Les repères clés de l'analyse nutritionnelle sont dévoilés par cinquante vaches - La Semaine Vétérinaire n° 1227 du 27/05/2006
La Semaine Vétérinaire n° 1227 du 27/05/2006

Alimentation des vaches laitières

Formation Continue

RURALE

Auteur(s) : Catherine Bertin-Cavarait

L'observation des animaux, l'évaluation de l'aspect physique des fourrages et de la ration, leur objectivation grâce à des indicateurs simples sont les premiers outils de l'analyse d'une conduite nutritionnelle.

Deux éleveurs et cinquante vaches laitières ont participé à la formation pratique en nutrition bovine qui a réuni vingt-deux confrères, le 5 avril dernier à Bonnœuvre (Loire-Atlantique). Il y a deux ans, les adhérents du Groupement technique vétérinaire du département (GTV 44) ont initié un plan de formation ciblant prioritairement la problématique de la reproduction bovine. « C'est tout naturellement que nous sommes arrivés à la nutrition. Nous souhaitions commencer ce cycle en prenant comme point de départ l'animal et le troupeau », a expliqué Daniel Gadbled, praticien à Nort-sur-Erdre et président du GTV 44. Cet enseignement comporte trois autres sessions dédiées à l'alimentation, proposées par la Société nationale des GTV.

Le but des éleveurs est d'optimiser leur revenu au regard du temps de travail

Sélectionnée par notre confrère Yves Buret (Saint-Mars-la-Jaille) pour son potentiel, sa conduite d'élevage typique de la région et le bon relationnel qu'il y entretient, l'exploitation choisie s'étend sur 128 ha, produit 430 000 l de lait et trente-deux jeunes bovins par an. Les deux éleveurs, qui ont « organisé un système fourrager fondé sur l'herbe », souhaitent optimiser leur revenu au regard du temps de travail. « La conduite du troupeau a été simplifiée, tout particulièrement l'alimentation, ont-ils expliqué. Les problèmes qui nous préoccupent sont les boiteries avec la présence de dermatite, les affections respiratoires des veaux, puis l'infertilité avec un intervalle vêlage-vêlage trop long. » Après cette mise en situation qui a fait suite à une demi-journée en salle, le formateur, notre confrère Michel Vagneur, a ancré dans le réel les points clés de l'alimentation et de la prévention des maladies nutritionnelles. Son objectif est de démontrer qu'il est aisé de commencer à raisonner une analyse nutritionnelle avec quelques indicateurs simples (voir photo 1).

17 à 18 l de lait standard sont produits avec les fourrages

Le jour de la visite, les vaches produisent 27 à 27,5 l de lait avec un taux butyreux (TB) en laiterie de 42,9 g/l et un taux protéique (TP) en laiterie de 33,5 g/l(1), pour un mois moyen(2) de 7,4. Fourrages et concentrés sont fournis simultanément avec une distributrice. Des aller et retour fréquents, à la bonne vitesse, permettent une distribution régulière des fourrages et des concentrés, en quantité égale à six godets. Les refus représentent l'équivalent d'un godet, soit une ration distribuée à volonté. Comme dans 80 % des exploitations, la ration n'est pas pesée.

Chaque jour, les éleveurs distribuent, en moyenne, 5 à 5,5 kg de concentrés par vache (2 kg de correcteur azoté et 2,5 kg de blé broyé), du maïs ensilage, de l'ensilage d'herbe, 3 kg de mash(3) en raison des stocks de maïs un peu justes, et un peu d'herbe pâturée selon le temps. Du point de vue énergétique (UFL), les concentrés permettent de couvrir la production de 11 à 12 l de lait(4). Les fourrages (ensilage de maïs ou d'herbe, herbe), le mash et l'herbe permettent donc de couvrir 29,5 l, moins 11 à 12 l de lait, soit une production comprise entre 17 et 18 l de lait standard. Selon Michel Vagneur, l'objectif est de produire 15 à 20 l de lait avec les fourrages, ce qui correspond, « dans le cas présent, à une bonne efficacité de la ration ».

La fibrosité mécanique de la ration totale est correcte, en dépit du maïs

« Tamis et mètre sont des outils de choix pour objectiver l'aspect physique de la ration distribuée et la taille des particules », a démontré le formateur (voir photo 2). La ration totale (ensilage de maïs, ensilage d'herbe, mash et correcteur azoté) est tamisée à travers trois grilles (0,5, 1 et 2 cm), avec un tamis ITCF auquel est ajoutée une grille de 5 mm « qui correspond à la taille minimale des fibres et au diamètre de l'orifice rumen-réseau/feuillet ».

Les résultats (voir tableau 1) mettent en évidence une bonne fibrosité mécanique de la ration totale, avec peu de particules fines. La mesure des fibres de maïs indique un ensilage coupé un peu court. Ce défaut est compensé par l'association avec l'ensilage d'herbe. L'observation des grains de maïs montre qu'ils sont bien éclatés.

La divergence entre l'appréciation manuelle de la teneur en matière sèche de l'ensilage de maïs (30 à 35 % de MS) et les résultats de l'analyse (41,7 % de MS) pointe du doigt l'obligation de confronter régulièrement ces résultats à l'observation du silo et à celle du troupeau.

L'analyse de l'aliment minéral et vitaminique (AMV) a fait l'objet d'une discussion animée. Avec la ration hivernale, 280 g de 4-27 – qui apporte 4 % de phosphore (soit 40 g/kg brut d'AMV) et 27 % de calcium (soit 270 g/kg brut) – sont distribués par vache et par jour. Les calculs montrent des apports supérieurs aux besoins en vitamine E, en cuivre, en iode et en cobalt. Le calcul de la couverture des besoins en calcium et en phosphore nécessite une connaissance plus précise des matières sèches ingérées des fourrages.

La simplification de la conduite alimentaire des vaches taries est à risque

Les vaches taries sont mises à l'herbe sans aucun apport d'AMV. En outre, leur alimentation est exclusivement à base d'herbe, plat unique à cette période clé. Or « distribuée seule en fin de tarissement, l'herbe de printemps peut induire des œdèmes mammaires, en raison de l'excès d'azote soluble et de potassium », a expliqué Michel Vagneur. Avec une herbe pâturée épiée, dure, les besoins de la vache tarie ne sont pas couverts. Dans les deux cas, cela signifie des maladies métaboliques en perspective.

Par souci de simplification du travail, les éleveurs souhaitent également arrêter la distribution de l'AMV aux vaches laitières lorsqu'elles sont au pâturage et s'interrogent sur la prise de risque. Selon Michel Vagneur, le risque existe quant à la couverture des besoins en magnésium, en cuivre, en iode, en cobalt et en sélénium. Avec l'administration d'un bolus aux vaches taries et en début de lactation, les besoins en oligo-éléments peuvent être couverts pendant deux mois. Si, pour les animaux en fin de lactation, cette stratégie peut être adoptée, l'absence de distribution d'AMV compromet en revanche la réussite de la fécondation en début de lactation.

Engraissement, production et examen des bouses parlent d'alimentation

Une heure après la distribution de la ration, deux tiers des vaches sont couchées dans les logettes (voir photo 3), qui sont donc bien fréquentées. Une vache sur trois pattes, en train de se lécher, signe une aire d'exercice non glissante.

L'évaluation rapide de l'état d'engraissement du troupeau consiste à compter le nombre de vaches qui ont une note d'état inférieure à 2 et celles qui ont une note d'état supérieure ou égale à 4. Dans ce troupeau, cinq vaches ont un état inférieur à 2 et aucune un état supérieur à 4. Un amaigrissement important est noté chez les fortes laitières et les boiteuses. « Un déficit énergétique excessif induit un déficit immunitaire et donc une fréquence accrue des affections, particulièrement des mammites », a précisé notre confrère.

Faire reprendre 1 point d'état à des vaches laitières exige 200 UFL, soit un apport supérieur aux besoins de 2 UFL par jour pendant cent jours. « Il faut du temps pour faire reprendre de l'état à une vache. » Après le vêlage, la perte d'état maximale doit être de 1,5 point. Au moment de l'insémination, la note d'état doit être supérieure à 2.

Les résultats moyens du lait (TB et TP pour six multipares et quatre primipares) signent l'absence d'acidose et un déficit azoté en début de lactation, avec quelques variations entre les taux et l'alimentation (voir tableaux 2 et 3).

Le lavage des bouses en vue de l'analyse de l'efficacité de la digestion a mis fin à cette formation pratique (voir photo 4).

L'association du sens clinique et de la maîtrise des indicateurs permet d'objectiver la réponse des vaches laitières à la conduite nutritionnelle mise en œuvre, avec ses éventuels facteurs de risque. Leur association avec la prévalence, l'incidence des affections, l'organisation du travail et le projet de vie des éleveurs permet de construire « un conseil “sur mesure” et non “du prêt à porter” », conclut Michel Vagneur.

  • (1) Conversion en lait standard en kg à 40 g/kg de TB et 32 g/kg de TP = lait produit en kg x (1 + (TB (g/kg) - 40 + TP (g/kg) - 32) x 0,015), soit dans le cas présent 30,5 kg ou 29,5 l de lait standard (1 l de lait = 1,033 kg de lait).

  • (2) Le mois moyen est la durée moyenne de lactation des vaches traites et contrôlée, exprimée en mois.

  • (3) Le mash est un mélange de matières premières en l'état. Il existe du mash fibreux, du mash amidon, du mash de type azote.

  • (4) Les besoins énergétiques pour produire 1 l de lait = 0,44 UFL. 5 UFL permettent donc la production de 11,3 l de lait.

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