorsale-sole”, la hauteur et la largeur du bourrelet du talon ont été mesurés sur la surface du chorion.

A même épaisseur de sole, la longueur du pied augmente avec l’âge des vaches

Après la première étape, qui a permis d’aboutir à une épaisseur de sole identique entre les onglons latéraux et médians, les données mesurées ont été traitées de façon d’une part à comparer les onglons internes et externes entre eux et d’autre part à objectiver les variations du pied dans le temps selon l’âge de la vache.

Les dimensions de l’onglon latéral sont supérieures à celle de l’onglon médian. Des différences significatives (p < 0,01) entre l’onglon latéral et l’onglon médial sont notées pour la diagonale de la sole, la longueur de la sole, la largeur de l’onglon, la largeur du bourrelet du talon, la surface de la sole et la circonférence de la sole (voir schéma 1 en page 48). Pour les deux onglons, il y a une corrélation significative entre la circonférence de la sole et l’âge, avec un coefficient de corrélation pour l’onglon latéral r = 0,577 et pour l’onglon médian r = 0,487.

La longueur de la paroi dorsale, appelée la longueur du pied, augmente avec l’âge, sans différence significative entre les onglons externes et internes. Quant à l’angle paroi dorsale-sole, il est plus important dans le groupe des vaches âgées de moins de trente-six mois, comparé à celui mesuré dans le groupe des vaches âgées de plus de trente-six mois. Il diminue significativement avec l’âge.

Quel que soit l’âge des animaux, le bourrelet (ou bulbe) du talon de l’onglon latéral est significativement plus haut (p < 0,01) que celui de l’onglon médial. Sa hauteur ne varie pas avec l’âge, alors que la hauteur du bourrelet du talon de l’onglon médial diminue significativement avec l’âge (p < 0,05). Le chercheur, en accord avec les recommandations de Toussaint Raven, conseille de laisser le bulbe médial aussi haut que possible.

Le parage fonctionnel peut conduire à une sole trop fine de l’onglon latéral

Après le réglage de la surface portante (deuxième étape), la sole de l’onglon latéral devient significativement plus fine que celle de l’onglon médial (p < 0,01). Chez les jeunes vaches, cette différence est plus prononcée que chez les plus âgées (voir tableau 1). Ces mesures corroborent la première hypothèse posée par les deux chercheurs. Dans leur discussion, Karl Nuss et son équipe pointent, à ce propos, le fait que dans la pratique, le parage est conduit visuellement et n’est pas fondé sur des mesures exactes (voir encadré en page 48).

Les mesures aux quatre points de la sole révèlent que l’épaisseur de celle-ci varie significativement selon la localisation du trou, avec une épaisseur de sole significativement supérieure dans la région du creux axial (voir tableaux 1 et 2). Ces différences d’épaisseur mettent en exergue l’importance du creux axial. En effet, si elle était parée complètement plate, la sole aurait une capacité moindre à absorber les chocs lors de la marche. Aussi, les auteurs recommandent d’étendre le creux axial à la zone de la sole (voir photo 1).

Toujours à la suite du réglage de la surface portante, la longueur de la paroi dorsale de l’onglon externe est plus courte que celle de l’onglon interne, de 3 mm en moyenne chez les plus jeunes vaches et de 1,6 mm chez les plus âgées.

Parmi les quarante pieds pieds, douze onglons médians (30 %) et onze onglons latéraux (27,5 %) avaient une paroi dorsale dont la longueur était supérieure ou égale à 80 mm. Pour ces animaux, le parage doit donner à l’onglon médial une longueur de paroi dorsale supérieure aux recommandations édictées par Toussaint Raven en 1989 (voir encadré en page 48). D’autre part, des publications datées de 1999 et de 2000 préconisent également des longueurs de pieds supérieures pour les vaches les plus âgées et les plus lourdes. De plus, une réduction excessive de la sole conduit à former un pied ayant un talon trop bas, d’où un déplacement du poids vers l’arrière du pied et une surcharge, en particulier au niveau de la protubérance de l’os pédieux.

Quel que soit l’âge des animaux, à la suite de la mise au même niveau des deux onglons, une circonférence et une surface moyennes de la sole des onglons latéraux significativement supérieures sont constatées.

Pour ce qui est des mesures des bourrelets des onglons, celui de l’onglon latéral est légèrement plus haut que celui de l’onglon interne.

L’angle paroi dorsale-sole varie de 48,2° à 51,4° chez toutes les vaches. Après la mise à niveau des deux onglons, leur capsule cornée a été ôtée et les mesures renouvelées. Les longueurs dorsales moyennes de la surface du chorion de l’onglon interne et de l’onglon externe ne diffèrent pas significativement. Néanmoins, cette longueur est significativement supérieure chez les vaches les plus âgées (plus de trente-six mois).

La surface du chorion de l’onglon latéral est plus longue et se prolonge du côté distal

La longueur moyenne diagonale de la surface du chorion de l’onglon latéral est significativement supérieure à celle de l’onglon médial, quel que soit l’âge de la vache. En revanche, aucune variation avec l’âge n’est observée pour l’angle de la pointe de l’onglon. Les mesures effectuées dans la zone du bourrelet du talon montrent que, pour l’onglon latéral, la hauteur augmente avec l’âge. La surface du chorion de l’onglon latéral dépasse nettement celle de l’onglon médial (voir photo 2). Ces travaux suggèrent que la surface du chorion de l’onglon externe n’est pas simplement plus longue que celle de l’onglon interne, mais se prolonge également du côté distal. Selon les chercheurs, les travaux récents de Marta Räber(4) ne corroborent pas le fait qu’une hypertrophie des tissus mous entre la sole et la troisième phalange est due à une augmentation de la charge sur l’onglon. En revanche, une origine anatomique, soit l’onglon latéral plus long que l’onglon médial, est une piste pertinente. En outre, des recherches menées chez des veaux, en 2004, mettent en évidence un condyle latéral du métatarse des veaux plus long que le condyle médial. Cette différence peut être responsable de la longueur supérieure de l’onglon externe. La divergence de taille et de longueur des deux onglons peut conduire à une surcharge de l’onglon latéral, en particulier sur les surfaces dures.

  • (1) David N. Logue est docteur vétérinaire à l’université vétérinaire de Glasgow (Royaume-Uni).

  • (2) D. N. Logue et coll. : « Improving claw trimming in cattle : onwards from the dutch technique », Guest editorial, The Veterinary Journal, 2006, n° 172, pp. 204-206.

  • (3) K. Nuss et coll. : « Measurements of claw dimensions on cows before and after functional trimming : a post portem study », The Veterinary Journal, 2006, n° 172, pp. 284-292.

  • (4) Voir La Semaine Vétérinaire n° 1206 du 17/12/2005.

Les principes du parage dit « hollandais »

Quelle que soit la technique utilisée, le parage a un unique et même objectif, le retour du sabot à une forme et à une fonction normales. Néanmoins, la définition de la normalité varie selon la race et pour un animal donné selon son environnement. La longueur de l’arête dorsale de la muraille de l’onglon et ses angles sont habituellement les mesures associées à l’évaluation nécessairement subjective de la normalité du pied d’un bovin. Ces mesures ont été déterminées par Toussaint Raven et ses collaborateurs en 1989. En effet, ils sont les premiers à développer et à appliquer les principes scientifiques à l’art du parage des onglons des bovins, d’où la dénomination de la « dutch technique », ou « technique hollandaise ».

Le principe de base consiste à restaurer une égale répartition des pressions sur le vif de chaque onglon d’un même pied. En prélude, l’observation de l’animal est essentielle. Posture, démarche, aplombs, posé du pied sont les premiers indicateurs de l’intervention. Toussaint Raven considère que, pour une vache holstein, la longueur de pied de référence est de 75 mm, à laquelle il faut ajouter 5 mm d’épaisseur de sole. Dans un premier temps, la sole de l’onglon médial est parée selon ces recommandations, puis l’onglon latéral (externe) est paré au même niveau que celui de l’onglon médial, « seulement si c’est possible », avait précisé Toussaint Raven. En effet, il a toujours souligné qu’il est parfois impossible d’éviter de créer une sole trop fine pour l’onglon latéral en le parant au même niveau que l’onglon médial. Ainsi, Karl Nuss et Norbert Paulus considèrent que l’épaisseur de la sole est le point critique de la longueur de la paroi dorsale.

Catherine Bertin-Cavarait

POUR EN SAVOIR PLUS

• Manuel des soins et traitement des onglons chez le bovin, Christoph Lisher et coll., 1re édition, 1999, édition et diffusion lmz, www.edition-lmz.ch

• Soins des onglons des bovins, parage fonctionnel, E. Toussaint Raven, édition 1999, les Presses Agronomiques de Gembloux, www.bib.fsagx.ac.be/presses/catalogue/ reference/37html

• Parer les pieds des bovins, pourquoi ? Comment ? 1996, Institut de l’élevage, www.inst-elevage.asso.fr

• Quels repères pour un parage sécurisé ?, C. Bertin-Cavarait, Pfizer Santé animale.

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