Le traitement du polype s’effectue par traction/rotation - La Semaine Vétérinaire n° 1241 du 14/10/2006
La Semaine Vétérinaire n° 1241 du 14/10/2006

Polypes nasopharyngés chez le chat

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Pierre Guillaumot*, Cyrill Poncet**, Bernard Bouvy***

Fonctions :
*praticien au service de chirurgie du centre hospitalier vétérinaire Frégis (Arcueil, Val-de-Marne).
**praticien au service de chirurgie du centre hospitalier vétérinaire Frégis (Arcueil, Val-de-Marne).
***praticien au service de chirurgie du centre hospitalier vétérinaire Frégis (Arcueil, Val-de-Marne).

Les polypes nasopharyngés font partie du diagnostic différentiel des causes de dysphagie, de dyspnée haute et de jetage nasal récurrents dans l’espèce féline.

Typiquement, le polype nasopharyngé est constaté chez un jeune chat de moins de trois ans (même si des cas ont été rapportés chez des animaux plus âgés, jusqu’à dix-huit ans) qui présente des sifflements respiratoires, des ronflements, une modification du miaulement, un jetage nasal et une dysphagie qui ne rétrocèdent pas à la suite du traitement médical ou récidivent après une brève amélioration. Ces symptômes locaux sont la conséquence de la gêne locale due au polype. Des signes d’atteinte de l’oreille moyenne, voire interne, peuvent être associés. Un syndrome de Claude Bernard-Horner (enophtalmie, ptose palpébrale, anisocorie, procidence de la troisième paupière), des troubles de l’équilibre ou une tête penchée sont parfois observés dans les cas sévères. La localisation anatomique de ces néoformations inflammatoires peut rendre le diagnostic ardu, et souvent tardif.

Le diagnostic se fait par l’observation directe de la région chez l’animal anesthésié

Le diagnostic de l’affection peut se faire sur la base d’une suspicion clinique, à la faveur d’un examen local de la région réalisé chez l’animal anesthésié, en décubitus dorsal, après la rétraction du palais mou à l’aide d’un instrument adapté. Parfois, la mise en évidence du polype par une observation directe est difficile, car ce dernier, pédiculé, peut se “rétracter” jusque dans la région des choanes. Il est alors possible de palper le polype avec le doigt au travers du palais mou, et de le faire ressortir vers le nasopharynx. Un fibroscope souple en rétrovision dans le nasopharynx peut également être utilisé. Cette étape diagnostique peut être l’occasion du premier temps du traitement chirurgical, à savoir l’avulsion du polype par traction/rotation autour de son pédicule.

Il arrive que le diagnostic soit établi à la faveur d’un examen d’imagerie de la région touchée. La radiographie de profil de la zone pharyngée peut faire apparaître une densité de tissu mou encombrant le nasopharynx. Les radiographies du crâne en vues de face, obliques, et rostrocaudale, bouche ouverte, sont utiles pour mettre en évidence une atteinte des bulles tympaniques (densification de la paroi osseuse ou opacité liquidienne dans la bulle). En effet, une grande majorité des animaux souffrant de polypes nasopharyngés présentent aussi une atteinte de l’oreille moyenne. Dans ce cadre, selon l’accessibilité de l’examen, le scanner ou l’imagerie par résonance magnétique (IRM) ont l’avantage d’imager avec plus de précision la région pharyngée et de déterminer avec acuité le degré d’atteinte de l’oreille moyenne, voire du conduit auditif (voir photos 1a, 1b et 1c).

L’origine étiologique exacte des polypes nasopharyngés reste incertaine.

D’aspect macroscopique, il s’agit de masses ovales à elliptiques dont la taille peut varier (quelques millimètres jusqu’à un à deux centimètres de diamètre), de couleur rosée rouge ou blanche, souvent luisantes du fait de leur surface muqueuse, reliées par un long et fin pédicule à la muqueuse du nasopharynx ou de l’oreille moyenne (voir photo 2). Leur origine physique est rarement identifiable avec précision, mais se localise généralement à proximité ou dans la trompe d’Eustache, ou dans l’oreille moyenne. Certains arguments plaident en faveur d’une origine systématique du pédicule au niveau de l’oreille moyenne. En effet, le taux de récidive après le curetage de la bulle tympanique est plus faible que sans ce curetage. Cela se vérifie même lorsque la radiographie ne montre aucun signe d’atteinte auriculaire moyenne. Certains polypes nasopharyngés s’accompagnent de polypes auriculaires qui s’étendent dans le conduit auditif externe (l’origine des deux polypes serait alors commune dans la bulle, soit après une effraction du tympan, soit après le passage dans la trompe d’Eustache). L’analyse histologique après l’exérèse révèle une nature purement inflammatoire. La relation causale entre l’inflammation et les polypes reste à préciser, même si l’hypothèse la plus couramment admise est que les polypes sont des néoformations inflammatoires secondaires. Des calicivirus ont été isolés de polypes félins à plusieurs reprises, sans que leur rôle dans la genèse de ces derniers ait été clairement montré. Expérimentalement, la ligature des trompes d’Eustache a été responsable de l’apparition de polypes.

Le traitement des polypes nasopharyngés fait appel à la chirurgie. Le premier temps opératoire est l’avulsion locale du ou des polypes par traction/rotation autour de son pédicule. Cette opération peut se faire après une simple rétraction en avant du palais mou à l’aide d’un instrument pour visualiser le polype (voir photo 3a). L’observation et la visualisation du polype se font cependant plus facilement après un abord transpalatin, qui consiste à inciser le palais mou sur 1,5 à 2 cm, à quelques millimètres de sa jonction avec le palais dur (voir photos 3b, 3c et 3d). Il est ainsi possible d’accéder à la région d’origine du polype, à savoir l’orifice de la trompe d’Eustache qui, en général, est obstrué par le ou les polypes.

Cet abord autorise également, dans la plupart des cas, la latéralisation de l’origine du polype, lorsque aucun élément clinique précédent ne permet de la connaître. Le polype est saisi à l’aide d’une pince d’Allis ou d’un clamp courbe, et une rotation régulière complétée d’une traction modérée permet de faire céder sa base, dans le but d’obtenir tout ou la plus grande partie du pédicule, afin d’éviter les récurrences. La traction/excision du polype peut se faire avec un fibroscope souple (quand il a été utilisé pour le diagnostic par exemple). Cependant, cette technique ne paraît pas présenter d’avantage majeur compte tenu de la commodité de l’opération en vision directe.

Le curetage de la bulle est recommandé lors d’atteinte de l’oreille moyenne

Lorsque les méthodes d’imagerie montrent une atteinte de l’oreille moyenne (comblement liquidien/tissulaire, réaction osseuse des parois de la bulle tympanique visible au scanner ou à la radiographie), il est généralement recommandé de procéder à un curetage de celle-ci. L’abord ventral est préféré en cas de polype nasopharyngé simple, car il permet une approche facile de la bulle et n’implique pas de changement de position de l’animal après le retrait local du ou des polypes (voir photo 4a). Si le polype nasopharyngé est associé à un polype qui envahit le conduit auriculaire (cas plus rare), le curetage de la bulle se fait par voie latérale après l’ablation totale du conduit (voir photo 4b). Quel que soit l’abord de la bulle, la paroi ventrale est réséquée pour permettre un curetage efficace de l’intérieur, et son comblement ultérieur s’effectue par un tissu de granulation cicatriciel.

Le syndrome de Claude Bernard-Horner constitue une complication fréquente

Une complication fréquemment observée au moment de l’excision des polypes est l’apparition, généralement transitoire, de quelques jours à quelques semaines d’un syndrome de Claude Bernard-Horner, immédiatement en phase postopératoire (voir photo 5). Cette complication est observée qu’un curetage de la bulle tympanique ait été ou non associé à l’avulsion du polype. Un syndrome vestibulaire peut également survenir, indépendamment de la réalisation du curetage.

Lors de l’abord de la bulle tympanique, le risque d’apparition d’une perturbation d’ordre neurologique est plus élevé (syndrome de Claude Bernard-Horner, syndrome vestibulaire ou encore atteinte du nerf facial avec parésie/paralysie palpébrale lors de la dissection des tissus mous). Cependant, le risque d’observer une récidive est bien supérieur après une traction/avulsion simple qu’après l’utilisation de la technique qui associe le curetage de la bulle tympanique. L’origine probable des polypes dans cette dernière conduit à indiquer son curetage pour réduire le risque de récidive, que des signes radiologiques d’atteinte auriculaire moyenne soient mis en évidence ou non. Un taux de récidive d’environ 2 % a été décrit avec le curetage de la bulle par un abord ventral associé à la traction/avulsion. Ce taux est beaucoup plus élevé lors d’avulsion simple (environ 30 % des cas). Toutefois, si un traitement corticoïde postopératoire est instauré pendant quatre semaines (à la posologie de 1 à 2 mg/kg/j pendant quatorze jours, puis à doses dégressives sur la même période), le taux est réduit à environ 10 %.

Si aucune atteinte auriculaire moyenne clinique n’est observée (syndrome de Claude Bernard-Horner ou encore syndrome vestibulaire), et en l’absence de polype auriculaire externe associé, la réalisation d’une traction/avulsion du polype, suivie d’un traitement corticoïde postopératoire à hautes doses dégressives, demeure le traitement de choix.

En cas de rechute, d’une atteinte marquée de l’oreille moyenne ou bien de polype de l’oreille externe, le curetage de la bulle est indiqué afin d’éviter le risque élevé de récidive.

BIBLIOGRAPHIE

  • • K.E. Donnelly, D.M. Tillson : « Feline inflammatory polyps and ventral bulla osteotomy », Comp. Contin. Educ. Pract. Vet., juin 2004, pp. 446-454.
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