LES VÉTÉRINAIRES, DES ACTEURS SOCIAUX POUR ANIMAUX - La Semaine Vétérinaire n° 1239 du 30/09/2006
La Semaine Vétérinaire n° 1239 du 30/09/2006

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Auteur(s) : Agnès Faessel

Majoritairement, les praticiens consentent des efforts financiers lors de la prise en charge de l'animal d'une personne à faibles revenus. Les associations de protection animale interviennent également. En pratique, le principe de la gratuité des soins s'oppose à une participation financière de la part du propriétaire. Et le contrôle effectif de sa situation économique ne fait pas l'unanimité.

Vétérinaire rime avec solidaire. Ainsi, dans un sondage effectué sur Planete-vet en 2004, plus de 70 % des 280 praticiens ayant répondu affirmaient pratiquer des tarifs préférentiels pour leurs clients à faibles ressources financières(1). Mais plus que généreux, cela serait-il devenu nécessaire ? La population en situation difficile serait effectivement en augmentation, comme l'illustre l'évolution du nombre de RMistes en France (voir graphique).

Les vétérinaires semblent s'accorder sur le fait que la profession détient (aussi) un rôle social. Sa mise en œuvre au quotidien est ensuite bien variable.

Les premiers bénéficiaires sont les propriétaires d'animaux de compagnie

Tous les praticiens ne sont pas concernés dans les mêmes mesures. En effet, les premiers sollicités le sont par des propriétaires d'animaux de compagnie. Les autres espèces (animaux de rente ou chevaux) peuvent aussi être détenues par des personnes nécessiteuses, mais leur abord, comme le contexte, sont alors différents (voir article en page 33). De grandes disparités sont constatées parmi les clientèles dites canines, tout simplement selon leur implantation géographique. Ainsi, un cabinet en milieu urbain situé dans un quartier défavorisé compte davantage de clients en situation difficile qu'un autre, et d'autant plus s'il a pour voisin un centre social d'hébergement. C'est l'évidence. Alors, comment réagir et comment être solidaire ?

A titre individuel, la gestion de ces cas consiste en large majorité, pour le vétérinaire, à consentir un effort au plan financier : gratuité des soins, remises, échelonnement des paiements, etc. La réalisation d'actes à titre gracieux est d'ailleurs courante, d'après le résultat d'un sondage effectué via Planete-vet en 2003. Ce dernier révèle que 40 % des confrères réalisent gratuitement des soins pour l'animal d'un client sans ressources présenté pour une affection sans caractère d'urgence. Au plan déontologique, rappelons qu'« en dehors des cas d'urgence, il [le vétérinaire] peut refuser de prodiguer des soins à un animal […] pour des motifs tels qu'injures graves, défaut de paiement, pour des raisons justifiées heurtant sa conscience ou lorsqu'il estime qu'il ne peut apporter des soins qualifiés » (article R.242-48 du Code de déontologie).

Dans certains départements, les praticiens s'organisent en associations du type Vétérinaires pour tous (VPT), dont l'une des missions est la prise en charge des animaux des personnes démunies (voir article en page 32). Si des différences de fonctionnement existent selon le département, le principe général vise à apporter une aide financière à ces propriétaires, sous réserve qu'ils soient effectivement dans le besoin.

Les associations de protection animale occupent aussi une place de choix dans le suivi de ces animaux. Les plus importantes d'entre elles les accueillent dans des structures dédiées, comme les dispensaires. Localement, la plupart travaillent avec des praticiens sous contrat qui concèdent des tarifs préférentiels. Le CDA 12 (Club de défense des animaux du XIIe arrondissement, à Paris) est une association de modeste envergure qui aide, entre autres, les maîtres en difficulté dans l'entretien de leur animal : distribution d'aliments et soins vétérinaires. « Les frais vétérinaires représentent 90 % de notre budget. Nous travaillons avec une quinzaine de praticiens de Paris et de sa région qui nous accordent des remises à hauteur de 10 à 30 % sur leurs tarifs », explique Claudine Régent, sa présidente.

Charité bien ordonnée : le fonctionnement répond à des impératifs financiers

Finalement, les premiers à financer les soins aux animaux des personnes démunies sont bien les vétérinaires eux-mêmes, en travaillant gratuitement ou à moindre coût. « Les praticiens qui travaillent avec nous proposent une baisse de leurs tarifs de 30 à 50 % », indique Serge Belais, président de la SPA (voir entretien en page 33). « Nous estimons que le vétérinaire ne réalise pas de marge supérieure à un tiers de ses tarifs », calcule Nathalie Simon, présidente de VPT-44 (Loire-Atlantique). « L'abandon d'honoraires est d'environ 30 %, pas davantage, sinon le praticien ne rentre plus dans ses frais », confirme François Decazes, secrétaire de VPT-France.

Outre les adhésions, surtout pour les associations reconnues d'utilité publique, les dons représentent l'essentiel des sources de financement des actions entreprises. Ainsi, « nos dispensaires fonctionnent exclusivement sur les fonds propres de la SPA, sans aucune aide de l'Etat », explique Serge Belais. Localement, deux sections départementales de VPT bénéficient aujourd'hui de fonds publics. « Le fait que le président du Conseil général soit un confrère a facilité nos démarches. La subvention accordée nous permet de financer un secrétariat à mi-temps depuis quatre ans », reconnaît Nathalie Simon. En Gironde, le Conseil général octroie une subvention de 25 000 € annuels. « Cet argent est utilisé au maximum dans la réalisation de soins, qui sont entièrement gratuits pour le propriétaire », rapporte Jean-Pascal Gasparoux, président de VPT-33 (Gironde).

Cette gratuité des soins, quand elle est offerte, correspond souvent à un principe de fonctionnement. C'est celui qu'affichent les dispensaires, même si un appel aux dons est effectué, « avec un peu trop d'insistance », estiment parfois les praticiens voisins de certaines structures. A l'opposé, une politique de participation du propriétaire peut être appliquée. « Nous tenons un rôle éducatif, explique Nathalie Simon. Il est important de tempérer notre assistance et de responsabiliser les maîtres. Leur participation aux frais à hauteur d'un tiers est notre objectif. Et nous ne prenons pas en charge plus de deux animaux par foyer. »

Les avis divergent sur la nécessité de contrôler ou non le niveau de pauvreté du propriétaire

Le contrôle de la situation financière du propriétaire est un autre sujet de controverse. « La SPA travaille sur une base de confiance, explique Serge Belais. Notre aide s'adresse aux personnes démunies et les demandeurs signent une déclaration sur l'honneur dans ce sens. » Pour VPT, les demandeurs doivent produire des pièces attestant d'une situation difficile (allocation de parent isolé, RMI, CMU, etc.). D'après Jean-Pascal Gasparoux, « ce contrôle est un mal nécessaire pour combattre les abus. En outre, ces personnes sont habituées à présenter ce type de documents. Enfin, pour garantir la pérennité de nos subventions, une certaine rigueur est de mise ». Mais cette fonction sociale du métier n'est pas enseignée dans les écoles vétérinaires. « Il est vrai qu'il est toujours difficile de dire “non”, reconnaît Nathalie Simon. Notre secrétaire a une grande expérience sociale, ce qui lui permet sans doute d'éprouver moins de difficultés pour gérer l'acceptation des dossiers. » Outre l'éventuel frein psychologique, cette vérification est également gourmande en temps : le secrétariat de VPT-44 estime lui accorder quinze minutes environ par dossier. Pour Claude Laugier, président de la commission “protection animale” du Syndicat national des vétérinaires d'exercice libéral (SNVEL), le problème essentiel est de définir clairement les critères d'indigence en France. « C'est le travail du législateur de fixer ces limites qui nous font défaut actuellement. Aujourd'hui, beaucoup trop de dispensaires ne filtrent pas assez les individus qui les sollicitent. »

Les SDF, une population à part, bénéficient d'actions particulières

Parmi les propriétaires à faibles revenus, les SDF (sans domicile fixe) occupent une place particulière et des actions spécifiques leurs sont dédiées. A Paris par exemple, la péniche Le Fleuron, créée à l'initiative de la Fondation 30 millions d'amis et des œuvres hospitalières françaises de l'Ordre de Malte, est un centre d'hébergement qui accueille les sans-abri avec leurs chiens. « Un vétérinaire monte à bord deux fois par semaine pour examiner et soigner bénévolement les animaux, mais aussi les identifier, les vacciner et les stériliser », explique la fondation. Lorsqu'elles possèdent un animal – un chien le plus souvent – ces personnes le négligent rarement. « Même si ça coûte cher, vacciner ma chienne est “obligatoire”, confie l'une d'elles, c'est comme pour les enfants. » Mais « il est difficile d'assurer le suivi de leurs compagnons », relève François Decazes. Et leur comportement peut être déroutant. « Ce sont des personnes instables, parfois agressives », explique Nathalie Simon. « “Mes” squatteurs, à qui je demande une participation à hauteur de 50 % des frais, me payent, même si cela prend des mois. Contrairement à eux, les gens de la rue n'ont plus de barrières. Ils affirment parfois qu'ils vont participer, mais ne le font pas… », témoigne ainsi Claudine Régent.

Les vétérinaires revêtent parfois une casquette sociale dès l'école. Ainsi, les étudiants de l'association Sapah (Soigner l'animal pour aider l'homme) proposent une consultation mensuelle gratuite, encadrée par des enseignants, dans les locaux de la Croix-Rouge à Maisons-Alfort.

  • (1) Voir La Semaine Vétérinaire n° 1139 du 8/5/2004 en page 4.

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