Il ne suffit pas de connaître les règles de base, encore faut-il les appliquer

La sécurité sanitaire des aliments résulte de précautions prises tout au long de la chaîne de préparation, depuis la production des matières premières jusqu’au stockage et à la préparation par le consommateur. De nombreux cas d’infections alimentaires pourraient être évités par une simple et correcte application de mesures hygiéniques lors de la manipulation des produits.

Ceci est particulièrement vrai au niveau du consommateur final car, contrairement aux idées reçues, près de 90 % des cas européens surviennent au domicile. Par exemple, 49 % des infections alimentaires enregistrées en Espagne entre 1993 et 1998 sont associées à une mauvaise manipulation des aliments au domicile. Ce taux a augmenté pendant la période de 1998 à 2003, passant à 58 %.

Les sondés sont classés en trois catégories selon leurs connaissances en hygiène alimentaire

Les auteurs d’une étude⁽¹⁾ ont cherché à évaluer la relation entre les connaissances en hygiène alimentaire et les pratiques de manipulation des aliments chez des étudiants espagnols. Les résultats montrent que la théorie (incluant la nature des germes pathogènes et les recommandations hygiéniques) est connue… mais peu appliquée. Ainsi, alors que 98,6 % des participants connaissent l’importance de se laver les mains avant et pendant la préparation des aliments, moins d’un quart d’entre eux le font. Les résultats suggèrent que les programmes d’éducation sanitaire sont à améliorer.

562 étudiants ont été interrogés au cours de l’année 2004. Ils sont classés en trois catégories fondées sur leur connaissance : considérée a priori comme haute pour les élèves en nutrition et en science de l’alimentation, moyenne pour ceux des autres sciences de la santé, basse pour les étudiants d’autres disciplines. Le questionnaire soumis comprenait trente-trois questions couvrant différents aspects de la sécurité sanitaire des aliments : connaissance des agents pathogènes, manipulation des aliments, conditions de stockage, etc. Les réponses ont ensuite fait l’objet d’une analyse statistique.

Seuls 13,5 % des sondés se lavent les mains avant et pendant la manipulation des aliments

Plus des deux tiers des personnes interrogées ont une connaissance correcte des agents pathogènes. Toutefois, des différences assez marquées sont observées entre les trois catégories d’étudiants. Même si 95 % d’entre eux connaissent le virus de l’hépatite A et 85 % Staphylococcus aureus, seulement 5 et 10 % respectivement sont capables de citer des aliments susceptibles d’être contaminés par ces agents. Concernant la prévention des contaminations croisées, 85 % des participants insistent sur l’importance du lavage de mains avant et pendant la préparation des aliments. Mais paradoxalement, seulement 13,5 % d’entre eux affirment le faire.

De même, 50 % des étudiants connaissent l’importance du nettoyage du matériel utilisé pour couper les matières premières, mais seulement 27 % le lavent ou emploient des instruments propres avant de couper des plats préparés. En outre, plus de 70 % des personnes interrogées citent la température correcte pour un réfrigérateur (de 0 à 5 °C), mais seulement la moitié disent connaître la température de leur propre réfrigérateur…

Nécessité d’améliorer les programmes de formation et de prévention

L’étude révèle par ailleurs que, globalement, les meilleures réponses sont données par les étudiants les plus âgés. Certaines font apparaître une différence selon le sexe, les femmes répondant mieux en matière de contamination croisée et les hommes pour les températures de conservation des aliments. De manière générale, les étudiants dont les connaissances en hygiène alimentaire sont les plus élevées ont de meilleures pratiques, mais même eux ont des comportements à risque.

Ces résultats confirment la nécessité d’améliorer les programmes d’éducation et de s’assurer que les connaissances acquises sont réellement appliquées par les consommateurs.

Il est à noter que cette enquête s’inspire d’études préalables menées aux Etats-Unis, en Italie et en Australie. Les résultats ne sont pas exactement superposables. En effet, plus de 80 % des participants de l’étude australienne affirmaient se laver les mains. Inversement, les températures adéquates de réfrigération semblent mieux connues en Espagne qu’en Australie ou en Grande-Bretagne. Toute fois ces données montrent l’existence de réelles lacunes et la nécessité d’améliorer les programmes de prévention auprès des consommateurs.

• (1) R. Garayoa, M. Cordoba, I. Garcia-Jalon, A. Sanchez-Villegas, A.I. Vitas : « Relationship between consumer food safety knowledge and reported behavior among students from health sciences in one region of Spain », Journal of Food Protection, 2005, n° 68, vol. 12, pp. 2631-2636.