Plusieurs procédures peuvent s’associer lors de chylothorax - La Semaine Vétérinaire n° 1231 du 24/06/2006
La Semaine Vétérinaire n° 1231 du 24/06/2006

Nouvelles options chirurgicales

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Pierre Guillaumot*, Cyrill Poncet**, Bernard Bouvy***

Fonctions :
*praticiens au service de chirurgie du centre hospitalier vétérinaire Frégis (Accueil, Val-de-Marne)
**praticiens au service de chirurgie du centre hospitalier vétérinaire Frégis (Accueil, Val-de-Marne).
***praticiens au service de chirurgie du centre hospitalier vétérinaire Frégis (Accueil, Val-de-Marne).

Deux études évaluent l’intérêt d’ajouter une autre technique à la ligature du canal thoracique dans le traitement chirurgical du chylothorax chez le chien et le chat.

Le chylothorax est une affection grave et débilitante qui affecte des chiens et des chats de tous âges, races et gabarits. Il se manifeste par des difficultés respiratoires, associées à des signes radiographiques d’épanchement pleural. Le liquide de ponction thoracique obtenu se caractérise par un aspect laiteux plus ou moins hémorragique, la présence de leucocytes et de macrophages en quantité importante, mais surtout un taux de triglycérides toujours supérieur et un taux de cholestérol généralement inférieur à ceux du sang.

La cause primitive du chylothorax est rarement mise en évidence

Le processus physiopathologique fait intervenir la diffusion du chyle dans la cavité pleurale. Celle-ci s’explique par l’existence d’une fuite dans la partie intra-thoracique du canal thoracique ou par une augmentation de la pression hydrostatique s’opposant au retour lymphatique dans la circulation générale (le canal thoracique transporte le chyle de l’abdomen et s’abouche dans la veine cave craniale).

Le chylothorax peut être d’origine congénitale (anomalie de développement du canal thoracique) ou traumatique (rupture du canal thoracique ou d’un de ses vaisseaux collatéraux, à la suite d’un traumatisme ou d’une intervention chirurgicale). Il peut également être secondaire à un processus pathologique sous-jacent : masse thoracique inflammatoire (granulome bactérien ou fongique), masse néoplasique (lymphome par exemple), dirofilariose, insuffisance cardiaque, maladie pancréatique, thrombus veineux, etc. Cependant, la cause primitive de l’affection est rarement mise en évidence, un chylothorax idiopathique étant alors évoqué.

Le traitement du chylothorax est d’abord celui de la cause primitive lorsqu’elle est identifiée (insuffisance cardiaque, lymphome, etc.). Dans le cas contraire, ou en l’absence de réponse au traitement spécifique instauré, des traitements généraux sont prescrits. Les signes cliniques associés au chylothorax peuvent être contrôlés initialement par des mesures diététiques (alimentation hypolipidique pouvant être complémentée en triglycérides à chaînes moyennes, absorbés sans passer dans le chyle) et/ou médicales (rutine, thoracocentèse). Dans une étude américaine, un flavonoïde de synthèse – la rutine, ou rutoside (DCI) – utilisé dans le traitement des lymphœdèmes chez l’homme a donné des résultats intéressants chez un nombre restreint de chats traités (trois sur quatre ont répondu favorablement).

En dehors de cette piste en cours d’évaluation sur un plus grand nombre d’animaux, les résultats du traitement conservateur sont en général décevants sur le long terme. La thoracocentèse permet de soulager l’animal, mais nécessite souvent d’être répétée à intervalles de plus en plus courts.

Il est en général nécessaire de faire appel au traitement chirurgical

D’après certains auteurs, un traitement chirurgical précoce s’associe à un meilleur pronostic. En effet, il ne laisse pas le temps à l’épanchement chyleux d’entraîner une pleurite, responsable de la persistance d’un épanchement inflammatoire.

De nombreuses approches chirurgicales ont été décrites. Le traitement de référence est la ligature du canal thoracique (LCT) dans sa partie thoracique la plus caudale, dans le but de stopper le flux lymphatique vers la zone de fuite supposée. Cette procédure résulte idéalement en la formation de nouvelles anastomoses lymphatico-veineuses dérivant définitivement le chyle hors du canal thoracique et de la cavité pleurale. Cependant, si cette méthode est la plus communément appliquée, son taux de réussite reste limité (50 à 60 % de résolution complète du chylothorax). Des procédures d’embolisation du canal thoracique ou de ligature en bloc de toutes les structures dorsales à l’aorte dans le médiastin caudal ont également été proposées. Les autres techniques décrites visent à obtenir un drainage permanent de l’espace pleural par la mise en place de drains pleuropéritonéaux ou pleuroveineux à demeure, ou par l’omentalisation de l’espace pleural. Cependant, aucun procédé alternatif à la ligature du canal thoracique ne semble à lui seul augmenter le taux de réussite de façon significative.

Deux publications récentes évaluent donc l’intérêt d’associer une procédure supplémentaire à la ligature du canal thoracique dans le traitement du chylothorax.

Dans la première étude, une péricardiectomie est réalisée, seule ou en plus de la ligature du canal thoracique, chez dix chiens et dix chats présentés en consultation pour un chylothorax idiopathique. Le but de la procédure est d’éliminer une source potentielle d’augmentation de la pression veineuse du cœur droit. Les auteurs estiment que cette hausse de la pression veineuse pourrait être due à un épaississement du péricarde à la suite d’une irritation chronique causée par le chyle, et empêcherait un drainage optimal du chyle par les anastomoses lymphatico-veineuses formées après la ligature du canal thoracique.

La péricardiectomie lutte contre la hausse de pression veineuse dans le cœur droit

90 % des animaux traités (dix chiens et huit chats) répondent favorablement au traitement (suivi moyen de 20,6 mois, de 0,65 à 63). Un chien ayant subi une péricardiectomie, en plus de la ligature du canal, présente toutefois une persistance de l’épanchement pleural nécessitant une seconde ligature. Un chien nécessite une (unique) thoracocentèse plusieurs mois après la péricardiectomie (pas d’autre thoracocentèse à quarante-trois mois postopératoires). Pour tous les autres cas, considérés comme des succès, les signes cliniques liés à l’épanchement pleural rétrocèdent. Les auteurs recommandent que la péricardiectomie soit systématiquement réalisée en même temps que la ligature du canal thoracique dans le traitement du chylothorax et qu’elle soit également réalisée en cas de persistance d’un épanchement séro-hémorragique après la ligature.

L’abdomen est plus tolérant à la surcharge volémique du réseau lymphatique

La deuxième étude présente des premiers résultats encourageants obtenus avec une technique dont la réalisation pratique est plus complexe. Les auteurs identifient puis résèquent la citerne du chyle, en plus d’effectuer une ligature du canal thoracique. L’ablation de la citerne permettrait de stimuler la formation d’anastomoses lymphatico-veineuses dans l’abdomen, plus tolérant que le thorax à la surcharge volémique du réseau lymphatique. Le taux de succès publié est prometteur. Ainsi, sept des huit chiens traités ne présentent aucun signe clinique lors du dernier suivi (de 8 à 48 mois, avec une médiane de 15,5 mois). Cependant, la lourdeur de l’intervention (approche abdominale en plus de l’approche thoracique et réalisation d’une lymphangiographie) rend sa planification difficile dans un contexte de pratique privée.

Ces nouvelles approches de traitement chirurgical du chylothorax, bien que menées sur de petites séries, offrent des résultats séduisants par rapport aux précédentes études. La péricardiectomie peut être combinée et réalisée dans le même temps chirurgical que la ligature du canal thoracique et par la même approche (thoracotomie caudale ou thoracotomie supplémentaire plus craniale, ou encore thoracoscopie). Les capacités physiologiques de drainage de l’épiploon sont également utilisées pour lutter contre la persistance d’un épanchement après la ligature du canal. L’épiploïsation thoracique est utilisée avec succès à long terme chez un chat et un chien. La récupération de l’épiploon et son passage dans le thorax par une brèche diaphragmatique peut également se faire par l’intermédiaire d’un abord thoracique, permettant la réalisation de cette procédure dans le même temps que les deux précédemment décrites.

Les cas de chylothorax traités actuellement dans notre structure subissent une ligature du canal thoracique combinée à une péricardiectomie et à une épiploïsation thoracique, par un abord thoracique unique. Une alternative également appliquée est la combinaison de la péricardiectomie et de la ligature du canal thoracique sous thoracoscopie.

BIBLIOGRAPHIE

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