Issues de la médecine humaine, les techniques du froid gagnent la pratique vétérinaire - La Semaine Vétérinaire n° 1242 du 21/10/2006
La Semaine Vétérinaire n° 1242 du 21/10/2006

Cryochirurgie et cryothérapie

Gestion

S'ÉQUIPER

Auteur(s) : Raphaële Dupré

A l'instar d'autres méthodes qui reposent sur l'électricité, les ultrasons, la chaleur, etc., le froid peut être utilisé en chirurgie ou dans le traitement de la douleur.

La cryochirurgie permet de détruire des tissus par congélation de ceux-ci. Sous l'action du froid, la déshydratation des cellules, la formation de cristaux de glace intracellulaires et extracellulaires et la dénaturation des protéines provoquent une stase vasculaire et donc une thrombose, une ischémie et la mort des cellules. Elle est particulièrement utile dans le cadre des tumeurs, notamment cutanées où elle peut parfois être employée sans anesthésie (verrues, papillomes, tumeurs palpébrales, adénomes sébacés, etc.). Elle est aussi utile pour traiter les marges tumorales.

Les appareils de cryochirurgie se présentent sous la forme de pistolets reliés à des bouteilles de gaz (NO2 ou CO2). A l'aide de cryosondes de différentes formes, ils permettent d'appliquer de façon précise et rapide un froid intense grâce aux gaz sous pression (- 89 °C pour le NO2, - 69 °C pour le CO2). L'application d'un froid puissant peut provoquer une destruction tissulaire mise a profit en cryochirurgie.

Des dispositifs plus légers existent aussi sous forme de stylos contenant une cartouche de gaz sous pression (NO2 à - 89 °C).

Dans le cadre de la chirurgie cutanée, ces stylos sont plus maniables et d'un coût plus modique.

Des dispositifs spécifiquement adaptés au traitement des verrues sont maintenant disponibles en médecine vétérinaire. Sous la forme d'applicateurs en mousse, ils permettent de congeler les verrues et donc de les éliminer.

La cryothérapie au CO2 hyperbare constitue une méthode d'avenir

La cryothérapie, pour sa part, est beaucoup moins connue en médecine vétérinaire. Des méthodes utilisant des vessies de glace, des sprays ou encore des compresseurs à air réfrigéré mettent déjà à profit certaines caractéristiques du froid. La cryothérapie est différente, car elle utilise un froid beaucoup plus intense et sec.

Employée largement en médecine humaine, notamment en médecine sportive, dans les traitements postopératoires des interventions ostéo-articulaires et en kinésithérapie, elle a fait son apparition en médecine vétérinaire équine et son application s'étend désormais aux chiens “athlètes” tels que les chiens de traîneaux ou de secours. Elle consiste à appliquer un froid intense et puissant sur une courte période. Les propriétés analgésiques et antalgiques du froid sont recherchées, utilisant les effets du choc thermique, réaction générale de l'organisme à l'application locale du froid.

La cryothérapie met à profit les différents effets du froid. Celui-ci diminue la douleur, car il ralentit la conduction nerveuse, ainsi que la flexibilité et l'élasticité musculaire, il augmente la raideur mais, la douleur s'atténuant, la mobilité réapparaît en suite. Il entraîne par ailleurs une vasoconstriction capillaire puis, par effet rebond, une vasodilatation. Enfin, il diminue l'œdème.

La cryothérapie, en générant une réaction locale, induit une réaction générale : le choc thermique. Lorsque la température de la peau descend à moins de 4 °C, les récepteurs cutanés et sous-cutanés sont activés et transmettent l'information au diencéphale. Celui-ci déclenche, dans un laps de temps court, une réponse neurovégétative. Au niveau vasculaire, une vasoconstriction initiale est rapidement suivie d'une vasodilatation et d'un blocage de la nociception. Cette réaction confère à la cryothérapie une action anesthésique, anti-inflammatoire, vasomotrice, une action sur les membranes semi-perméables et un effet myorelaxant.

L'action analgésique est rapide grâce au ralentissement de la conduction nerveuse. La destruction de certaines en zymeset, pour d'autres, le ralentissement de leur production provoqué par le froid, sont à l'origine de l'effet anti-inflammatoire. La vasoconstriction initiale est rapidement suivie d'une vasodilatation réflexe, puis d'une alternance de vasoconstriction et de vasodilatation, qui dure entre quinze et trente minutes. L'action sur les membranes semi-perméables est à l'origine de l'effet anti-œdémateux. Enfin, l'effet myorelaxant semble dû à plusieurs mécanismes, mais son origine reste mal connue.

La thérapie par le froid nécessite une température particulièrement basse (au moins - 60 °C) afin de provoquer le choc thermique rapidement ainsi un débit important pour que l'application soit la plus courte possible et n'entraîne pas de destruction tissulaire. D'autre part, le froid doit être sec, car l'application d'un froid humide est douloureuse.

Le gaz carbonique anhydre, comprimé à 50 bars, fournit un froid de - 78 °C, indolore et suffisamment puissant pour abaisser la température à 4 °C, en quelques secondes ou minutes, provoquant ainsi le choc thermique. C'est la technique utilisée par le Cryo one® de la société Cryonic. Cet appareil délivre du CO2 pur à 99,99 %, sec, rapidement et puissamment.

L'application du froid se fait à l'aide d'un pistolet et d'une buse qui délivre le gaz sous pression. Le traitement consiste à effectuer un mouvement de balayage de la zone à traiter en évitant de rester sur un point fixe. La formation de cristaux de carboglace est progressivement visible sur la surface cutanée. L'abaissement de la température de la peau est contrôlée par un thermomètre laser, intégré au pistolet ou indépendant.

Il convient que la zone à traiter soit sèche. En revanche, la présence de plaies ou de cicatrices ne constitue pas un obstacle, car le CO2 est un gaz bactériostatique et fongicide. La présence des poils n'est pas non plus un frein à la cryothérapie, mais la quantité de gaz nécessaire est alors doublée par rapport à une peau tondue.

Des protocoles de traitement ont été mis au point en médecine équine

La cryothérapie est pour l'instant utilisée surtout en médecine équine. Ses applications sont multiples et quelques protocoles d'utilisation sont d'ores et déjà validés et préconisés pour l'appareil Cryo one®.

Elle est appliquée dans le traitement des dorsalgies, des suros, des épiphysites et des contractures par le biais de son action sur les “points détente” (zone d'hyperexcitabilité dans un tissu qui, lorsqu'une pression lui est appliquée, est localement sensible et donne naissance à une douleur référée). Dans ce protocole, une seule séance suffit le plus souvent, d'une durée de trente secondes à une minute pour atteindre le choc thermique, et autant pour l'entretenir. Les résultats sont visibles en dix minutes.

Son action sur l'inflammation et l'œdème est mise à profit dans le traitement des arthrites, des périarthrites, des ténosynovites et des bursites. Des séances répétées d'une à plusieurs minutes sont préconisées, une à trois fois le premier jour, puis une séance quotidienne pendant trois à cinq jours. La déformation se résorbe dès trois heures après le premier traitement. La douleur, elle, diminue immédiatement.

Enphasepostopératoire, des protocoles de traitement sont validés pour les tendons, l'anneau et le ligament suspenseur du boulet, les grassets, etc. Moins d'une minute et demie toutes les trois heures le jour de l'intervention suffisent à améliorer le confort postopératoire et à éviter l'œdème les jours suivants.

La cryothérapie est aussi employée sur les tendons et les ligaments, avant et après l'exercice, afin de diminuer les œdèmes, la sensibilité, les troubles de la locomotion, etc. L'appareil est utilisé entre trente minutes et deux heures avant, et immédiatement après, dès que la peau et les poils sont secs.

Enfin, un protocole vise à traiter les hématomes de tous types. Trois à cinq séances de balayage sur la surface de l'hématome toutes les quarante-cinq minutes suffisent à obtenir sa rétractation.

Les contre-indications de la cryothérapie ne sont pas connues chez le cheval. Mais chez l'homme, l'allergie au froid, le syndrome de Raynaud, les troubles de la sensibilité cutanée, la cryoglobulinémie, le diabète et les maladies métaboliques empêchent son utilisation. Localement, il existe un risque de geler la peau en utilisant la buse trop près ou trop longtemps.

Ces applications sont maintenant étendues aux chiens de secours et de traîneaux, sensibles aux affections liées a l'effort.

Il ne fait aucun doute que, dans un avenir proche, comme en médecine humaine, de plus en plus de structures vétérinaires s'équiperont d'appareils de cryothérapie. Les protocoles et le cadre de leur utilisation restent toutefois à définir.

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