Sur l’antibiorésistance, l’Afssa reste politiquement correcte - La Semaine Vétérinaire n° 1234 du 15/07/2006
La Semaine Vétérinaire n° 1234 du 15/07/2006

Antibiorésistance. En 2006, le rapport de l’Afssa, écrit en 2003, est périmé

Actualité

Auteur(s) : Éric Vandaële

Après deux ans de tergiversations, le nouveau texte de l’Afssa sur l’antibiorésistance ne présente pas les données scientifiques les plus récentes. Dommage.

L’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) vient de publier son rapport sur l’antibiorésistance, commandé en février 2003 et intitulé Usages vétérinaires des antibiotiques, résistance bactérienne et conséquences pour la santé humaine. Sur ce sujet, objet de nombreuses controverses entre le monde des vétérinaires et celui des médecins, ses conclusions étaient particulièrement attendues. Elles l’étaient d’autant plus que l’Afssa devait répondre à la saisie de l’association UFC-Que choisir sur une interrogation très (trop !) générale sur « les risques pour le consommateur liés à l’apparition de bactéries antibiorésistantes générées par les usages d’antibiotiques en médecine vétérinaire et en alimentation animale ».

L’étude de l’Afssa est plus politique que scientifique

La question nécessitait une évaluation scientifique du risque, strictement scientifique. Mais le rapport de 214 pages, rédigé semble-t-il fin 2003-début 2004, est aussi au final “politiquement correct”, sans grande aspérité. Il faut dire qu’il a été écrit par quelque vingt-trois experts et relu par vingt-quatre autres personnalités, microbiologistes, représentants des ministres de l’Agriculture et de la Santé, etc. Et pas moins de trente-deux syndicats, associations, organismes représentatifs et lobbies médicaux ou vétérinaires ont aussi fait valoir leurs points de vue. Au final, ce long texte de l’Afssa devient une sorte de rapport gouvernemental plein de compromis acceptables.

Une hausse de la consommation d’antibiotiques se transforme en baisse

Cette large consultation sur un sujet aussi sensible a pris beaucoup de temps. Les années 2004 et 2005 semblent y avoir été consacrées. Les données scientifiques sur l’antibiorésistance en souffrent beaucoup, puisque la quasi-totalité d’entre elles datent de 2002 (notamment celles sur les consommations d’antibiotiques et les taux de résistance chez l’animal), alors que des chiffres plus récents sont publiés, voire corrigés depuis plus d’un an par… l’Afssa. Le rapport conclut ainsi, à tort, à une baisse de 6 % de la consommation d’antibiotiques entre 1999 et 2002, alors que l’Agence a déjà corrigé ces chiffres en 2005 et a en fait constaté une petite augmentation de la consommation de 1 % sur la même période. Ce rapport, tout juste paru, apparaît donc déjà comme “périmé”. Il présente ainsi parfois au futur l’interdiction des additifs antibiotiques, effective au 1er janvier dernier… Nombre d’experts ayant collaboré à ce texte regrettent « la grosse machinerie de l’Afssa », qui a conduit à retarder sans cesse la publication. Toutefois, la plupart des recommandations sont si générales, comme l’appel à davantage de surveillance, d’études ou de recherches, qu’elles seront sans doute encore valables dans dix ans, comme elles l’étaient il y a dix ans.

Trois groupes indépendants ont travaillé à ce rapport, sans véritable harmonisation ni synthèse globale de leurs trois sous-rapports. Le premier porte sur l’usage des antibiotiques vétérinaires, le deuxième sur l’antibiorésistance chez l’animal et le troisième, plus médical, sur la diffusion des résistances de l’animal à l’homme. Globalement, ils apparaissent souvent comme des synthèses générales adressées à un public néophyte en matière de médicament vétérinaire et de sa réglementation, d’antibiotiques, de mécanismes de résistances, d’antibiogramme, de biais, etc.

Sur le médicament vétérinaire, le rapport est souvent hors sujet, en évoquant la vente libre des antiparasitaires externes en grandes surfaces ou l’interdiction de certains anti-infectieux faute de limite maximale de résidus pour le chloramphénicol, les nitrofuranes et les nitro-imidazolés. La problématique de la cascade du “hors AMM” est omniprésente, bien qu’il n’apparaisse pas évident, dans le rapport ou sur le terrain, que les résistances soient plus fréquentes dans les espèces mineures ou orphelines que dans les espèces majeures. Sur la prescription d’antibiotiques, les auteurs soulignent qu’elle se fait « au vu de l’examen clinique (…) ». Ils présentent alors le principe du futur décret prescription-délivrance dont le but « est d’encadrer la prescription hors examen clinique systématique des animaux ». Sur ce point au moins, le rapport n’a pas pris une ride…

Dans ce cadre, la pharmacie d’élevage est présentée comme « une prédisposition à l’automédication qui peut être désastreuse dans la gestion de l’antibiorésistance ».

Le rapport n’exclut pas totalement des élevages sans antibiotiques…

« D’une manière théorique, il est parfaitement envisageable d’élever les animaux sans devoir leur donner de traitement antibiotique. » Cette affirmation figure dans le chapitre consacré aux alternatives aux antibiotiques. Cela nécessite « une politique de réaménagement complet des bâtiments », avec des dispositions zootechniques et d’hygiène rigoureuses. « Les vaccinations constituent probablement la mesure la plus efficace pour éviter l’utilisation intempestive d’antibiotiques », comme la vaccination contre Mycoplasma hyopneumonia chez le porc.

Le rapport de l’Afssa préconise une révision des AMM de la quasi-totalité des antibiotiques aujourd’hui sur le marché, à l’exception des plus récents, évalués avec des schémas posologiques à la fois efficaces et en réduisant le risque de sélection de résistance.

Il recommande aussi d’améliorer la prescription soit à travers des démarches individuelles et responsables, soit par un renforcement de la réglementation et de son contrôle. Pour la mise en œuvre de la cascade, les auteurs conseillent la rédaction et la diffusion de guides d’usages “hors AMM”. Concernant la publicité, l’Afssa souhaite une application stricte de la réglementation, voire son renforcement. Le registre d’élevage devrait être « généralisé ».

Pas de liste d’antibiotiques « critiques » réservés à l’homme

Contrairement à d’autres organismes internationaux, l’Afssa ne considère pas comme pertinente l’élaboration d’une liste d’antibiotiques “critiques” pour l’homme qui deviendraient interdits aux animaux. Selon elle, une telle liste « se heurterait à des inconnues, des difficultés et des incohérences qui risquent de la rendre d’emblée caduque et inopérante ».

La plupart des autres recommandations ont une portée générale. Il s’agit d’améliorer à la fois la formation des acteurs et le suivi et les recherches sur les problématiques reliées à l’antibiorésistance et à sa transmission à l’homme.

Le rapport souligne une certitude : les mondes bactériens d’origine animale ou humaine ne sont pas étanches. Des flux de bactéries et de gènes de résistance sont possibles dans les deux sens…

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