Chiens dangereux : véto, tu risques de porter le chapeau

Je reçois un jour un appel de la Direction des services vétérinaires (DSV) qui me mandate pour l’examen d’un chien “dangereux” mis en fourrière. Ce bouledogue américain a tué un caniche et fait l’objet d’un arrêté municipal qui précise que « c’est un récidiviste qui s’est déjà attaqué à d’autres chiens et à des gens ». Alors que je mets en avant mon manque de savoir-faire dans ce domaine, il m’est répondu que j’ai un mandat sanitaire… comme s’il me donnait compétence !

Tout le monde a intérêt à voir disparaître ce chien : le maire, qui a à répondre à une population « gravement menacée », le préfet, que l’affaire préoccupe, moi, qui ne dois pas prendre le risque de laisser dans la rue un animal manifestement aussi dangereux. Une chose est claire : s’il tue de nouveau ou s’attaque à quelqu’un dans les dix ans qui viennent, c’est moi que les victimes, les citoyens et la justice de mon pays conspueront. Je décide donc de me faire aider par un vétérinaire spécialiste.

La mission : procéder à l’examen sanitaire à l’issue duquel le chien pourra être euthanasié — le tout aux frais de son jeune propriétaire qui a déjà une “ardoise”. L’animal n’a montré aucun signe de menace avec le personnel de la fourrière. Et c’est heureux, car le week-end, un employé entre seul pour nourrir et nettoyer la cage de ce chien qui constitue pourtant un danger imminent pour la sûreté des personnes. Incohérence…

Est-il réellement récidiviste ? Je passe un coup de fil au signataire de l’arrêté municipal, qui me renvoie vers la police municipale. Je rencontre son chef qui m’explique que, enquête faite dans le quartier, il apparaît que ce chien n’a jamais commis aucune autre infraction et que les termes employés dans l’arrêté municipal correspondent à la formule standard ! Mais c’est pourtant sur la foi de cet arrêté que le procureur, saisi du dossier, devra statuer…

Onze jours après « l’attaque sauvage » du caniche, le 14 juillet, a lieu une visite sanitaire. Comme quoi nous avons à cœur de satisfaire le préfet, dont les services ont cependant omis d’envoyer le mandatement à la consœur comportementaliste que j’ai contactée. En définitive, il est estimé que le chien ne présente actuellement pas de menace pour les personnes. Il devra être castré, muselé sur la voie publique et devra déguerpir du quartier dans lequel il a tué. Huit semaines plus tard et après deux rendez-vous “oubliés”, le chien sorti de la fourrière est enfin castré. Qu’en est-il de l’observance des autres recommandations ?

Il a échappé à l’euthanasie. Pour combien de temps ?

Quant à moi, après avoir passé beaucoup trop de temps à cette affaire, je répondrai désormais que j’ai déjà donné !