Les chiens dangereux témoignent d’une certaine fascination pour la violence dans notre société urbaine

Comment ne pas faire de parallèle entre l’attrait que suscitent les chiens dangereux, ils sont désormais légion en France, et l’attention toute prévenante qui est portée à l’ours et au loup ? Comment expliquer le mépris porté au sang versé par l’agneau agressé par le prédateur, et l’indifférence des possesseurs d’animaux dangereux pour leurs concitoyens mis en danger par leurs chiens ;?

Dans la nature, tous les jours, le fort mange le faible. Mais l’homme qui intervient dans les Pyrénées ou dans le Mercantour élimine le naturel et prend l’initiative de futurs massacres. Les écologistes et autres défenseurs des espèces dangereuses pour l’homme et ses élevages pastoraux ne sont pas plus proches de la nature que les autres, mais, au contraire plus éloignés d’elle, car on trouve les plus acharnés d’entre eux dans les grandes métropoles plutôt qu’à la campagne. Le mot est lâché : métropole, là où l’envie de renouer avec une nature idéalisée et bienveillante serait la plus forte ? J’en doute. Je verrais un subconscient plus trouble, qui tendrait à faire rencontrer la violence à la campagne autant qu’à la ville dans un sentiment de justice dévoyée, et à l’étendre partout où c’est possible, comme une façon de crier son désespoir.

Comment expliquer autrement cette fascination pour les chiens dangereux, et toujours ces mêmes excuses qu’on leur sert ? C’est la faute des maîtres, ils sont naturellement gentils, mais leur mère les a allaités avec brutalité (dixit un comportementaliste français de renom), il faut éduquer les propriétaires, les caniches mordent et c’est logique que les pitt-bull en fassent autant, tous les chiens sont potentiellement dangereux. Autant d’arguments dérobés pour éviter de dire courageusement que des races sont plus dangereuses que d’autres. Dans les conditions de vie urbaine qui sont désormais les nôtres, l’anonymat est la règle. Chercher à se faire reconnaître par sa gentillesse, c’est s’exposer à se faire arracher son blouson ou son portable. L’agneau peut aller se faire tondre ou se faire indemniser. La seule façon d’être regardé et considéré, c’est la force ou le tatouage ou même les deux ; le romantisme des cheveux longs, c’est terminé, les “bobos” ont soixante ans et ne chantent plus peace and love. Nous avons changé de registre : rap, tatouage et boule à zéro ; le rott, muselé si possible, fait partie de la panoplie. Même le nouveau James Bond a perdu de ses allures aristocratiques pour un profil plus brut de décoffrage.

Nous, vétérinaires français, ferions bien de reconsidérer notre discours au sujet de cette violence qui transparaît via l’attrait pour les animaux dangereux, sauf à participer à cette tendance barbare. Si des races de chiens sont dangereuses, c’est que des hommes les ont sélectionnées ainsi, et que les responsables se sont tus.