Les gastro-entérites à S. Typhimurium sont également d'origine environnementale

Aux Pays-Bas, Salmonella Enteritidis et Salmonella Typhimurium sont les deux principaux sérotypes de salmonelles isolés lors des gastro-entérites salmonelliques. Le premier représente 40 à 45 % des isolats de Salmonella spp. et le second 30 %. Dans ce pays, S. Enteritidis est le sérotype de salmonelle prédominant en élevage de poules pondeuses. En revanche, sa prévalence est faible en élevage de poulets de chair. Pour sa part, S. Typhimurium est surtout présent chez les bovins, les porcs et de façon sporadique chez les volailles.

Une étude conduite aux Pays-Bas de 2002 à 2003 a eu pour objectif l'identification et la quantification des facteurs de risque des gastro-entérites salmonelliques pour lesquelles ces deux sérotypes sont incriminés.

Compte tenu du caractère émergent de S. Typhimurium DT 104 et de sa multirésistance aux antibiotiques, la quantification des facteurs de risque a été précisée pour ce lysotype. En effet, ce dernier est habituellement associé à la forte prévalence de la pentarésistance ACSSuT (résistance à l'ampicilline, au chloramphénicol, à la streptomycine, au sulfaméthoxazole et à la tétracycline).

Pour chaque facteur de risque, deux index ont été calculés, l'odds ratio⁽¹⁾ et le risque attribuable dans la population (voir encadré).

Voyager à l'étranger augmente le risque vis-à-vis de S. Enteritidis et de S. Typhimurium

Des questionnaires (sur les habitudes de vie, de consommation, de traitements médicamenteux, etc.) ont été envoyés à 535 malades et à 10 250 témoins non atteints de salmonellose. Le taux de réponse au questionnaire a varié de 47 à 50 % chez les malades et s'est élevé à 33 % chez les cas témoins. Les questions couvraient la période de sept jours précédant l'expression de l'infection chez les malades. Les résultats de l'étude ont été présentés par Yvonne Doorduyn, du Centre pour l'épidémiologie des maladies infectieuses de l'Institut national de santé publique et de l'environnement des Pays-Bas, lors de la session “épidémiologie et santé publique” du symposium international Salmonella Salmonellosis organisé à Saint-Malo du 10 au 12 mai dernier.

Pour la période étudiée, les incidences annuelles des salmonelloses humaines à S. Enteritidis et S. Typhimurium sont respectivement de 7 et 6 pour 100 000 personnes. En ce qui concerne S. Typhimurium non DT 104 et DT 104, les incidences annuelles sont respectivement de 4 et 1 pour 100 000 personnes.

Tous ces résultats prennent en considération également les cas de gastro-entérites développés à la suite des voyages à l'étranger.

L'analyse univariate (qui ne tient pas compte de l'âge, du sexe, etc.) montre un lien fort entre la survenue d'une salmonellose et un voyage à l'étranger. Un Néerlandais qui quitte le pays a 6,3 fois plus de risque de développer une salmonellose à S. Enteritidis et 2,7 fois plus de risque de développer une salmonellose à S. Typhimurium (^{voir tableau 1}). Sont associés aux voyages à l'étranger 27 % des salmonelloses à S. Enteritidis, 9 % des cas de salmonelloses à S. Typhimurium, 10 % des cas de salmonelloses non DT 104 et 8 % des cas de salmonellose DT 104 (^{voir tableau 1}).

Pour l'étude relative à l'analyse des risques, seuls les témoins et les personnes atteintes de salmonellose et n'ayant pas voyagé à l'étranger ont été retenus. L'analyse multivariate des risques a été ajustée selon l'âge, le sexe, le degré d'urbanisation et le niveau d'éducation.

Les salmonelloses à S. Typhimurium ne sont pas limitées à la consommation d'aliments

En ce qui concerne les cas endémiques aux Pays-Bas, la consommation d'œufs crus et de produits contenant des œufs crus, ainsi que la prise récente d'inhibiteurs de la pompe à neutrons d'antagonistes H2⁽²⁾ sont associés aux gastro-entérites à S. Enteritidis. 7 % des cas sont attribués à la prise d'inhibiteurs de la pompe à neutron, 4 % le sont à la consommation d'œufs crus et 5 % aux produits contenant des œufs crus (^{voir tableau 2}).

Selon Yvonne Doorduyn, l'étude confirme que les salmonelloses à S. Enteritidis sont principalement dues aux œufs crus, bien que le risque attribuable au facteur “consommation d'œufs crus” soit faible. Elle note que la discrimination entre les cas liés au facteur “consommation d'œufs crus” et ceux associés au facteur “consommation de plats préparés avec des œufs crus” a pu ne pas être optimale. Par ailleurs, des contaminations croisées peuvent exister dans les cuisines où des œufs crus sont utilisés.

La consommation de viande mal cuite, l'exposition professionnelle à la viande crue, l'utilisation récente d'antibiotiques, la prise d'inhibiteurs de la pompe à neutrons et les jeux dans les bacs à sable sont, pour leur part, rattachés aux gastro-entérites à S. Typhimurium.

Parmi les 65 enfants âgés de quatre à douze ans ayant développé une gastro-entérite à S. Typhimurium, 46 (soit 71 %) ont rapporté avoir joué dans un bac à sable, alors que 49 % seulement des témoins de la même classe d'âge (soit 183) avaient joué dans un bac à sable. Pour le facteur de risque “jeu dans un bac à sable”, l'odds ratio est égal à 2,4 et le risque attribuable est égal à 14 %, soit le taux le plus élevé des facteurs de risque mis en évidence (^{voir tableau 3}).

Le facteur “prise d'inhibiteurs de la pompe à neutrons au cours des quatre dernières semaines” pèse également lourd en ce qui concerne les gastro-entérites à S. Typhimurium. En effet, pour ce facteur, l'odds ratio, dont le score est égal à 8,3, est le plus élevé.

Par ailleurs, le risque attribuable est de 8, il arrive donc juste après le facteur “jeu dans un bac à sable” et se trouve pratiquement à égalité avec le facteur “consommation de viande insuffisamment cuite”.

Antihistaminiques H2 et inhibiteurs de la pompe à neutrons facilitent les salmonelloses

La prise récente d'inhibiteurs de la pompe à neutrons et le fait d'avoir joué dans un bac à sable sont également associés aux salmonelloses endémiques à S. Typhimurium DT 104. Les odds ratio sont respectivement égaux à 11,2 (intervalle de confiance : 3,9-31,9) et à 4,4 (intervalle de confiance : 1,8-10,7). 21 des 27 enfants (78 %) atteints de gastro-entérite à DT 104 sont âgés de zéro à douze ans et avaient joué dans un bac à sable, alors que seulement 406 des 757 témoins (54 %) de la même classe d'âge avaient joué dans un bac à sable. D'après Yvonne Doorduyn, le nombre de cas de salmonelloses à S. Typhimurium DT104 était insuffisant pour pouvoir détecter de faibles différences entre les malades et les témoins.

En conclusion, la scientifique précise qu'outre la réduction de la contamination des œufs en S. Enteritidis et de celle du sable en S. Typhimurium, la formation de tous les publics, professionnels et non professionnels, à la manipulation hygiénique des aliments est nécessaire. De même, il est indispensable d'insister quant à la bonne utilisation des antibiotiques et des médicaments antisécréteurs, car ce sont des facilitateurs des infections à salmonelles. Par ailleurs, élucider le rôle de l'immunité mise en place à la suite d'une infection serait une aide précieuse quant à l'interprétation des facteurs de risque, des facteurs protecteurs apparents et quant à l'évaluation des stratégies de contrôle de ces maladies.

• (1) L'odds ratio est utilisé dans les enquêtes de cohorte et dans celles de type cas/témoins, marquées par l'impossibilité de mesurer les risques de la maladie chez les sujets exposés et les non exposés. Dans ces situations, l'odds ratio permet d'estimer le risque relatif.

• (2) Les pompes à neutrons, les antagonistes H2 ou les antihistaminiques H2 sont des médicaments utilisés dans les reflux œsophagiens. Leur principale action est l'inhibition de la sécrétion gastrique acide.