PORCS ET TÉTRACYCLINES SONT LES SUMOS DE L’ANTIBIOTHÉRAPIE - La Semaine Vétérinaire n° 1222 du 15/04/2006
La Semaine Vétérinaire n° 1222 du 15/04/2006

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Auteur(s) : Éric Vandaële

En productions animales, la tendance est à la diminution lente, constante et réelle de la consommation des antibiotiques. La voie orale représente 98 % des 1 270 tonnes de principes actifs consommées, le porc entre 60 et 80 % et les tétracyclines la moitié. Ce sont les trois points clés de l’antibiothérapie.

Un antibiotique ne s’use que si l’on s’en sert. » Cette lapalissade illustre bien la problématique de l’antibiorésistance. En d’autres termes, son émergence est corrélée à la pression de sélection exercée sur les germes pathogènes et surtout commensaux. Plus la pression est élevée, c’est-à-dire plus l’antibiotique est fréquemment utilisé, plus le risque d’apparition de l’antibiorésistance est grand.

C’est donc dans le cadre du groupe de travail “antibiorésistance” de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) que l’Agence nationale du médicament vétérinaire (ANMV) rend public son rapport sur le suivi des ventes d’antibiotiques vétérinaires entre 1999 et 2004. La quantité de principes actifs antibiotiques vendus en 2004 comme médicaments s’établit à 1 270 tonnes, en légère diminution de 2,6 % par rapport à2003. Depuis le sommet atteint en l’an 2000 (1 388 tonnes), la diminution est lente et constante dans toutes les productions animales, qui consomment plus de 98,5 % du tonnage des antibiotiques vétérinaires.

Chez les animaux de compagnie, en revanche, cette baisse n’est pas observée. A l’inverse, une hausse de 12,7 % de la consommation d’antibiotiques est rapportée depuis 1999. Mais elle est surtout liée à des changements réglementaires de statut de quelques antibiotiques (pénicillines) qui, jusqu’en 2003, étaient principalement utilisés chez les animaux de rente avant que leur emploi ne soit officiellement restreint aux seuls animaux de compagnie non destinés à la consommation humaine.

Une note du ministère de l’Agriculture précise aussi les quantités d’additifs-antibiotiques et de coccidiostatiques consommées : 75 tonnes pour les premiers (à 80 % chez les porcs) et 754 tonnes pour les seconds (chez les volailles à 72 % et les lapins à 28 %).

La consommation ne diminue pas seulement à cause de la baisse des cheptels

Depuis les campagnes de l’hiver 2000-2001, « les antibiotiques ne sont plus automatiques » en médecine humaine. Elles ont abouti à une diminution de 13,4 % des prescriptions entre 2001 et 2004. Les productions animales ont aussi baissé de 8,3 % leur consommation d’antibiotiques durant la même période : - 3,4 % chez les bovins, - 5,3 % chez les volailles, - 8,9 % chez les porcs.

Cette diminution de la quantité d’antibiotiques peut en partie s’expliquer par une lente baisse du cheptel français et des productions animales de 3,3 %, ramenée en tonnes de viandes produites depuis 1999 (voir tableaux 1 et 2). Néanmoins, ce recul n’explique pas à lui seul la baisse de consommation observée dans les trois principales filières (bovine, porcine et avicole). Par tonne de viande produite, les antibiotiques perdent en cinq ans 4,9 % chez les volailles et 4,5 % chez les bovins (- 6,5 % par animal). Chez les porcs, la situation est plus contrastée avec une légère hausse de la consommation d’antibiotiques par animal depuis cinq ans (+ 2,1 %), mais une diminution par tonne de viande produite (- 2,2 %).

Une autre explication pourrait être avancée, prenant en compte l’augmentation de la consommation d’antibiotiques récents (fluoroquinlones, céphalosporines, etc.) utilisés à faibles doses (inférieures à 10 mg/kg/j) en remplacement d’autres principes actifs dont les posologies sont bien supérieures. Toutefois, elle est insuffisante pour expliquer la diminution du tonnage. En outre, les espèces chez lesquelles une hausse de l’emploi des fluoroquinolones et des céphalosporines est rapportée (bovins, animaux de compagnie) ne sont pas vraiment celles où les diminutions (en tonnages) sont les plus fortes (porcs et volailles).

Le rapport de l’ANMV souligne qu’il ne tient pas compte des utilisations « non autorisées » (hors AMM dans le cadre de la cascade), voire « illégales ». Les importations espagnoles ont commencé à se développer à partir de 2001, pour atteindre des parts de marché significatives dans certaines régions. La baisse de l’usage des antibiotiques légalement autorisés (avec AMM) peut aussi cacher une consommation excessive d’antibiotiques illégaux, évidemment non suivie par l’Afssa durant la période 2001-2004.

Les poids plumes de troisième génération sont loin de rattraper les poids lourds

Avec 1,36 % du tonnage, les antibiotiques “récents” – céphalosporines, fluoroquinolones, phénicolés (florfénicol) – sont les poids plumes de l’antibiothérapie. Les deux premiers ont pourtant connu une forte augmentation (25 à 30 %) en cinq ans.

Les animaux de compagnie sont les principaux consommateurs (63 %) de céphalosporines (probablement la céfalexine). Une croissance surtout chez le chat (+ 158 % à 0,31 tonne) et le chien (+ 37 % à 4,48 tonnes). La consommation de céphalosporines chez les porcs est faible, mais en forte hausse (+ 47 % à 1,13 tonne). Elle reste stable chez les bovins (1,8 tonne).

L’Afssa surestime le porc par rapport au lapin et aux espèces mineures

La difficulté pour estimer les consommations d’antibiotiques dans les différentes productions animales réside dans la répartition des médicaments multi-espèces, fréquents dans ces filières. La méthode mathématique adoptée par l’Afssa conduit ainsi à surestimer les tonnages consommés chez les porcs (82 %) au détriment de toutes les espèces, notamment mineures (0,34 % chez le lapin, par exemple).

Selon une enquête de terrain organisée par le Syndicat de l’industrie du médicament vétérinaire (SIMV) et portant exclusivement sur les productions animales et la voie orale (soit environ 85 % du tonnage), la répartition est sensiblement différente (voir tableau 3).

Les porcs pèsent toujours lourd dans le tonnage global (57 %), mais la part des bovins ou des volailles est fortement augmentée. L’enquête du SIMV met ainsi en évidence une hausse élevée des consommations d’antibiotiques dans la filière dinde, liée en particulier à l’interdiction du nifursol comme additif et à la forte recrudescence d’affections digestives associées.

L’enquête du SIMV révèle également des consommations d’antibiotiques chez les lapins vingt fois plus importantes que celles estimées par l’Afssa…

Sans les additifs, les macrolides progressent

Les macrolides et les antibiotiques apparentés aux macrolides, les pleuromutilines (tiamuline) et les lincosamides (lincomycine), ont beaucoup progressé après l’interdiction, dès fin 1998 et début 1999, des antibiotiques-additifs, notamment la spiramycine et la tylosine. Ainsi, une forte progression (+ 45 %) des quantités de macrolides vendues est observée entre 1999 et 2002, en particulier chez les porcs (93 tonnes en 2002) et les volailles (8 tonnes).

Cette croissance est suivie d’une légère diminution en 2003, puis en 2004.

L’interdiction en début d’année des derniers antibiotiques-additifs devrait contribuer à augmenter la consommation de ce type d’antibiotiques macrolides, pleuromutilines, lincosamides.

É. V.

Les poids lourds et poids moyens de l’antibiothérapie

• Les tétracyclines chez le porc par voie orale. Trois poids lourds dominent l’antibiothérapie vétérinaire : une voie d’administration (la voie orale pour 88,2 % des usages), une espèce (le porc pour 82 % des usages selon l’Afssa, 57 % selon une enquête de terrain réalisée par le SIMV) et une classe thérapeutique (les tétracyclines pour la moitié du tonnage).

Ainsi, les tétracyclines orales chez le porc pèseraient pour plus de 550 tonnes, soit 40 % du tonnage antibiotique global, toutes espèces et voies confondues.

Beaucoup plus faible, la consommation de tétracycline par les bovins (veaux probablement) est en augmentation constante : de 31 tonnes en 1999 à 36 tonnes en 2004. En revanche, cette consommation baisse chez les volailles (- 11 %, 42 tonnes) et surtout chez les lapins (- 43 %, 1,9 tonne).

• Les tétracyclines et les sulfamides :

Avec les tétracyclines (638 tonnes), les sulfamides dont le triméthoprime (240 tonnes au global) représentent près de 70 % du tonnage. Toutefois, les sulfamides sont en forte baisse depuis cinq ans dans toutes les productions (- 21 % chez les volailles et les porcs, - 30 % chez les bovins et même - 35 % chez les lapins).

• Les pénicillines (104 tonnes) et les macrolides (95 tonnes) représentent chacune environ 8 % du tonnage.

• Les aminosides (75 tonnes) et les polypeptides (62 tonnes) font chacune 5 % du tonnage.

É. V.

75 tonnes d’antibiotiques, 754 tonnes de coccidiostatiques

Pour la première fois, le rapport de l’Afssa ajoute les quantités d’additifs dans les catégories antibiotiques (75 tonnes) et coccidiostatiques (754 tonnes).

• Antibiotiques-additifs : 75,1 tonnes, surtout pour les porcs

Seuls quatre antibiotiques-additifs restaient autorisés en 2004 (ils sont désormais tous interdits depuis le 1er janvier dernier). Leur consommation est la suivante pour l’année 2004 :

- avilamycine (Maxus®) : 55,4 tonnes (73,5 %), dont 93 % au moins chez les porcs, le reste chez les volailles ;

- flavophospholipol (Flavomycine®) : 11,4 tonnes, dont 80 % au moins chez les volailles ;

- salinomycine (Salocine®) : 7,2 tonnes, chez les porcs exclusivement ;

- monensin : 1 tonne, chez les bovins. L’interdiction de ces additifs devrait probablement accroître la consommation d’antibiotiques chez les porcs en 2006.

• Coccidiostatiques : 754 tonnes pour les volailles (70 %) et les lapins (30 %)

Dix coccidiostatiques sont autorisés pour les volailles (et les lapins pour deux d’entre eux) :

- robenidine (Cycostat®) : 231,8 tonnes, à 92 % au moins chez les lapins ;

- diclazuril (Clinacox®) : 165,9 tonnes (volailles) ;

- salinomycine (Sacox®) : 104,2 tonnes, à plus de 99 % chez les volailles ;

- lasalocide sodium (Avatec®) : 94,2 tonnes (volailles) ;

- narasin et nicarbazine (Maxiban®) : 69,5 tonnes (volailles) ;

- monensin (Elancoban®) : 58,7 tonnes (volailles) ;

- maduramycine (Cygro®) : 17,6 tonnes (volailles) ;

- narasin (Monteban®) : 8,1 tonnes (volailles) ;

- nicarbazine : 1,9 tonne (volailles) ;

- halofuginone (Stenorol®) : 1,5 tonne (volailles).

É. V.
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