L’affection bactérienne est liée à la mère ou au défaut d’hygiène - La Semaine Vétérinaire n° 1229 du 10/06/2006
La Semaine Vétérinaire n° 1229 du 10/06/2006

Néonatalogie canine

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Gwenaël Outters

Pour minorer les causes de mortinatalité en élevage canin, le praticien doit faire face aux maladies infectieuses avec célérité et rigueur.

Environ 30 % des chiots meurent entre la naissance et le sevrage, dont 20 % pendant les quinze premiers jours (période néonatale). Les causes sont multiples. Le déroulement de la mise bas et du post-partum, les malformations congénitales, l’immaturité physiologique des nouveau-nés, l’environnement ou encore les maladies infectieuses sont responsables. Ces dernières sont dues à des germes microbiens banals transmis par la mère ou présents dans l’environnement contaminé. Quelques agents microbiens spécifiques tels que Brucella, Mycoplasma, un herpèsvirus et, plus rarement, les leptospires sont toutefois rencontrés dans les collectivités canines.

La chienne peut transmettre des germes par contact, via le lait ou le léchage

Certaines maladies de la mère, comme une métrite, une mammite, une pyodermite, une otite suppurée, un abcès des glandes anales, une plaie infectée ou une pyorrhée alvéolo-dentaire, peuvent être à l’origine d’une contamination du nouveau-né. Selon les germes impliqués et leur agressivité, celui-ci souffre d’une affection localisée ou généralisée.

La septicémie néonatale est due à une infection de la mère ou imputable à une mauvaise hygiène de l’élevage. L’état sanitaire est en effet primordial, car la peau du nouveau-né est totalement perméable pendant la première semaine de vie. Les symptômes varient selon la virulence du germe. La forme suraiguë se manifeste par une mortalité brutale entre le premier et le cinquième jour sans prodrome. Toute la portée est décimée en raison de la grande contagiosité. Des formes subaiguës, moins agressives, s’expriment par des omphalophlébites, des pyodermites ou encore une ophtalmie néonatale. L’omphalophlébite peut s’accompagner d’une péritonite, avec du tympanisme abdominal. Les soins doivent être locaux (application de bétadine ou de topiques antibiotiques) et généraux (administration intrapéritonéale d’antibiotiques pendant quarante-huit heures). L’ophtalmie néonatale est une conjonctivite purulente aiguë qui survient avant l’ouverture des paupières. Il est nécessaire d’ouvrir la fente palpébrale, manuellement ou à l’aide de ciseaux, avant l’ouverture naturelle qui se produit trois à quatre jours plus tard, et d’administrer des collyres antibiotiques (trois fois par jour pendant quatre jours). La pyodermite, qui se manifeste par une éruption de pustules ou un œdème de la face appelé anasarcoïde, répond à l’administration d’antibiotiques antistaphylococciques (spiromycine ou érythromycine).

Le syndrome du lait toxique intervient entre le deuxième et le huitième jour de vie. Il se manifeste par une hypothermie brutale (35 °C), une absence du réflexe de succion, une déshydratation, une augmentation de la fréquence respiratoire, un anus violacé œdémateux pathognomonique associé à un météorisme, des vomissements, de la diarrhée, ainsi que des gémissements. Plusieurs hypothèses sont avancées pour expliquer ce syndrome. Il pourrait s’agir d’une incompatibilité entre le lait de la mère et les enzymes digestives, d’un processus allergique, d’une carence en certains minéraux ou oligo-éléments, ou encore d’une toxine bactérienne secondaire à une mammite subaiguë. La dernière hypothèse est étayée par la présence de nombreux polynucléaires dans le lait de la mère lorsque le trouble est observé. Le sevrage doit être immédiat, associé à l’administration d’amoxicilline. Le lait maternel est remplacé par du lait artificiel.

Dans les collectivités canines, particulièrement lorsque la concentration des animaux est élevée et les installations mal adaptées, un certain nombre d’affections peuvent entraîner une morbidité ou une mortalité néonatale importante au cours des deux premières semaines.

Lorsque des germes non spécifiques sont à l’origine de véritables endémies et développent un microbisme d’élevage, il convient de réviser les protocoles de désinfection. Des résurgences, souvent atypiques, de grandes viroses systémiques comme les maladies de Carré, de Rubarth et la parvovirose sont parfois rencontrées. Des négligences dans le protocole vaccinal, ainsi que des virulences particulières de l’agent pathogène sont en cause. La brucellose, l’herpèsvirose, la mycoplasmose, l’infection par le “virus minute” et, plus rarement, les leptospiroses sont presque exclusivement des affections d’élevage.

Ces maladies peuvent toucher à la fois les jeunes en croissance et les adultes. L’infection par le “virus minute” (parvovirose de type 1, ou CPV1, non couvert par la vaccination) provoque une mort subite. Cette contamination, rare, suppose des procédés drastiques comme l’utilisation du formol ou encore un vide sanitaire pour son éradication. La vaccination contre la leptospirose ne couvre que deux sérovars (L. canicola et L. icterohaemorragiae) parmi les deux cent cinquante identifiés en France. Certaines leptospires comme L. pomona peuvent en effet se montrer pathogènes pour le chiot. La protection croisée est au mieux minime et la durée de protection est faible. La vaccination deux fois par an des adultes en élevage est à conseiller.

Les symptômes de la brucellose, de l’herpès-virose et de la mycoplasmose sont analogues à ceux de la septicémie en ce qui concerne la pathologie néonatale. Cependant, ils sont toujours associés à d’autres troubles dans l’élevage, comme l’avortement, l’infertilité, des malformations congénitales, des balanites et des vaginites chez les adultes ou encore des troubles ostéo-articulaires. L’herpèsvirose et la mycoplasmose provoquent également de la toux par l’atteinte des voies respiratoires supérieures.

Lors de morbidité/mortalité néonatale, une conduite rigoureuse est adoptée

Lorsque l’hypothèse infectieuse est la plus probable, dix points clés sont à respecter.

• Intervenir rapidement et sur place. Le vétérinaire doit vérifier les conditions de vie des chiots et contrôler l’environnement. La température des locaux doit être maintenue à 32 °C pendant la première semaine, diminuer progressivement la deuxième jusqu’à atteindre 22 °C en début de troisième semaine et jusqu’à la fin du sevrage. Il est possible de vérifier l’hygrométrie à l’aide d’un miroir : il doit être juste embué. S’il reste sec, l’humidité relative est insuffisante. En revanche, si des gouttelettes perlent sur la glace, elle est trop importante. Le test de la flamme de bougie permet de s’assurer d’une correcte ventilation de la maternité. L’inclinaison optimale de la flamme est de 45°.

• Isoler la portée de la mère et, en élevage, sortir la mère et ses chiots de la maternité.

• Mettre en œuvre des soins intensifs d’urgence : fluidothérapie, antibiothérapie de première intention et réchauffement. Ces mesures permettent de minorer l’effet de l’immaturité physiologique des chiots. La voie intra-osseuse pour la fluidothérapie est intéressante en urgence et peut être relayée par la voie orale par sondage gastrique au début puis au biberon.

• Procéder à l’examen clinique de la mère et réaliser l’anamnèse des troubles divers observés dans l’élevage. Il faut rechercher notamment tout processus infectieux et identifier impérativement les germes spécifiques.

• Pratiquer une autopsie en présence de cadavre. Le diagnostic précis n’est pas toujours posé, mais l’autopsie permet d’effectuer des prélèvements dans de bonnes conditions, si une asepsie rigoureuse est respectée. De plus, la différenciation entre malformations congénitales et maladies infectieuses est plus aisée. L’herpès-virose donne, par exemple, des reins caractéristiques en forme d’œuf de dinde.

• Réaliser un examen bactériologique. Il doit être systématique. Les prélèvements sont effectués avec du matériel à usage unique dans l’heure qui suit la mort chez un animal qui n’a reçu aucun traitement antibiotique. Reins, poumons, foie, rate et/ou sang sont prélevés et réfrigérés à + 4 °C. Pour que les résultats soient exploitables, la mise en culture doit être effectuée moins de trente-six heures après la mort de l’animal. Il peut être intéressant de procéder à des écouvillonnages vaginaux chez la mère. Demander un antibiogramme est toujours utile afin de changer ou de maintenir l’antibiothérapie instaurée en première intention.

• Faire appel à la polymerase chain reaction (PCR). Cette technique est aujourd’hui la méthode de choix pour le diagnostic de toutes les viroses canines et de la brucellose. Le prélèvement unique est effectué avec le matériel fourni par le laboratoire spécialisé qui l’interprétera à partir d’écouvillonnages vaginaux, de sang cardiaque, de fragments d’organes, y compris après congélation.

 •Mettre en œuvre une antibiothérapie. L’administration per os est inefficace pendant les cinq premières semaines de vie. Par ailleurs, l’antibiothérapie doit prendre en compte des différences importantes par rapport à l’adulte au niveau de l’absorption, de la distribution, du métabolisme enzymatique, de l’élimination rénale et des liaisons aux protéines plasmatiques. Les posologies proposées pour l’adulte ne conviennent pas chez le chiot (voir tableau).

Le nouveau-né est dépourvu de graisse corporelle, son système enzymatique hépatique est déficient, la barrière hémato-méningée incomplète et la filtration rénale n’est effective qu’à partir du deuxième mois. L’eau représente 82 % du poids corporel du nouveau-né, au lieu de 55 % chez l’adulte. Parallèlement, la proportion de liquide extracellulaire diminue chez l’adulte par rapport au nouveau-né. Les risques dus à la transposition des posologies sont liés à une éventuelle rétention du produit, qui deviendrait alors toxique, ou à une dilution excessive dans le liquide extracellulaire, qui entraînerait une diminution d’efficacité.

• Procéder à une désinfection. Elle doit se faire sur des surfaces propres. Il n’existe pas de produit nettoyant, détergent et désinfectant en même temps. Il convient de respecter ces trois étapes successivement en les espaçant de dix minutes avant de finir par un rinçage. Il est nécessaire de changer les produits de désinfection (ammoniums quaternaires, produits chlorés et iodés) de temps en temps afin d’éviter l’apparition de résistance et l’adaptation de la flore. Dans les cas extrêmes, comme pour un parvovirus résistant ou le “virus minute”, un vide sanitaire de quinze jours peut s’imposer. Les produits utilisés dans les élevages industriels de porcs et de volailles sont conseillés pour leur efficacité et leur faible coût. La désinfection est toujours nécessaire, même si une totale asepsie est difficilement réalisable en élevage. Il est donc indispensable de pratiquer des quarantaines lors de toute introduction de nouveaux chiens.

• Etablir un plan d’éradication adapté aux résultats de laboratoire. Les protocoles de vaccination sont parfois à revoir, par exemple si la PCR met en évidence un herpèsvirus, une “attaque” de parvovirose, etc.

En pratique, notre confère Christian Dumon propose d’utiliser l’association amoxicilline-acide clavulanique à la posologie de 6 mg/kg toutes les douze heures pour l’antibiothérapie en première intention. En revanche, si le laboratoire isole un germe Gram négatif, les céphalosporines de troisième génération sont plus indiquées.

CONFÉRENCIER

Christian Dumon, membre de l’Académie vétérinaire, spécialisé en élevage et reproduction des carnivores domestiques.

Article réalisé d’après la conférence « maladies infectieuses néonatales » présentée lors du congrès 2005 de l’Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie (Afvac).

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