L’EXERCICE EN SOLITAIRE SÉDUIT MOINS LES CONFRÈRES - La Semaine Vétérinaire n° 1224 du 06/05/2006
La Semaine Vétérinaire n° 1224 du 06/05/2006

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Auteur(s) : Marine Neveux

Est-il encore envisageable d’exercer seul ? Cette question, qui mérite réflexions et débats, n’appelle pas une réponse tranchée.

Néanmoins, alors que le paysage professionnel et, plus globalement, la société ont muté et se sont transformés, il est légitime de s’interroger. Car exercer en solitaire aujourd’hui soulève des difficultés réelles.

Ceux qui vivent leur exercice au quotidien en solo y trouvent-ils un apaisement ? L’association, parfois vécue avec plus ou moins de bonheur, peut le laisser penser. Ce choix apparaît alors comme un gage de liberté. Mais comment un confrère qui travaille seul peut-il gérer l’activité ? Par exemple, quelle solution adopter pour assurer la délivrance des médicaments quand arrive le moment des visites à l’extérieur ?

Certains confrères décident d’être les seuls maîtres à bord, tout en s’appuyant sur des salariés. Ces derniers sont-ils alors plutôt des auxiliaires ou des vétérinaires ? Ne vaut-il pas mieux s’associer avec un autre praticien ou travailler avec des cliniques voisines ? A chacun sa réponse, à chacun sa méthode, car les situations des uns et des autres sur le terrain sont différentes, en termes tant d’organisation que de ressenti. Quoi qu’il en soit, qu’il s’agisse d’un choix délibéré ou non, certains écueils sont inhérents à l’exercice en solo, comme le risque d’épuisement professionnel (burn out) ou encore la difficulté d’assurer la continuité de soins, de gérer les contraintes réglementaires, de parvenir à dégager du temps pour la formation. Il faut également se pencher sur le plateau technique nécessaire, les coûts engendrés, etc.

Les contraintes quotidiennes arrivent en tête des préoccupations

Interrogés sur leurs difficultés via un sondage en ligne proposé l’an passé, les praticiens libéraux exerçant seuls citent d’abord le manque de temps libre (45 %), suivi par l’absence d’interlocuteur avec qui discuter (31,3 %). « Je reste persuadé que la tendance lourde de l’évolution de nos structures est le regroupement de confrères », estime François Bongars, praticien à Antibes (Alpes-Maritimes). Une opinion qu’il partage avec la plupart des vétérinaires. En effet, selon une enquête réalisée sur le site Planete-vet.com, 90 % d’entre eux envisagent l’exercice à plusieurs (76 % en association et 14 % avec des salariés). « Toutefois, à l’ère de l’informatique et de la communication à distance, il est possible de concevoir un réseau plus large de compétences croisées entre les cabinets de ville où exercent un ou deux vétérinaires généralistes et des hyper-spécialistes ou “consultants à distance” reliés par le réseau Internet ou autre, qui interviendraient dans le diagnostic, le traitement, voire au niveau de la chirurgie (cela existe en médecine humaine) », poursuit François Bongars.

Selon les données de l’Annuaire Roy, 60,4 % des confrères travaillent en solo (avec parfois des salariés) et 34,7 % exercent avec un ou deux associés. Mais il est difficile d’établir la proportion exacte de vétérinaires qui exercent strictement seuls (sans auxiliaires ni salariés vétérinaires). Elle serait de 12 à 14 %.

La délivrance du médicament est l’une des difficultés majeures à gérer

La délivrance des médicaments est un problème plus spécifiquement rencontré en exercice rural ou mixte, où les visites à l’extérieur sont fréquentes. Chaque confrère s’adapte alors selon son organisation.

« Lorsque nous connaissons le client et que nous disposons d’un dossier de suivi de l’animal, l’auxiliaire ne rencontre pas de difficulté pour faire le renouvellement, témoigne un confrère exerçant en canine. D’un point de vue pratique, il serait illogique de se créer des contraintes. » Mais la situation peut être plus délicate, notamment en pratique rurale, lorsque des tiers tentent de piéger les praticiens. Dans ce domaine, les conflits rencontrés se situent plutôt dans les zones de fortes productions où il existe de nombreux concurrents (groupements, pharmaciens, etc.). Ils évoluent parfois jusqu’au litige juridique.

De la continuité des soins aux investissements, chaque secteur est une source de problèmes

L’exercice seul soulève aussi la problématique de la continuité des soins. En zone rurale ou semi-rurale, elle est assurée le plus souvent par les praticiens eux-mêmes. En zone urbaine, il en va souvent différemment. Plusieurs systèmes permettent aux confrères et consœurs de “décrocher”, depuis la mise en place d’un répondeur qui renvoie sur un service d’urgence jusqu’à la mutualisation des gardes avec d’autres cliniques.

Mais au-delà de cette problématique pour laquelle des solutions peuvent être mises en place, des difficultés d’ordre purement pratique se posent chaque jour pour ceux qui exercent seuls. Par exemple, comment effectuer une courbe de glycémie sans être interrompu par l’arrivée de clients, des appels téléphoniques, etc. ? Porter un animal de plus de 40 kg peut aussi se révéler difficile pour certains !

Les investissements constituent une autre source d’interrogations. « Est-il rentable d’investir dans un échographe lorsque le cabinet ne reçoit qu’une dizaine de clients par jour ? », se demande ainsi une consœur. Les choix dans ce secteur doivent en effet intégrer les notions de rentabilité économique, de pression scientifique, de bonnes pratiques et de faute professionnelle. « L’endettement est parfois long », déplore cette praticienne.

Face à la pression quotidienne, parvenir à rompre l’isolement est primordial

« Nous avons une approche pragmatique de la clientèle explique un confrère canin. En effet, nous sommes en contact direct avec les propriétaires. Aucune auxiliaire ne joue le rôle “d’écran” ou de “tampon”. C’est parfois usant, car il est difficile de s’échapper. En contrepartie, les clients sont satisfaits de pouvoir nous joindre directement. » Les praticiens dans cette situation doivent prendre garde à la pression morale exercée par la clientèle et au sentiment d’isolement exacerbé qui en découle. L’impossibilité de discuter avec un confrère pour échanger des idées techniques ou son impression sur une situation ou un client constitue une carence souvent citée par ceux qui exercent seuls.

Pour remédier à ce phénomène, diverses options sont prises.

« Je travaille avec de jeunes diplômés qui viennent m’assister lors des périodes de vêlage, témoigne ainsi un praticien bourguignon. C’est l’occasion de leur offrir un soutien technique, mais aussi de discuter des nouveautés dont ils ont pris connaissance durant leur cursus. » « Je n’hésite pas à décrocher le téléphone pour appeler des amis et confrères », souligne pour sa part un vétérinaire parisien. En outre, dans ce contexte, les listes de discussion électroniques et le tissu associatif prennent toute leur importance.

Se faire remplacer tient parfois de l’exercice de haut vol

« Il est difficile de recruter des assistants lors des vacances ou pour des remplacements ponctuels, estime une consœur exerçant en rurale. Mais cette situation n’est pas seulement liée au fait de travailler seul. Les plus grosses structures sont confrontées à des problèmes similaires. » « Je fais appel à un confrère salarié qui vient une journée par semaine dans ma clinique et qui intervient également dans d’autres structures. C’est une soupape de sécurité si je rencontre un souci de santé ou autre », explique un praticien.

Face à cette situation, faut-il se regrouper ? « Certains propriétaires sont réticents lorsque nous évoquons l’idée de référer le cas de leur animal à une clinique à proximité », témoigne toutefois un confrère. En outre, le regroupement ne doit pas signifier la gestion par certains praticiens de toutes les urgences du soir et du week-end envoyées par ceux qui “se déchargent” ainsi des contraintes de la continuité des soins. « Se regrouper nécessite par ailleurs d’étudier la rentabilité financière », souligne un confrère. La solitude ajoutée à la difficulté de voir s’élever le chiffre d’affaires de la clinique doivent-elles conduire à considérer l’exercice de groupe comme la solution d’avenir ? La réponse n’est pas tranchée, mais les contraintes réelles qui existent avec l’exercice en solo méritent d’être soupesées.

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