Chez les veaux à risque de coccidiose, la métaphylaxie évite l’épisode clinique - La Semaine Vétérinaire n° 1225 du 13/05/2006
La Semaine Vétérinaire n° 1225 du 13/05/2006

Coccidiose bovine

Formation continue

RURALE

Auteur(s) : Eric Vandaële

Stratégique ou tactique, le traitement métaphylactique doit être le plus « tardif » possible pour ne pas entraver le développement de l’immunité.

Le 17 mai prochain, un symposium sur la coccidiose bovine est organisé par la commission “parasitologie” de la Société nationale des groupements techniques vétérinaires (SNGTV), lors de ses journées nationales. Dans le cadre de sa préparation, le laboratoire Janssen a réalisé une enquête de terrain auprès de cent trente-huit vétérinaires et a organisé une première table ronde à Paris, qui a réuni une douzaine de praticiens et de parasitologues.

Sur le terrain, les praticiens observent une recrudescence de la coccidiose et une extension vers des formes plus précoces, dès trois semaines d’âge chez les veaux laitiers, ou avant la mise à l’herbe chez les veaux allaitants âgés de six à huit semaines. Les deux principales Eimeria pathogènes retrouvées en France, E. bovis et E. zuernii, présentent une période prépatente de seize à vingt et un jours. Les formes cliniques les plus précoces, confirmées par les reproductions expérimentales, ne surviennent donc pas avant l’âge de dix-huit jours. Elles peuvent toutefois précéder l’excrétion ookystale de deux à trois jours.

Chez les bovins, les stades d’Eimeria spp. les plus pathogènes et immunogènes sont ceux de la fin de cycle, avec la seconde schizogonie et la gamétogonie. En fin de cycle, à partir du dix-huitième ou dix-neuvième jour après l’infection, une véritable destruction de l’épithélium et des cellules épithéliales est observée. Les lésions macroscopiques, des nodules blancs ou gris en “tête d’épingle”, sont alors visibles à l’œil nu, selon Christophe Chartier, de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments de Niort.

Mais contrairement à la coccidioseovine, le développement de l’immunité chez les bovins nécessite d’attendre ce contact “fort” avec les formes pathogènes de la fin du cycle avant de traiter.

L’excrétion ookystale ne suffit pas pour faire un diagnostic

« La prévalence coprologique (excrétion ookystale) ne doit pas être confondue avec le diagnostic d’une expression clinique de la coccidiose », souligne notre confrère Philippe Dorchies, professeur de parasitologie à Toulouse. Habituellement, les bovins sont infectés par plusieurs espèces d’Eimeria dont seulement une ou deux sont pathogènes. Leur pathogénicité résulte de l’intensité de leur multiplication intestinale au stade de schizontes et de gamontes, ainsi que d’une défaillance immunitaire (liée à un stress). Une “rotation” des espèces de coccidies selon l’âge des individus et la saison est possible. En revanche, seuls certains d’entre eux exprimeront une maladie clinique ou subclinique selon les facteurs de risque.

Il existe deux portes d’entrée pour ces facteurs de risque : l’hygiène (surpeuplement, litière accumulée et insuffisamment renouvelée, vétusté du bâtiment, humidité excessive, ventilation insuffisante et température supérieure à 15 °C) et le stress (allotement, sevrage, manipulations, transitions alimentaires et mise à l’herbe, par exemple). « Le stress peut à lui seul expliquer que des coccidioses cliniques surviennent chaque année dans des élevages où l’hygiène est excellente et parfaitement maîtrisée », indique Christophe Chartier en réponse aux interrogations de Nicolas Roch, praticien bourguignon, qui constate « la survenue d’épisodes cliniques répétés chaque année dans les mêmes élevages charolais où l’hygiène est pourtant excellente ». Une sensibilité génétique est également évoquée et n’est pas à exclure.

10 % des veaux d’un élevage hébergent 90 % des parasites

Il est difficile d’établir des seuils ou des corrélations entre l’infestation parasitaire et l’excrétion ookystale et, a fortiori, entre cette dernière (ookystes par gramme, OPG) et une expression clinique ou subclinique (voir graphique 1). Dans un élevage, « 10 % des animaux hébergent 90 % des parasites », expliquent les parasitologues. Ces veaux excrètent donc 90 % des ookystes, et non les adultes ou les mères lors du péripartum. Toutefois, même la plupart des veaux n’excrètent que peu d’ookystes. « Les examens coprologiques individuels n’ont qu’une faible valeur dans un groupe à risque », d’autant que l’excrétion ookystale chez un même animal est aussi variable dans le temps.

L’excrétion est le plus souvent fugace, sous forme d’un pic, avec ou sans expression clinique. Même en phase clinique, la coproscopie se révèle assez aléatoire compte tenu du caractère sporadique de ces pics d’excrétion d’ookystes.

Pour accroître la valeur diagnostique de ces examens sans en augmenter le nombre et donc le coût, Christophe Chartier recommande de réaliser des coproscopies de mélange. Les fèces de cinq à dix animaux à risque sont ainsi mélangées. Les résultats permettent de mieux apprécier un diagnostic d’exposition au risque. Le résultat quantitatif en OPG devrait être exprimé en comptage (et non sous forme de réponses “d’une à trois croix” qui, dans ce contexte, n’ont plus aucune signification), car même l’espèce la moins pathogène peut le devenir lors d’infection massive. Ensuite, la diagnose des espèces de coccidies, fondée sur la morphologie des ookystes, est rarement réalisée. « C’est dommage, car cela n’est pas si compliqué à partir de la morphologie et des dimensions connues des ookystes. »

Le diagnostic repose sur le tableau clinique, l’épidémiologie et la coprologie

Le diagnostic de coccidiose clinique repose sur l’association de plusieurs types d’informations et non sur un seul élément :

- des données épidémiologiques (les facteurs de risque liés à l’âge, aux conduites d’élevage, etc.) ;

- des signes cliniques (notamment la diarrhée hémorragique ou profuse chez un veau de moins d’un an, après l’exclusion d’une autre cause parasitaire) ;

- des examens complémentaires, notamment une coproscopie quantitative avec identification des espèces pathogènes (E. bovis et E. Zuernii surtout);

- une autopsie éventuellement.

Christophe Chartier refuse la notion de valeur seuil d’OPG pour établir un diagnostic. Car la relation entre un OPG et une expression clinique sévère n’est évidente. Pour lui, l’OPG est un élément complémentaire du diagnostic qui s’ajoute à l’anamnèse et aux signes cliniques ou d’appel (mauvais appétit, mauvaise croissance, mauvais poil). Il considère donc cet examen de laboratoire comme une aide — « un éclairage » —, mais pas comme une confirmation diagnostique en cas de dépassement d’une valeur seuil. En pratique, la moitié des praticiens (52 %) ont recours systématiquement ou fréquemment à la coproscopie (voir tableaux).

La métaphylaxie anticoccidienne peut reposer sur des programmes stratégiques

Comment contrôler la coccidiose des veaux ? Depuis quelques mois, la suspension buvable de diclazuril (Vecoxan®, Janssen) vient d’étendre ses indications, initialement restreintes aux agneaux, aux veaux, en « prévention » et « en présence de coccidiose au moment du traitement », selon les termes du résumé officiel des caractéristiques du produit (RCP). Il s’agit donc bien d’une métaphylaxie en vue d’éviter la coccidiose clinique ou subclinique dans une situation où le risque est élevé. Pour favoriser le développement de l’immunité des veaux, le traitement est réalisé « le plus tard possible » dans le cycle, mais avant les signes cliniques et l’excrétion ookystale. L’intervention métaphylactique se situe alors aux alentours du quatorzième ou quinzième jour postinjection, huit jours avant la date présumée des signes cliniques les plus importants (voir graphique 2).

62 % des praticiens déclarent déjà pratiquer ce type de traitement métaphylactique avec le diclazuril. Dans la plupart des cas (71 %), une seule prise (Vecoxan®) est prescrite. Mais, en cas de forte pression d’infection, certains d’entre eux réalisent un second traitement vingt et un jours plus tard, si le premier est un peu trop précoce, pour permettre le développement d’une immunité chez tous les veaux du même lot.

La métaphylaxie peut reposer sur des programmes stratégiques, en identifiant les périodes ou les lots à risque dans des exploitations : les veaux allaitants de six semaines d’âge ou à la mise à l’herbe, les veaux laitiers deux semaines avant le sevrage, ou encore dix à quatorze jours après l’allotement des taurillons ou des veaux de boucherie.

Cette métaphylaxie peut aussi s’appuyer sur des thérapeutiques tactiques, en prévoyant le traitement dès l’apparition du premier cas de coccidiose clinique ou subclinique et dès lors que la coprologie de mélange confirme la présence de coccidies pathogènes (dès 100 ou 500 OPG). Pour les parasitologues, seule la dimension économique, souvent indéniable, peut justifier des traitements avec des OPG aussi faibles.

Le traitement métaphylactique de veaux âgés de six à huit semaines, atteints d’une coccidiose subclinique à E. bovis et/ou E. zuernii (sur la base d’OPG de l’ordre de 500), a permis d’observer un gain de croissance de 2,4 à 3,4 kg des lots traités (n = 115) par rapport à ceux d’animaux non traités (n = 115) durant les vingt et un jours d’observation, soit un gain moyen quotidien supplémentaire de 100 à 150 g.

Eimeria alabamensis en France : la coccidie sans la coccidiose

Les praticiens Christophe Chartier et Philippe Dorchies confirment la présence d’Eimeria alabamensis en France. Elle est isolée dans des coproscopies. Cette coccidie présente une période prépatente bien plus courte (de six à huit jours).

Des formes cliniques de coccidiose à E. alabamensis sont décrites dans le nord de l’Europe

chez des veaux laitiers mis dans les mêmes pâturages (parcs à veaux) d’une année sur l’autre, mais pas en France pour l’instant. Deux hypothèses tentent d’expliquer cette absence de coccidiose clinique à E. alabamensis en France :

- les formes cliniques pourraient être dépistées en France, mais les éleveurs et les praticiens ne la suspectent pas et donc ne la recherchent pas ;

- la conduite des jeunes veaux laitiers en France ne conduit pas à reproduire les mêmes situations épidémiologiques que dans les pays du nord de l’Europe, même si E. alabamensis est indéniablement présente en France.

La suspicion de cette coccidiose repose sur des éléments épidémiologiques et cliniques

lors de l’apparition d’une diarrhée sur des petits veaux laitiers à la mise à l’herbe sur des parcelles identiques d’une année sur l’autre (parcs à veaux).

Le diagnostic coproscopique repose sur la mise en évidence de pics fugaces de fortes excrétions d’ookystes (> 850 000 OPG). Cette excrétion est souvent postérieure à la diarrhée de trois à cinq jours. Elle est surtout brève (deux jours). Le diagnostic différentiel avec d’autres causes de diarrhées à la mise à l’herbe n’est donc pas évident et ne conduit pas à évoquer une coccidiose lors de diarrhée banale sans mortalité. Cette coccidiose ne provoque en effet pas d’abattement, de mortalité ou de récidive. La contamination environnementale est forte.

E. V.
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