Il ne sert à rien de plâtrer une jambe de bois ! - La Semaine Vétérinaire n° 1240 du 07/10/2006
La Semaine Vétérinaire n° 1240 du 07/10/2006

Cursus et eurocompatibilité. Enseignement vétérinaire français

Actualité

Auteur(s) : Marine Neveux

La récente réforme du cursus soulève la problématique de l’eurocompatibilité des études vétérinaires et certains écueils. Une réunion a eu lieu à ce sujet le 3 octobre.

La non-reconnaissance du cursus de l’enseignement vétérinaire français et, de ce fait, l’avis négatif émis par l’Association européenne des établissements d’enseignement vétérinaire (AEEEV) et la Fédération vétérinaire européenne (FVE) à la suite de l’évaluation de l’école de Lyon étaient à l’origine de la réunion organisée le 3 octobre dernier par l’Ordre, destinée à sensibiliser l’ensemble des parties prenantes. En effet, « il ne faut pas en rester au statu quo », a déclaré Stéphane Martinot, directeur de l’école de Lyon. « Il faut aujourd’hui aller au-delà de la justification du cursus français pour faire avancer les choses », a renchéri Christian Rondeau, président du Conseil supérieur de l’Ordre.

La problématique suscite un vif intérêt, comme en témoigne la présence à cette rencontre des représentants de toutes les organisations et instances professionnelles françaises et européennes, mais aussi celle des étudiants, soucieux de leur avenir et de la définition du vétérinaire de demain.

Ceux qui “vivent” aujourd’hui la réforme de l’enseignement vétérinaire ont fait part de leurs constats : problème de la transition entre les deux cursus (fusion de deux promotions), de l’eurocomptabilité, interrogation sur les frais liées à une éventuelle sixième année, sur la reconnaissance de leur diplôme, leur date de sortie de l’école vétérinaire, etc. La somme des connaissances à acquérir en peu de temps, la suppression d’une année clinique de base et la diminution du temps restant pour réaliser la thèse sont trois conséquences directes de la “condensation” du cursus mises en exergue. Quant au référentiel, il n’est pas toujours complet et se met parfois en place dans l’urgence.

Jean-Louis Buër, directeur général de l’Enseignement et de la Recherche, a insisté sur sa volonté de ne pas faire « la réforme de la réforme, pour la réforme. Il convient d’abord de réfléchir au professionnel que nous souhaitons former pour demain ». Une réflexion qui a déjà été menée à bien par la profession, estime Pierre Lekeux, doyen de la faculté vétérinaire de Liège. Pour lui en effet, la vraie question est aujourd’hui « de savoir si la France désire jouer seule ou veut s’intégrer dans un contexte européen ». « Vu de l’extérieur, la réforme actuelle semble morte, mais j’ai l’impression que la réflexion qu’elle a générée était utile », poursuit-il. Comme les autres intervenants, il juge que « ce n’est pas en posant un plâtre sur une jambe de bois que les choses progresseront ». « En France, [les intervenants de l’enseignement vétérinaire] ont entre les mains une bombe prête à exploser. S’il ne faut pas se précipiter, il ne faut pas non plus reporter le problème », conclut-il.

Eviter “le plâtrage” et privilégier la remise à plat

Le délai souhaité par Jean-Louis Buër avant la mise en place d’une réforme de la réforme paraît déjà long à beaucoup, notamment aux étudiants qui ont tiré le signal d’alarme voici plusieurs mois déjà et dont l’inquiétude s’accroît au fur et à mesure que leurs années d’études défilent. En outre, plusieurs intervenants ont souligné que la nécessité de respecter l’eurocompatibilité en termes de cursus d’enseignement n’est pas une nouveauté et aurait dû constituer une préoccupation plus tôt. « Nous devons aujourd’hui agir dans la précipitation, car les prédécesseurs n’ont pas tenu compte des analyses effectuées », déplore Dominique Picavet, enseignant à l’école de Toulouse.

Par ailleurs, au problème de l’eurocompatibilité s’ajoute celui de la compression du programme d’études en quatre années. « Ne devrait-on pas s’interroger sur le bien-fondé de l’ajout d’une cinquième année ? », s’est interrogé Rémi Gellé, président du Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral (SNVEL). Notre confrère a aussi souligné « le problème du contact avec l’animal qui fait défaut en classe préparatoire, mais également dans le reste du nouveau cursus ». « J’attends que nous nous donnions le droit, avec notre administration de tutelle, de mettre à plat le système et non d’effectuer un simple plâtrage. Il convient aussi de réfléchir au financement des écoles, public et/ou privé, tout en veillant à leur nécessaire indépendance. »

La France ne peut choisir de s’abstraire du cadre européen

« Je vous prie de réformer votre cursus », a insisté Marcel Wanner, président de l’AEEEV, avant de poursuivre : « Je suis inquiet, car je ne veux pas perdre les écoles françaises. Il vous faut accepter que les études durent cinq ans. » Un point de vue repris pas Tjeerd Jorna, président de la FVE. « On se saurait s’abstraire du cadre européen. La France ne peut pas s’affranchir de la directive de l’Union », a également reconnu Christian Rondeau. « Sur le terrain, nous constatons que le cursus français n’est pas adapté à l’Europe. Il faut donc le faire évoluer », a renchéri Jean-Yves Gauchot, président de l’Association vétérinaire équine française (Avef).

La problématique est aussi vécue par le corps enseignant, comme l’a illustré l’intervention de François Crespeau, de l’école d’Alfort : « La réforme du cursus vétérinaire mise en place a d’emblée été fondée sur l’illusion d’une translation de matières vétérinaires vers le cycle préparatoire. » Notre confrère n’a pu que faire le constat de la diminution de temps alloué au cycle fondamental, déjà fort encombré et auquel se sont en outre ajoutées de nouvelles disciplines. Cela pourrait avoir des conséquences sur le cycle clinique, pourtant important au niveau professionnel. « Or il est nécessaire que les étudiants aient le temps de prendre la responsabilité clinique. Je redoute que demain ils ne soient plus imprégnés par les sciences cliniques. » Certains redoutent en outre que le temps alloué à la thèse ne devienne virtuel.

« Il est illusoire de compter sur les nouvelles techniques d’enseignement pour gagner en efficacité. Il faut du temps. On ne peut pas demander à nos étudiants de s’autoformer sans leur en laisser le temps », a remarqué Jeanne-Marie Bonnet, enseignante à l’école de Lyon.

Plusieurs intervenants ont en outre mis en exergue les répercussions d’une absence de compatibilité européenne de l’enseignement en termes d’échanges internationaux, dans le cadre des programmes Erasmus et Socrates.

« Nous ne voulons pas que la formation continue s’applique à des vétérinaires bonzaïs »

« La formation dès la sortie de l’école est, bien entendu, nécessaire, a insisté Jean-Paul Mialot. Un vétérinaire n’est pas opérationnel dans tous les secteurs dès la sortie de l’école. » Mais si la profession est capable de mettre en œuvre une telle formation continue, « nous ne voulons pas qu’elle s’applique à des vétérinaires bonzaïs », a insisté Didier-Noël Carlotti, président de l’Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie(Afvac).

« Il faut avancer et ne pas refaire une même réforme », a, pour sa part, estimé Christophe Brard, président de la Société nationale des groupements techniques vétérinaires (SNGTV), qui a aussi souligné l’importance des stages.

« Je m’efforce de gérer le cursus dans la difficulté. Je pense que les étudiants sont malmenés. Peut-être est-ce le devoir de toute profession de faire marche arrière lorsqu’une réforme n’a pas été aussi heureuse qu’on le souhaitait », a conclu François Crespeau.

Si tous ont reconnu la qualité de la formation et des vétérinaires, tous se sont aussi accordés sur la nécessité de constituer un groupe de travail pour faire avancer ce sujet.

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