LE SUCCÈS DE LA SPÉCIALISATION VIA L'EXPÉRIENCE EST TIMIDE - La Semaine Vétérinaire n° 1227 du 27/05/2006
La Semaine Vétérinaire n° 1227 du 27/05/2006

À la une

Auteur(s) : Agnès Faessel

Un titre de vétérinaire spécialiste peut s'obtenir par la validation d'une certaine expérience professionnelle. La procédure est en place et commence à fonctionner. Mais l'instruction des dossiers prend du retard, même si leur nombre n'explose pas le compteur.

Deux catégories de diplôme de spécialisation sont accessibles via la validation des acquis de l'expérience (VAE) pour les confrères et consœurs. Il s'agit des certificats d'études approfondies vétérinaires (CEAV) et des diplômes d'études spécialisées vétérinaires (DESV). Réglementairement, la VAE est un processus d'obtention à part entière d'un diplôme, comme la voie scolaire et la formation continue. En effet, le législateur a souhaité que le diplôme ne soit « plus seulement la sanction d'un parcours de formation », mais devienne « celle d'un parcours professionnel ».

Si la VAE fonctionne désormais (voir encadré en page 46), elle ne provoque pas d'enthousiasme démesuré chez les vétérinaires. Ainsi, pour le DESV de dermatologie, seuls deux candidats ont entamé la première étape de la validation. Pourtant, d'après Patrick Bourdeau, professeur à l'école de Nantes et président du comité d'orientation et de formation (Cof) concerné, « l'effectif des confrères susceptibles d'obtenir le DESV de dermatologie par la VAE est de quinze personnes environ ». De même, pour celui de médecine interne des animaux de compagnie, « deux vétérinaires ont entamé la procédure, dont l'un a déposé un dossier VAE n° 2 », explique Dominique Fanuel-Barret, professeur à Nantes et présidente du Cof. Concernant le DESV des sciences de l'animal de laboratoire, « le dossier d'une personne est en cours d'instruction », souligne Samuel Buff, maître de conférences et responsable du bureau de formation professionnelle de l'école de Lyon.

Si la liste des vétérinaires en cours de démarche de VAE est confidentielle, le profil des candidats peut être cerné.

La VAE règle le problème de reconnaissance des spécialistes de fait

Pierre Desnoyers, ancien directeur de l'école de Toulouse, a suivi le dossier de mise en place de la VAE pour les diplômes vétérinaires dans le cadre d'une commission animée par la Direction générale de l'enseignement et de la recherche (DGER). Pour lui, « la VAE est la bonne démarche pour reconnaître les spécialistes de fait. C'est le principal point positif de la loi ». En France, en effet, seul le DESV donne droit à un titre de spécialiste. Or ce diplôme est obtenu à l'issue d'une formation d'une durée équivalente à trois années universitaires à temps plein. Le profil type du candidat à la VAE est donc un vétérinaire qui possède un niveau de compétence et d'expérience correspondant à un titre de spécialiste, sans pouvoir l'afficher. Tel est le cas des titulaires d'un diplôme de collège européen, non reconnu dans l'Hexagone.

Mais encore faut-il qu'un DESV existe dans le domaine de spécialité concerné ! Ce n'est pas le cas en imagerie médicale, par exemple, exercice spécialisé dont vit Juliette Besso, diplomate de l'European College of Veterinary Diagnostic Imaging (ECVDI). Pour notre consœur, l'existence parallèle de diplômes européens non reconnus en France et de diplômes français n'est pas acceptable. « La VAE se fonde sur un dossier et un cursus professionnel qui correspondent à ce que les collèges ont mis en place. Ces derniers sont unanimement reconnus sur le terrain. Je ne vois pas l'utilité de débourser des frais d'inscription pour avoir le droit d'indiquer ma spécialité dans l'annuaire ! C'est un choix des vétérinaires qui pratiquent l'imagerie de ne pas créer de DESV dans la spécialité », estime-t-elle.

L'incompatibilité entre les diplômes français et européens freine les candidatures

Aujourd'hui, la France ne reconnaît donc pas les titres des diplomates des collèges européens. Elle a mis en place les DESV, non reconnus hors de ses frontières (voir tableau). Cette situation représente indirectement un frein à la démarche de VAE. Pour François Crespeau, professeur à l'école d'Alfort et président du Cof pour le DESV d'anatomie pathologique vétérinaire, « la spécialisation est un enjeu européen. Le registre des boards européens prime, notamment pour obtenir un emploi dans un laboratoire pharmaceutique ». Les prétendants à une spécialisation vétérinaire, quelle qu'elle soit, sont d'ailleurs souvent orientés vers un cursus européen. Mais d'après notre confrère, « ce qui a été mis en place en France est un bon tremplin, une excellente base pour obtenir un diplôme européen ». D'ailleurs, les référentiels des DESV sont souvent calqués sur ceux des collèges. Pour Dominique Fanuel-Barret, l'un des objectifs poursuivis est d'obtenir que « les résidents en DESV de médecine interne des animaux de compagnie passent directement les examens du board européen, et inversement ». Cette situation est effective pour le diplôme relatif aux animaux de laboratoire. « Ce DESV a été monté pour être reconnu par le collège européen, permettant aux futurs diplômés de se présenter à l'examen de ce collège », selon Samuel Buff. De même, en dermatologie, Patrick Bourdeau rappelle que « dans le projet de DESV soumis au ministère en 1998, une compatibilité avec le résidanat européen avait été demandée. L'idée avait été acceptée, mais le processus s'est ensuite arrêté ».

Dans la profession, nombreux sont ceux qui espèrent une évolution vers l'harmonisation des diplômes en Europe. Pour sa part, Juliette Besso reste convaincue que « dans quelques années, les diplomates des collèges seront officiellement reconnus en France ».

Dans certaines disciplines, le diplôme n'est pas encore ressenti comme une nécessité

Le faible engouement pour la VAE peut s'expliquer par l'absence d'un réel besoin de reconnaissance. C'est le cas dans certaines spécialités où le faible nombre de professionnels conduit à reconnaître chacun pour ses compétences et non d'après son diplôme. Xavier Malher, professeur à l'école de Nantes et président du Cof pour la spécialisation en gestion de la santé et de la qualité en productions avicoles et cunicole, déplore l'absence de candidats à l'obtention du CEAV par la validation des acquis de l'expérience (il n'existe pas encore de DESV dans la spécialité). Pourtant, selon lui, cette voie est celle qui correspond le mieux aux confrères en activité : « Les vétérinaires installés ne sont pas disponibles pour suivre les cours du CEAV. La VAE est une solution pour se faire officiellement reconnaître. La majorité des vétérinaires de ces filières ne sont pas attirés par les titres de gloire. Mais la certification a un sens pour les professionnels. La légitimité du CEAV devrait aboutir à ce qu'il devienne indispensable. » Son référentiel a d'ailleurs été validé avec les professionnels des filières. Et l'importance de l'enjeu se mesure par l'implication des responsables de la formation : le site Internet de l'école de Nantes est le seul qui propose, dès la page d'accueil, un lien intitulé “validation des acquis de l'expérience”. Il permet de télécharger rapidement la présentation du CEAV et le guide du candidat.

Dans d'autres domaines, la difficulté est de pouvoir vivre de sa spécialité

Dans certains secteurs, le frein à la VAE pourrait s'expliquer par la difficulté de vivre intégralement de sa spécialité. Selon Dominique Fanuel-Barret, « il est difficile de vivre de la médecine interne car, contrairement à d'autres spécialités, le besoin de référer est mal cerné ». D'après Patrick Bourdeau, « à la différence des habitudes suivies dans d'autres pays, les praticiens français ne réfèrent pas nécessairement leurs cas vers des spécialistes officiellement reconnus ».

Lorsque le débouché est (presque) garanti, le diplôme fonctionne bien et les candidats à la VAE sont plus nombreux. Ainsi, François Crespeau dénombre déjà six dossiers de candidature pour le DESV d'anatomie pathologique. Pour l'essentiel, il s'agit de titulaires de DES, diplôme qui a précédé le DESV. « Même si la formation et la structure sont les mêmes que ceux du DESV, le DES ne donne pas droit au titre de spécialiste. » Mais dans cette spécialité aussi, la procédure de VAE a pris du retard. « La démarche n'est pas facile à mettre en œuvre, explique notre confrère. Un jury de sept personnes ne se réunit pas aisément et il faut prendre la précaution de bien respecter les étapes. » Le dernier frein serait donc d'ordre administratif… et budgétaire.

La procédure de mise en place dans le cadre de la VAE est onéreuse

« Lourdeur administrative », « usine à gaz », « système gluant » figurent parmi les termes entendus pour qualifier la procédure de VAE. Ainsi, l'aspect rébarbatif du montage d'un dossier suffirait à démotiver certains candidats. Par ailleurs, d'après plusieurs présidents de Cof, une réunion de bilan, réalisée en février dernier avec la DGER, a montré une « vitesse variable d'avancée des dossiers selon les spécialités ». Afin d'homogénéiser les démarches, la direction centralise désormais la réception des premiers dossiers. Elle se charge notamment de vérifier leur recevabilité administrative. En effet, certains prérequis sont indispensables, comme la détention du diplôme vétérinaire et une durée d'expérience professionnelle d'au moins trois ans. Mais « aucune aide concrète n'a été apportée aux acteurs réels de la VAE, que sont les membres des Cof, par leur ministère de tutelle ».

Les candidats à la validation déboursent plus de 1 500 € de frais d'inscription et de dossier. Cela peut sembler bien élevé, notamment pour des vétérinaires qui ont déjà payé des formations, voire des frais de scolarité ou d'inscription à d'autres diplômes. Et cela simplement pour une reconnaissance nationale de leurs compétences, auxquelles ils font appel quotidiennement. Mais, de l'autre côté de la barrière, faire fonctionner la procédure avec peu de moyens – « financiers et humains », précise Pierre Desnoyers – est malaisé et induit immanquablement des retards. Le jury, par exemple, est constitué d'au moins cinq membres. Les réunir est coûteux et difficile d'un point de vue logistique, notamment s'ils exercent à l'étranger.

Malgré tous ces freins, les premiers spécialistes diplômés via la VAE devraient pouvoir visser leur nouvelle plaque avant la fin de l'année.

  • (1) Le montant des frais d'inscription est fixé par arrêté du 14/10/2004.

Procédure

• La demande : le candidat s'adresse au directeur de l'établissement ayant la responsabilité administrative du diplôme requis (l'une des quatre écoles nationales vétérinaires). Une première analyse de son projet est discutée avec un représentant du Cof du domaine. S'il est recevable, le candidat remet un “dossier VAE n° 1” (des frais de l'ordre de 150 € peuvent être nécessaires à ce niveau) qui contient notamment la description du parcours de formation et professionnel, la liste des travaux, publications, titres et brevets, une lettre de motivation. Une notification de recevabilité est adressée dans « un délai maximum de deux mois après réception ». Le candidat peut alors déposer le “dossier VAE n° 2” (les droits d'inscription s'élèvent à 1 500 €(1)). Il y précise le savoir-faire acquis connaissances, compétences, aptitudes) via les missions remplies dans le cadre de son activité professionnelle. Celle-ci comprend les emplois salariés et non salariés, mais aussi le bénévolat. Un volet “relations et réseaux professionnels” est inclus.

• Le jugement : l'examen du dossier s'effectue par un jury. Il s'achève par un entretien avec le postulant, pour apporter d'éventuelles précisions. Une mise en situation peut être organisée. L'aboutissement de la procédure est l'attribution de la totalité du diplôme ou sa validation partielle. Dans ce cas, le jury propose une marche à suivre pour l'acquisition des connaissances et/ou aptitudes manquantes et son suivi par un tuteur. L'évaluation en fin de parcours est assurée par le jury VAE. Elle nécessite de nouveaux droits d'inscription (750 €(1)) et se termine par l'attribution du diplôme ou sa validation partielle. Le candidat sort alors du dispositif.

A. F.
Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr